Université de Montréal DERRIDA ET BERGSON : DIALOGUE MEDIAT SUR LA QUESTION DE

Université de Montréal DERRIDA ET BERGSON : DIALOGUE MEDIAT SUR LA QUESTION DE L’IMMEDIAT par Pierre-Alexandre Fradet Département de philosophie de l’Université de Montréal Faculté des arts et des sciences Mémoire présenté à la Faculté des arts et des sciences en vue de l’obtention du grade de maîtrise en philosophie Option recherche Août 2012 © Pierre-Alexandre Fradet, 2012 ii Université de Montréal Faculté des études supérieures et postdoctorales Ce mémoire intitulé : DERRIDA ET BERGSON : DIALOGUE MEDIAT SUR LA QUESTION DE L’IMMEDIAT Présenté par Pierre-Alexandre Fradet a été évalué par un jury composé des personnes suivantes : Claude Piché président-rapporteur Iain Macdonald directeur de recherche Bettina Bergo membre du jury iii Résumé Si le rapport entre Derrida et Bergson n’a pas fait l’objet de nombreuses études, les commentaires existants témoignent à peu près tous d’une vision commune : entre les deux philosophes, les divergences peuvent être atténuées, voire dissoutes, par la considération de convergences plus fondamentales. Les pages qui suivent seront l’occasion pour nous de faire contrepoids à cette vulgate interprétative. Sans nier l’existence de points de contact entre Derrida et Bergson, nous voudrions en effet montrer qu’un important désaccord subsiste entre eux au sujet de la possibilité de l’intuition. Alors que Derrida met en cause les doctrines intuitionnistes, Bergson érige l’intuition en méthode philosophique. Le présent mémoire prendra pour fil conducteur les motifs de cette discorde. Réduit à sa plus simple expression, l’objectif que nous y poursuivrons sera de montrer que les pensées bergsonienne et derridienne, lorsque mises en dialogue, révèlent un désaccord partiel qui permet de réfléchir de façon féconde sur la possibilité de l’intuition. Pour être plus exact, nous caresserons ici une triple ambition : i/ cerner étroitement l’objet du litige entre Derrida et Bergson, trop peu souligné par les commentateurs, et dont nous montrons qu’il s’articule à une entente partielle ; ii/ tirer au clair les diverses raisons qui amènent l’un à s’en prendre à l’intuition, l’autre à embrasser la méthode intuitive ; iii/ établir que certains arguments de Bergson, bien qu’ils connaissent un regain d’intérêt depuis quelques années, paraissent lacunaires lorsqu’on les confronte à différentes objections. Mots clés : Bergson, Derrida, intuition, déconstruction, durée, désaccord partiel, expérience intime, faux problème, mystique, art. iv Abstract Although studies of the relation between Derrida and Bergson are few and far between, they nearly all share a common vision: that of attenuating – or even altogether eliminating – the divisions between the two philosophers’ thought, by considering their more fundamental convergences. The following pages will allow us to counterbalance this common interpretation. Without denying the points that Derrida and Bergson do have in common, we will show an important divergence in opinion between the two on the idea that intuition is possible and founded. While Derrida lays doubt on intuitionist doctrine, Bergson establishes intuition as a philosophical method. This thesis examines the motives behind this divergence. Put simply, a comparison of Derridian and Bergsonian thought reveals a partial disagreement that enables fruitful reflection about whether or not intuition is possible. More precisely, we pursue three objectives here: i/ to clearly identify the scope of the disagreement between Derrida and Bergson, often overlooked by previous commentaries, showing that it includes a partial agreement; ii/ to clarify the diverse reasons leading Derrida to deny the very existence of intuition while Bergson embraces intuition as a philosophical method; and iii/ to show that certain Bergsonian arguments, although enjoying a resurge in interest in recent years, appear unable to stand up to several different objections. Key words: Bergson, Derrida, intuition, deconstruction, duration, partial divide, introspection, false problem, mysticism, art. v Table des matières Résumé..............................................................................................................................................................iii Abstract.............................................................................................................................................................iv Note sur les citations ........................................................................................................................................vi Remerciements ................................................................................................................................................vii INTRODUCTION ............................................................................................................................................1 CHAPITRE PREMIER : LA MISE EN CAUSE DERRIDIENNE DE L’INTUITION .........................11 I. La déconstruction derridienne : trois moments cardinaux ................................................................11 II. Comment déconstruire une philosophie de l’intuition : les arguments de Derrida........................17 III. L’intuition chez Derrida : quatre traits récusés...............................................................................24 CHAPITRE SECOND : LES POINTS DE CONTACT ENTRE DERRIDA ET BERGSON – UN ACCORD VERBAL ET DES CONVERGENCES DOCTRINALES.......................................................30 I. L’intuition chez Bergson : ses grands traits, son objet et l’effort qu’elle implique..........................31 II. La durée bergsonienne : sur quoi reposent ses caractères................................................................38 III. Quelques points d’entente entre Derrida et Bergson .......................................................................44 CHAPITRE TROISIÈME : LES DIVERGENCES ENTRE DERRIDA ET BERGSON.......................51 I. Les réserves de Derrida..........................................................................................................................51 II. L’intuitionnisme haptique et la question du possible : Bergson critiqué ........................................55 III. Derrida et Bergson, un réel contentieux............................................................................................59 CHAPITRE QUATRIÈME : MISE SUR LA SELLETTE DES ANTI-INTUITIONNISTES – LES ARGUMENTS DE BERGSON .....................................................................................................................68 I. Trêve de médiation, cap sur l’intuition : l’argument de l’expérience intime ...................................70 II. L’argument des faux problèmes : le cas de Zénon d’Élée.................................................................73 III. L’argument des cas de figure : la mystique et l’art..........................................................................76 CHAPITRE CINQUIÈME : MISE EN BALANCE DES ARGUMENTS INTUITIONNISTES ET ANTI-INTUITIONNISTES ...........................................................................................................................84 I. L’argument de l’expérience intime : objections et répliques .............................................................84 II. L’argument des faux problèmes : un faux dilemme doublé d’une conclusion hâtive ? .................90 III. La mystique, l’art et la philosophie intuitive : l’analogie vaut-elle ?..............................................95 CONCLUSION .............................................................................................................................................106 Bibliographie .................................................................................................................................................111 Index................................................................................................................................................................viii vi Note sur les citations À des fins de simplification, les références à ces œuvres seront données en titres abrégés : DG : Derrida, Jacques, De la grammatologie, Paris, Minuit, 1967. DI : Bergson, Henri, Essai sur les données immédiates de la conscience, Paris, PUF, 2007. DSM : Bergson, Henri, Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, PUF, 2008. ÉC : Bergson, Henri, L’évolution créatrice, Paris, PUF, 2007. ÉD : Derrida, Jacques, L’écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967. LD : Derrida, Jacques, La dissémination, Paris, Seuil, 1972. LT : Derrida, Jacques, Le toucher, Jean-Luc Nancy, Paris, Galilée, 2000. MM : Bergson, Henri, Matière et mémoire, Paris, PUF, 2004. MP : Derrida, Jacques, Marges de la philosophie, Paris, Minuit, 1972. PM : Bergson, Henri, La pensée et le mouvant, Paris, PUF, 2008. VP : Derrida, Jacques, La voix et le phénomène, Paris, PUF, 2003. vii Remerciements Mes premières paroles vont à la personne à qui elles doivent aller, c’est-à-dire à Iain Macdonald, mon directeur de mémoire. Son ouverture au dialogue, sa clarté d’expression, son souci du conseil avisé et subtil, tout cela m’a permis d’élever à un niveau supérieur mes réflexions et démarches. Mes secondes paroles doivent être adressées à ma compagne Julie Demers, ainsi qu’à toute ma famille, en particulier mon père, mon frère et ma mère, Pierre, Charles-William et Marie-Josée Létourneau. Je leur sais gré de tout, autant sur le plan intellectuel qu’en matière personnelle et affective. Il me faut remercier par ailleurs les différents organismes qui m’ont offert leur soutien financier au cours de mon passage à la maîtrise : le CRSH, le FQRSC, la Fondation Desjardins et la Faculté des études supérieures et postdoctorales (prix d’excellence offert par l’Université de Montréal, mais refusé par moi pour des raisons de cumul), de même que tous les professeurs qui m’ont confié des postes d’auxiliaire de recherche ou d’enseignement : David Piché, Iain Macdonald et Claude Piché. Je ne saurais passer sous silence que bon nombre d’individus, qui par leurs commentaires, qui par leurs enseignements ou les discussions qu’ils ont eues avec moi, ont contribué d’une façon ou d’une autre à ce mémoire. J’entends par là notamment l’abbé et philosophe Benoît Lemaire, le poète Fernand Ouellette, Jean Grondin, Yvon Gauthier, Olivier Huot- Beaulieu, Jonathan Durand Folco, Jean-Benjamin Milot, Marc-André Fortin, Samuel Mercier, Mathieu Massicotte, Theodore Widom, Guillaume St-Laurent et Vincent Grondin. Comment omettre d’exprimer ma gratitude, au demeurant, aux évaluateurs anonymes qui ont commenté des extraits préliminaires de ce mémoire et en ont encouragé la publication sous forme d’articles (entre autres dans Symposium, PhaenEx et Laval théologique et philosophique), ainsi qu’à l’éditeur Pierre Toutain-Dorbec et au rédacteur en chef Élie Castiel ? Le premier m’a invité à publier un livre en deux langues sur le rapport entre la philosophie et la photographie chez CSF Publishing (Santa Fe, États-Unis, 2012) et le second m’a permis d’approfondir mes réflexions sur l’image, la médiation et l’immédiation en agissant comme rédacteur régulier pour la revue Séquences. Qu’on me permette pour finir d’avoir une pensée spéciale pour Frédéric Worms. Directeur du Centre International d’Étude de la Philosophie Française Contemporaine (ENS, Paris) et de la première édition critique de Bergson aux Presses Universitaires de France, Monsieur Worms a eu la bienveillance de cautionner, à la lumière de cours inédits donnés par Derrida, certaines des affirmations faites dans ce mémoire sur la proximité entre Derrida et Bergson. INTRODUCTION Quelquefois, gros de coïncidences et de rencontres, le hasard fait bien les choses. S’il avait voulu qu’Henri Bergson et Jacques Derrida se coudoyassent, c’est un Juif de Paris au sommet de sa gloire1, lauréat du prix Nobel de littérature, et un jeune Algérien encore inconnu, de 71 ans son cadet, qu’il aurait mis en présence. Bergson a vu le jour en 1859 et a rendu l’âme en 1941. Derrida est né en 1930 et s’est éteint en 2004. Nul besoin d’épiloguer plus longuement sur ce que des dates révèlent déjà : aucun dialogue uploads/Philosophie/derrida-et-bergson 1 .pdf

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