Disposer de sa vie Conférence en 10 gélules humanistes 0 – Introduction 1 – Qu'
Disposer de sa vie Conférence en 10 gélules humanistes 0 – Introduction 1 – Qu'est-ce que la vie ? 2 – La vie n'a pas de sens donc nous pouvons choisir le sens que nous lui donnons 3 – L'être humain n'est pas une chose, donc il est libre 4 – L'être humain est seul donc je ne peux pas connaître autrui et autrui ne peut pas me connaître 5 – Nous n'avons pas le devoir de vivre car le devoir n'est qu'un produit du désir 6 – Se suicider est normal, vivre est anormal 7 – La civilisation, c'est pour quand ? 8 – Apprendre à mourir pour désapprendre à servir 9 – Vers un droit au suicide indolore socialement organisé 10 – L'endormeuse de Maupassant INTRODUCTION Bonjour à tous, merci d'être là. Je m'appelle Gabriel Noncris, je suis écrivain et ancien professeur de philosophie. (Ancien, parce qu'en cette aurore du XXIe siècle, les élèves partent vraiment en live... est-ce à cause des familles, de l'éducation nationale ou de notre époque tourmentée ? Vaste débat, qui n'est pas notre sujet. Je préciserai juste, à titre indicatif, que j'ai souffert d'insomnies chroniques, et que comme le disait si bien le philosophe Emil Cioran, « on ne peut pas passer des nuits blanches et faire le pitre devant les élèves. » Voilà, je ferme cette parenthèse autobiographique). Aujourd'hui, dans les 10 gélules philosophiques que je vais vous offrir, je vais vous parler de ce qu'on appelle le « droit à disposer de sa vie », c'est à dire le droit de faire ce qu'on veut de son corps, de faire ce qu'on veut de sa vie, d'être « maître de soi ». Comprenez bien l'idée qui est derrière : nous ne sommes pas des objets, nous sommes des êtres humains. Un objet, par exemple un stylo, a toujours un propriétaire : il appartient à quelqu'un. De même, un objet se définit par son utilité : par exemple, un stylo sert à écrire, on peut ainsi définir le stylo comme « un objet qui sert à écrire ». En revanche, l'être humain, c'est le contraire de l'objet. (C'est pourquoi on appelle aussi l'être humain un « sujet », par opposition à l'objet. Le sujet, c'est « celui qui dit je », qui parle, qui pense, qui éprouve des émotions et des sentiments). L'être humain, contrairement à l'objet, n'a pas de propriétaire (ou en tout cas n'en a pas « a priori », c'est à dire « à l'origine », et ne devrait pas en avoir « a posteriori », c'est à dire après- coup, par la volonté d'autres êtres humains) : sa vie n'appartient à personne d'autre qu'à lui-même. De même, l'être humain ne se définit pas par son utilité : même un être humain qui « ne sert à rien » reste un être humain digne d'être respecté. Par exemple, un dépressif, qui d'un point de vue capitaliste ne « sert à rien » (puisqu'il n'est pas apte à servir la société en étant souriant et efficace), est un être humain aussi respectable qu'un vigoureux chef d'entreprise qui résiste aux tempêtes de la concurrence. *Je résume : contrairement à un objet, un être humain n'a ni propriétaire ni utilité assignée. Le droit de disposer de sa vie est donc compris dans la définition même de l'être humain. Pour employer le jargon kantien (le vocabulaire du philosophe Emmanuel Kant), dire que « l'être humain a le droit de disposer de sa vie » n'est pas un jugement synthétique, mais un jugement analytique. Je m'explique... Le jugement synthétique, c'est quand le prédicat (c'est à dire le qualificatif) n'est pas contenu dans le concept. Par exemple, quand je dis « le rocher est noir », j'énonce un jugement synthétique car le qualificatif « noir » n'est pas contenu dans le concept de rocher (le rocher pourrait être gris, beige, orange, vert ou d'une autre couleur). À l'inverse, le jugement analytique, c'est quand le prédicat (le qualificatif) est déjà contenu dans le concept. Par exemple, si je dis « ce nain est petit », j'énonce un jugement analytique, car le qualificatif « petit » est déjà contenu dans le concept de nain. (En disant « ce nain est petit », je ne fais qu'expliciter le concept de nain. On sait déjà que le nain est « une personne de petite taille », donc préciser qu'un nain est petit, ça ne sert à rien, on le savait déjà). Ainsi, quand je dis « l'être humain a le droit de disposer de sa vie, sa vie n'appartient qu'à lui seul », je ne fais qu'expliciter le concept d'être humain, puisque le fait de ne pas être un objet et de ne pas avoir de propriétaire est déjà contenu dans le concept d'être humain. L'être humain, par définition, a le droit de disposer de sa vie. *Certains me répondront alors : mais pourtant, l'esclave est bien considéré comme une propriété de son maître. Oui, mais précisément parce que l'esclave, depuis l'Antiquité, est considéré comme un sous-Homme, un être d'une race inférieure, et non comme un être humain à part entière. L'être humain, par définition, est digne : il n'a pas de maître, il est son propre maître : il n'appartient à personne d'autre qu'à lui-même. Traiter un être humain comme un esclave, c'est ne pas considérer cet être humain en tant que tel... c'est bafouer l'humanité de cet être humain, c'est ne pas considérer cet être humain comme un sujet (ce qu'il est par définition) mais comme un objet. *D'autres me diront : mais pourquoi l'être humain aurait-il le droit de disposer de sa vie ? Ce n'est que ton point de vue ! Ce n'est pas parce qu'à l'origine, l'être humain n'a ni utilité ni propriétaire, qu'on ne peut pas a posteriori le définir par son utilité et par son propriétaire ! On peut très bien considérer que l'être humain est un objet comme un autre et peut être traité comme un esclave ! Tu nous emmerdes avec ta morale ! Eh bien, ça va vous surprendre, mais je répondrai à mes adversaires qu'ils ont raison... L'idée que l'être humain a le droit de disposer de sa vie, c'est un point de vue parmi d'autres. C'est le point de vue que l'on appelle « humaniste », l'humanisme étant tout simplement la théorie selon laquelle l'être humain est un être exceptionnel (pas un objet ni même un simple animal) et digne d'être respecté en tant que tel. L'objet, par exemple le stylo, n'est pas conscient (on est d'accord...). L'animal, quant à lui, appréhende sensoriellement son environnement... c'est un être sensible qui a des instincts et qui ressent le plaisir et la douleur. (C'est pourquoi, par exemple, il est éthiquement scandaleux de faire souffrir des animaux dans des abattoirs ou dans des laboratoires, c'est un autre sujet dont nous reparlerons peut-être...). Mais avouez qu'il est difficile de discuter de la vie et de la mort avec son chat ou son chien. Pourquoi ? Parce que l'animal n'est pas « conscient » au sens strict du terme, il n'est pas « conscient d'être conscient ». (Eh oui, être conscient, au sens philosophique du terme, ce n'est pas seulement appréhender sensoriellement son environnement comme la plante ou l'animal, mais c'est aussi savoir qu'on est conscient, savoir qu'on existe et qu'il y a un monde – car étymologiquement, conscience signifie « cum scientia » = avec savoir). Seul un être conscient peut réfléchir sur la vie et la mort, le bien et le mal, et toutes les autres questions philosophiques. L'animal conscient, ou « l'animal métaphysique », comme l'appelait Schopenhauer (j'y reviendrai), c'est ce que l'on appelle l'être humain. Jusqu'à là, on est dans le simple constat : l'être humain est le seul être conscient, doué de langage, capable de philosopher et d'acquérir du savoir. (L'animal ne parle pas et ne philosophe pas.) (Si l'on découvrait des extraterrestres conscients, cela ne changerait rien au problème : ce serait aussi des êtres humains, c'est à dire des êtres conscients, quelles que soient leur forme, leur couleur et leur planète d'origine). Un être conscient, témoin du monde et de lui-même, c'est par définition un être humain. *Qu'est-ce donc que l'humanisme ? C'est deux choses. C'est tout d'abord la théorie qui reconnaît que l'Homme n'est pas un objet mais un être conscient. (Sur ce point, l'humanisme ne fait que constater ce qu'est l'être humain. À moins d'être un religieux illuminé ou un matérialiste bizarre, on ne peut pas ne pas être humaniste.) Ça, c'est le premier point. Mais l'humanisme, c'est aussi la théorie selon laquelle l'être humain, en raison du fait qu'il est un être conscient, mérite de ne pas être traité comme un objet mais à l'inverse d'être respecté en tant qu'être humain. Je l'ai dit, contrairement à l'objet, l'être humain n'a pas de propriétaire et ne se définit pas par son utilité, donc respecter un être humain en tant que tel, c'est ne pas s'approprier sa vie et ne pas juger de sa uploads/Philosophie/disposer-de-sa-vie.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/HW0Wyv54qQFQpQowjLBxguHqUDe8LkR9N36R07fvsSPwiEJcMVLCEy8TAdFkaRAMpT1dzm7jMjEbp8qOaLfnGyt1.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/xZBVeKnjhbZpuyZtwQVx906GbCGP9bt1hlz5FlBZJZXhHtiltCjwY4AoeVC8uFxtXysw1nJd8xJbsXUwwtfEXC1K.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/5hhYlfAlNkIcrjj8t0yKNZZRpCcH6csrmHiPXzU8F1QxdoqcJcBJc400TJ7HGDCp2NtBpfBLzAKXAD66bHJPVVqA.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/iOOLd9RYDiTeVKnsOjktDiAt7lUHysnuySHFT81JHh6OibhRZLUo9JKnVo5vPU0DUpF8J3NNg4kxOJ9kcETU9yir.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/jxUPIhCQ633U0TyMILdTuyJe5cOsFPQ2djqlm366Mv9UgkF84aQO2E7eCTS23hRjQRLj4ITyBYp5JcCq3eylkojB.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/pdprjydrrz1Mp8itRuxqfWxTfkYCGzOPYeLbavERuNtgn1BuEU8eypkv552CgGDYGJ2q6UN77Wla5WuR3JDeRO92.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/IIDBtNLOx9ryaKgH9yQVR6IZfKN9WONSgS5sVrzw4TE1PKZcCu3OolMYyWPKRVo9K2yoRJmMXlHGO3gaavRPpemp.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/CqADDYpKEbyrSQeMZ6jf0hBv0VuraF99vo3PtMA9FzFdWSfAk7ofgM1kopmH85C6z0BQq6Ju9sizowlSyQvjf9sH.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/kGBL0VtB4bzPsohvy5SNAQTfx6MXOSiWi5gKjQ8Xd91gFtF84Z7YTS0DII9azDr7E9oWOyu3DBZOJ01XTdwdyQ9p.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/Is50Rat9sfqePM9yVpG72OtsKJPhxsCiWLgQVvAFEkLxC1vVcGucQgTjsvWneYLmgQ46hM4x2XeqgHppHrL32DOf.png)
-
24
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 24, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.8330MB