Anne Decrosse Jean Davallon Socio-critique de la raison sémiotique In: Langage

Anne Decrosse Jean Davallon Socio-critique de la raison sémiotique In: Langage et société, n°42, 1987. 10 ans de Langage et Société. pp. 81-98. Résumé La socio-sémiotique, science de synthèse de divers domaines des sciences du langage et de la société, introduit une relecture critique du mode de jugement et de raisonnement de la sémiotique et de la sémiologie. En ce sens elle est une condition épistémique de compréhension de la raison sémiotique. Mais, dans ce déplacement, elle rencontre un certain nombre de jugements internes à cette même raison pour en fonder une cohérence nouvelle. Essentiellement parcours du sens, la sociosemiotique constitue une alliance entre la philosophie et les sciences sociales et humaines. Abstract Anne Decrusse ; Jean Da Vallon, "Socio-semiotics and jugement". Socio-semiotics introduced the theoretical concepts and the methodological principles needed to formalize a systematic and practical survey of sémiologie and semiotic discourses. That is to say, we get the picture of ordinary scientific studies about society and language applied to a new comment. We will find that this meaning is the logical and epistemological vulgata about the sign. We would proceed thus : socio-semiotics gives us the key for the exploration of the mutual inclusion of philosophic analysis of society and language pattern. Citer ce document / Cite this document : Decrosse Anne, Davallon Jean. Socio-critique de la raison sémiotique. In: Langage et société, n°42, 1987. 10 ans de Langage et Société. pp. 81-98. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1987_num_42_1_2381 SOCIO-CRITIQUE DE LA RAISON SEMIOTIQUE Anne DECROSSE, EHESS Jean DA VALLON Université de Lyon II Centre de politologie historique 1 . INTRODUCTION Nous aborderons dans cet article la lecture des modèles de la sémiotique et de la sémiologie à partir des effets critiques que la socio-sémiotique a produit dans leurs champs. A la fois construction logique de synthèse des diversités des investiga tions sémiotique et sémiologique "classiques", et conversion et extension du champ, des domaines et des objets d'analyse la socio-sémiotique peut permettre de mettre en évidence la raison sémiotique (entendue au sens large des sémiologies et sémiotiques existantes) et s'en constituer comme un point (socio)critique d'analyse. Socio-critique à comprendre comme sociologie critique de la science sémiologique et sémiotique mais, aussi, comme ouverture d'une théorisation du social et du langage en tant que "petites logiques du sens". En s'ouvrant à la pensée et à la modélisation du pluralisme de la valeur (scientifique ou du domaine étudié) le champ de la sociosemiotique constitue une approche pluridisciplinaire et philosophique. Elle s'est consti tuée comme telle de façon récente et spécifiquement européenne, générée par une lecture philosophique forte de la tradition néo- Kantienne, de Weber et de Wittgenstein tant en synthétisant le Langage et Société n° kl - Décembre 1987 - 82 - double mouvement des sciences modernes de l'homme et de la socié té: - l'incidence fondamentale, d'une part, dans une visée structuraliste , du statut du langaqe dans la théorisation de la société, - d'autre part, la recherche de modèles formels spatio logiques relatifs à la fonction symbolique ou aux pratiques du symbolique, de plus en plus aiguisés et de plus en plus "cou- vranf'du procès économique. Cependant, en approfondissant l'étude des niveaux de régula tion et de contraintes entre Fonction symbolique, Systèmes et Pratiques signifiantes, et modes de production de l'organisation sociale, la sociosémiotique rencontre les questions vives du débat philosophique autour du criticisroe, dont la réflexion sur le statut historico-he rméneutique du sens et de la connaissance. Ainsi, la signification est conçue comme ensemble de pro cessus par lesquels la vie sociale se constitue comme un procès signifiant, mais, aussi par lesquels le langage rend possible la vie sociale. La morpho-genèse de la signification est simultané ment une sémio et une socio genèse où s'articulent les niveaux de production et de régulation de la mise en forme du sens en tant qu'activité symbolique participant à l'économie d'une société. "En ne se réglant pas sur un objet, ou encore sur une variété d'objets dont la clôture ferait sens, mais en se donnant comme domaine d'activité l'étude de la mise en forme du sens dans les pratiques signifiantes et dans l'organisation signifiante des produits, la sociosémiotique développe les questionnements de la sémiologie générale tout en intégrant une nouvelle perspective: adjoindre à l'étude de la connaissance l'étude du fonctionnement de la connaissance." (extrait de l'article SOCIOSEMIOTIQUE, Dictionnaire Philosophique, Tome 2, PUF, à paraître). 2 ) ENJEUX Issu du développement des recherches sur le langage à la suite du projet Saussurien d'une sémiologie générale le domaine sémiologique et sémiotique, tel qu'il s'est développé depuis les années 60, et tel qu'il s'inscrit actuellement dans les sciences, a englobé les questionnements liés aux modèles topologiques issus des mathématiques, et, ceux spécifiques des disciplines sociolo giques. La notion d'interaction et celles de production et d'in terprétation comme système, sont centrales pour la construction des observables. Ces notions conduisent à concrétiser la morpho- genèse et à en concevoir la matérialité. - 83 - 2.1. La sociosémiotique: un domaine de la sémiologie a) La tradition saussurienne: II reste aujourd'hui que le geste méthodologique essentiel de Saussure a été celui d'une extraction de la langue de l'ordre naturel du langage, et une conceptualisation de celle-ci en tant que fait social et principe classificatoire: "il faut se placer de prime abord sur le terrain de la langue et la prendre comme norme de toutes les autres manifestations du langage". Ce geste fondateur de la linguistique comme science moderne a été aussi instaurateur d'une hiérarchie entre la langue et les divers langages dans la mesure où il introduisit un ordre naturel dans son ensemble multiforme, qui sinon ne se prêtait à aucune classi fication. Cet état de fait dont on a pu depuis critiquer les effets, à savoir celui d'une hégémonie de la linguistique sur les sciences du langage, ne correspond que partiellement au projet saussurien de la sémiologie. La langue est en effet pour Saussure un des systèmes de signes au côté de l'écriture, des rites symboliques, des formes de politesse, signaux militaires, etc, mais il est privilégié et fondateur. La sémiologie est en conséquence une partie de la "science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale", qui n'est, elle-même, qu'une partie de la psychologie sociale, et par conséquent de la psychologie générale. "C'est au psychologue, précise Saussure, à déterminer la place exacte de la sémiologie, la tâche du linguiste est de définir ce qui fait de la langue un système spécial dans l'ensemble des faits sémiologiques. " Ainsi la sémiologie saussurienne se situe-t-elle au confluent de deux mouvements inverses mais complémentaires: la constitution de la plus importante branche de la sémiologie (la linguistique) autour d'un objet spécifique (la langue), et l'in sertion de la sémiologie dans la psychologie. Le premier mouve ment -remarquablement traduit dans la déclaration finale du CLG: "la linguistique a pour unique et véritable objet la langue envisagée en elle-même et pour elle-même" a retenu pendant longtemps toute l'attention, au risque d'éclipser le second mouvement: celui de l'insertion de la sémiologie dans la psycho logie sociale. Or, ce dernier introduit un contrepoint en faisant de la langue une institution sociale. La référence de Saussure à la Classification des Sciences du philosophe A. Naville est tout à fait éclairante: la sémiologie appartient à la psychologie sociale car elle traite des systèmes fondés sur l'habitude et la - 84 - convention, qui permettent la relation entre les individus, et par conséquent, la vie sociale. Nous ne classerions certes plus, actuellement, ce projet de sémiologie dans une psychologie générale, car les limites entre psychologie, sociologie, et anthropologie se sent modifiées. En ce sens nous qualifierons en termes modernes la sémiologie, telle que la concevait Saussure, comme une approche sociosémio- tique : la mise en rapport de la fonction symbolique, des systèmes signifiants, et des modes de production de l'organisation sociale . b) La problématique de la connotation: Ce sont les notions de 'style' et de 'connotation', emprun tées à la glossématique de Hjelmslev qui ont servi d'outils à la "Sémiotique française", pour penser le rapport de la structure, du système signifiant et de sa fonction sociale. En effet la théorie de Hjemslev a permis d'étendre l'investigation sémiologi- que: d'une part elle libère de la notion de signe, dans l'accep tation purement saussurienne , pour lui substituer l'unité de l'ensemble signifiant défini par la mise en relation d'un plan de l'expression et d'un plan du contenu, et adjoindre à ce disposi tif des outils de théorisation du fonctionnement de la significa tion et des effets de sens. Un de ces outils est précisément la distinction entre déno tation, métalangage et connotation. Dès les Mythologies (1957), Barthes utilise ces concepts pour penser le mythe, aujourd'hui comme système sémiologique second qui saisit le système premier (langue, photographie, peinture, affiche, rite, etc) pour lui faire signifier: "le mot est ici d'autant mieux justifié que le mythe a effectivement une double fonction: il désigne et il notifie, il fait comprendre et il impose." Système sémiologique qui appelle une lecture et nécessite de la part de l'analyste un déchiffrement. La forme des signifiants uploads/Philosophie/decrosse-anne-socio-critique-de-la-raison-semiotique.pdf

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