1 Communication pour les neuvièmes journées d’histoire de la comptabilité et du
1 Communication pour les neuvièmes journées d’histoire de la comptabilité et du management Jeudi 20 et Vendredi 21 mars 2003 CREFIGE - UNIVERSITE PARIS-DAUPHINE AVEC LE SOUTIEN DE L’ASSOCIATION FRANCOPHONE DE COMPTABILITE LA GOUVERNANCE D'ENTREPRISE HÉRITIÈRE DE CONFLITS IDÉOLOGIQUES ET PHILOSOPHIQUES Stéphane TRÉBUCQ Maître de conférences à l'Université Montesquieu Bordeaux IV (CRECCI) 29 rue de la Cape, rés.Biarritz Apt F/28 33200 Bordeaux tél:05 56 02 64 61, fax: 05 56 37 00 25 email : trebucq@montesquieu.u-bordeaux.fr Résumé : La gouvernance d'entreprise, thématique restée longtemps marginalisée, a pris depuis une dizaine d'années une importance croissante. Ce sujet, traité alternativement sous un angle plutôt stratégique, financier, ou comportemental a donné naissance à des théories contradictoires. Ces divergences résultent plus profondément de clivages idéologiques et philosophiques. Les idées philosophiques émanant d'auteurs tels que Machiavel, Kant, ou encore Locke et Marx, permettent de comprendre la diversité des approches théoriques. Les conceptions différentes à propos de la nature de l'homme et de la meilleure organisation de la société qui sont les leurs apparaissent irréconciliables, et rendent improbable la constitution d'un cadre théorique unifié. Mots-clés : gouvernance d'entreprise, gouvernement d'entreprise, théorie, politique, idéologie, philosophie Abstract : Corporate governance, as a subject, has long been marginalized. The number of articles dedicated to it has also dramatically increased in the past ten years. The field has been investigated in several dimensions, mainly in corporate strategy, in corporate finance and in organizational behavior. Thus, each academic discipline has set up some rather different theoretical views. But these differences also can be explained by old ideological and philosophical conflicts. Philosophic ideas from authors like Machiavel and Kant, or Locke and Marx are essential to understand the contemporenous theories of corporate governance. They have irreconcilable points of view about the nature of man, and the optimal way to organize society. For this reason, a unification of governance theories will probably be a hard task. Keywords : corporate governance, theory, politics, ideology, philosophy 2 3 Désormais, la gouvernance des entreprises apparaît sans conteste comme un des thèmes centraux de la gestion. Son principal objet est d' "expliquer la performance organisationnelle en fonction des systèmes qui encadrent et contraignent les décisions des dirigeants" (Charreaux 1999). Formulée de la sorte, la paternité d'une telle théorie de la gouvernance pourrait être revendiquée à juste titre par des auteurs tels que Fama (1980), ou bien encore Fama et Jensen (1983a et b), même si l'on se référe plus fréquemment aux travaux de Berle et Means (1932) consacrés à la séparation entre propriété et décision. Mais on ne saurait en conclure pour autant à l'unanimité des multiples approches réalisées en matière de gouvernance. En l'occurrence, comme le souligne Charreaux (1999), nous avons affaire à la coexistence de plusieurs "paradigmes concurrents". C'est ainsi, par exemple, que la théorie positive de l'agence ou la théorie des coûts de transaction ne sont nullement exclusives lorsqu'on envisage l'instauration d'une coopération sociale efficiente. D'aucuns pourront y voir l'avatar de controverses historiques récurrentes à propos notamment de la nature même de l'Homme, ou des fondements des droits de propriété, voire même de la finalité conférée à l'entreprise. De fait, on peut observer une étroite imbrication entre le champ de la gouvernance d'entreprise et celui de la philosophie politique. Comme le rappelle fort pertinemment Brennan (1994), Adam Smith, qui fut l'un des premiers à citer l'existence de conflits d'intérêts entre dirigeants et actionnaires (Recherches sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations, 1776), n'était pas professeur d'économie mais bel et bien professeur de philosophie morale à l'université de Glasgow. C'est peut-être là une des raisons qui rend les débats de gouvernance si indissociables de tout présupposé idéologique (Pesqueux 2000). Le propre de l'idéologie n'est-il point d'ailleurs d'influencer ou d'orienter, fût-ce à leur insu, les promoteurs de telle ou telle pensée théorique (Lalande 1999:459) ? Arguant d'un positionnement épistémologique positiviste, de nombreux auteurs de finance et de comptabilité ont tenté de se référer à des théories de gestion qu'ils estimaient neutres politiquement, s'exonérant de facto de toute polémique idéologique (Friedman 1953). Mais, à l'évidence, une telle stratégie est désormais largement battue en brèche par de nombreux détracteurs. Ceux-ci voient notamment dans les fondements de la théorie positive de l'agence, ou dans ceux de la théorie des marchés efficients et de ses modèles associés, comme par exemple l'évaluation des actifs financiers (MEDAF), un paradigme d'essence profondément libérale (Charreaux 19871, Franckfurter & McGoun 1999). Selon eux, un tel paradigme se 1 Ainsi pour Charreaux (1987), "[…] la théorie positive de l'agence comporte également des implications idéologiques, le plus souvent absentes de la théorie normative. Dans la mesure où elle repose sur le postulat fondamental [stipulant] que les formes contractuelles sont en concurrence et que seules les plus adaptées 4 trouve par trop focalisé sur la maximisation de la valeur pour les actionnaires. Ils considèrent, en outre, qu'il est fondé, d'une façon quelque peu caricaturale et dangereuse sur l'intérêt personnel et l'égoïsme (Brennan 1994:32). Dans un tel contexte, les débats relatifs à la gouvernance que les uns souhaiteraient actionnariale, et les autres partenariale, méritent amplement d'être relancés à la lumière de leurs fondements philosophiques. C'est dans une telle optique que nous nous livrerons, tout d'abord, à la détermination des différentes options susceptibles de conduire à des théories antagonistes en termes de gouvernance d'entreprise. Nous procéderons ensuite à l'identification des fondements historiques et philosophiques primordiaux susceptibles d'engendrer les principaux clivages affectant les diverses approches théoriques de la gouvernance. 1. Présentation et typologie des principales théories de la gouvernance Préalablement à la présentation des théories de la gouvernance, et à la construction d'une typologie, il semble souhaitable d'apporter quelques précisions historiques à leur propos. Si l'on retient la base de données Umi-Proquest référençant les articles de revues anglo- saxonnes, l'un des premiers articles mentionnant le thème de la gouvernance, figure dans la revue américaine Industry Week (Perry 1975). La gouvernance ('corporate governance') est alors listée parmi les grands thèmes appelés à mobiliser les entreprises en vue de transformer, à terme, leur mode d'organisation. Mais ce n'est qu'à partir des années 90 que le sujet prendra un réel essor, à la suite du rapport Cadbury (1992) et de la montée en puissance des investisseurs institutionnels2 (voir tableau n°1 et graphique n°1 en annexe 1). Nous verrons survivent, elle conduit inévitablement à des conclusions normatives. En particulier, les conclusions de la théorie positive en matière de théorie de la firme sont d'essence libérale et s'inscrivent dans le courant de l'économie des droits de propriété." [termes soulignés par l'auteur de cet article]. 2 L'année 2002 marque apparemment un nouveau tournant, se caractérisant par l'explosion des publications se référant au thème de la gouvernance, notamment, à la suite des différents scandales financiers survenus aux Etats-Unis. 5 que la structuration des théories modernes de la gouvernance n'est guère antérieure à leur vulgarisation. Si l'ensemble de ces publications se réfère, plus ou moins explicitement, aux théories pré- existantes, il n'en demeure pas moins vrai que la gouvernance a été largement appréhendée en fonction des différents prismes disciplinaires inhérents aux sciences de gestion (voir tableau n°1 et graphique n°2 en annexe 1). Durant la période 1985-1996, la gouvernance apparaît en effet comme un thème relevant plus particulièrement de la stratégie. En revanche, entre les années 1997 et 2001, la majorité des articles associe la gouvernance à la finance. Quant à l'année 2002, suite à la falsification de certains comptes de sociétés américaines, elle fait de la gouvernance une thématique rattachée principalement à la comptabilité, et accessoirement à la finance. A cela se sont ajoutées au début des années 1990, quelques publications se référant au champ d'étude des comportements organisationnels ('Organizational Behavior'). Une approche plus fine des problématiques de gouvernance qui ont pu être envisagées selon des angles théoriques tout à fait différents, notamment en fonction de la primeur accordée aux aspects financiers, stratégiques ou comportementaux, s'avère désormais souhaitable. 1.1 Les principales théories de la gouvernance L'article de Jensen & Meckling (1976), intégrant la théorie de l'agence, la théorie des droits de propriété et la théorie financière afin d'aboutir à une théorie de la structure de propriété de la firme, a inspiré la plupart des recherches menées ultérieurement dans une optique financière. L'orthodoxie retient comme objectif assigné au dirigeant (agent) la maximisation de la richesse de l'actionnaire (principal), et la nécessité de contrôler le dirigeant afin de limiter l'expression de son opportunisme (Williamson 1985). En réaction à ce courant de pensée, Freeman et Reed (1983) recommandent d'élargir le cadre d'analyse de l'agence, trop focalisé sur le seul intérêt des actionnaires, et ce, afin de mieux orienter la stratégie de la firme. L'entreprise est alors censée servir non pas l'intérêt exclusif des actionnaires, mais aussi celui de la société toute entière. Les dirigeants sont alors incités à prendre en considération les intérêts, parfois contradictoires, de toutes les parties prenantes, c'est-à-dire, selon l'acception la plus large, l'ensemble des groupes ou individus identifiables pouvant affecter ou être affectés par la poursuite des objectifs de la firme. Les soupçons, présents dans la théorie de l'agence, au sujet du comportement uploads/Philosophie/gouvernace-d-x27-ese.pdf
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- Publié le Sep 12, 2021
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