Peinture : Les deux avocats - Honoré Daumier 2012-II 10 € La pensée de Chaïm Pe

Peinture : Les deux avocats - Honoré Daumier 2012-II 10 € La pensée de Chaïm Perelman a profondément marqué la théorie du droit du xxe siècle. S’opposant au positivisme juridique, c’est-à-dire aux théories qui réduisent le droit à la loi, l’essentiel de son apport réside dans une théorie de l’argumentation qui rebat les cartes de la logique juridique, en mettant l’accent sur la manière de raisonner, et plus profondément de discuter. La vérité n’est plus chez Perelman une notion centrale. Elle est remplacée par l’idée d’adhésion, qui permet de rendre compte du caractère progressif de l’assentiment. Loin d’une description désincarnée et décontextualisée, Perelman intègre une série de paramètres : qui parle, à qui, où, quand, dans quelle situation… Les arguments ne sont ainsi jamais totalement contraignants : c’est toujours le contexte qui conditionne leur acceptabilité. Un procédé comme la présomption d’innocence peut être compris, non comme une valeur fondamentale, mais comme un simple outil destiné à compenser l’absence de connaissance. Le droit apparaît ainsi comme un art de gérer les controverses. Cette vision s’inscrit dans une « philosophie du raisonnable » où la valeur d’une idée se mesure à sa capacité d’emporter l’accord des participants à la controverse qui naît de son introduction. Le domaine de l’argumentation est « celui du vraisemblable, du plausible, du probable, dans la mesure où ce dernier échappe aux certitudes du calcul ». Stefan Goltzberg est chercheur au Centre Perelman de philosophie du droit (Université libre de Bruxelles). ISBN 978-2-84186-680-9 Chaim Perelman par Stefan Goltzberg Chaim Perelman par Stefan Goltzberg ISSN 1269-8563 par Stefan Goltzberg Chaim Perelman L’argumentation juridique Perelman L’argumentation juridique Collection Le bien commun dirigée par Antoine Garapon © 2013, Michalon Éditeur 9, rue de l’École Polytechnique – 75005 Paris www.michalon.fr 978-2-84186-680-9 Stefan Goltzberg Perelman L’argumentation juridique Michalon Éditeur 7 Introduction La pensée de Chaïm Perelman a profondément marqué la théorie du droit du xxe siècle. C’est pourquoi ce livre, qui paraît à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, se propose d’exposer sa philosophie, et en particulier sa théorie de l’ar- gumentation juridique 1. Les questions soulevées touchent tantôt à l’histoire de la philosophie, tantôt au droit ou à la linguistique. Tous ces domaines sont convoqués par Perelman qui s’est fait fort de transcender les barrières entre les disciplines. L’apprentissage de l’argumentation juridique et du droit d’une manière générale peut être comparé à celui du langage. Les jeunes enfants apprennent leur langue maternelle sans règles explicites. Ils procèdent de manière intuitive, les parents corrigeant leurs 1. Je tiens à remercier Yohan Benizri, Hugo Hardy, Michel Depiesse, Benoît Frydman, Christophe Gurnicky, Gregory Lewkowicz, Arnaud Van Waeyenberge pour l’aide qu’ils m’ont apportée dans la relecture d’une partie ou de la totalité de ce texte. Perelman : L’argumentation juridique 8 phrases. L’acquisition de règles explicites (« L’adjectif s’accorde en genre et en nombre avec le nom ») se fait beaucoup plus tard, lorsque l’enfant est déjà scolarisé et qu’il approfondit la connaissance de sa langue maternelle. Une fois que l’enfant a appris à lire et à écrire, il est apte à intégrer petit à petit le vocabulaire méta linguistique (« adjectif », « verbe », « accord en genre et nombre », etc.). Les cultures orales, par définition, n’ont pas rédigé de méthodes de grammaire décrivant les règles de leur langue. En revanche, les locuteurs de toute langue, même ceux qui ne sont pas alphabétisés, peuvent acquérir une connaissance épilinguistique, c’est-à-dire une capacité de produire des énoncés grammaticalement acceptables. Ils peuvent alors décider si un énoncé est acceptable ou non. La différence entre connaissance épilinguistique, acquise de manière non consciente, et connaissance métalinguistique, acquise de manière consciente 2, peut éclairer la manière dont s’enseigne l’argumentation juridique. Dans la plupart des lieux où l’on enseigne le droit, l’argumentation juridique ne fait pas l’objet d’une théorisation explicite (métalinguistique) mais est transmises par mimétisme ( épilinguistique) : les étudiants et les juristes néophytes sont confrontés à des cas pra tiques et sont sommés de réagir d’une manière adéquate. Mais comment au juste 2. S. Auroux, La Révolution technologique de la grammatisation, p. 23-24. (Les références complètes des ouvrages cités en note se trouvent en bibliographie à la fin de l’ouvrage.) 9 Introduction fonctionne l’argument a fortiori par exemple, voilà qui est rarement expliqué, comme est souvent passée sous silence la nécessité d’une définition de la présomption – définition qui rendrait compte des différents types de présomption. D’une manière générale, les procédés de l’argu mentation juridique sont acquis à la manière de la langue maternelle, et non pas sous la forme d’une exposition consciente et explicite. Ce trait explique, sans la justifier, la difficulté que peut rencontrer le juriste à exposer l’argumentation juridique au justiciable : ce dernier est dans la position d’un locuteur souhaitant acquérir une langue étrangère alors qu’il ne dispose – pas plus que le juriste – d’aucune méthode de grammaire. Un ouvrage d’explication de l’argumentation juridique était donc opportun, non seulement pour donner au public l’occasion de se familiariser avec la théorie de Perelman, mais aussi mieux connaître la théorie de l’argumentation juridique. Ce livre se veut donc à la fois pédagogique et critique. Pédagogique, car il faut problématiser les problèmes liés à une pratique professionnelle qui paraît parfois très éloignée de l’argumentation profane, des échanges de la vie de tous les jours. Cette apparence est toutefois trompeuse : ce sont les mêmes procédés qui sont sollicités par la Cour de cassation et dans les conversations quoti diennes. Un des buts sera de montrer combien une compréhension de leur mécanisme peut aider à combler le fossé qui tend à séparer les professionnels de l’argumentation juridique et les justiciables dont Perelman : L’argumentation juridique 10 le sort bien souvent dépendra du type d’argument retenu par le juge. Ce livre se veut également critique, dans la mesure où si Perelman a marqué son époque, il est aussi marqué par elle. Ainsi, les notions qui seront présentées ici ne le seront pas dans un esprit apologétique. Quand cela sera nécessaire, les limites de la théorie perelmanienne seront indiquées. Le chapitre 1 porte sur le rapport conflictuel qu’entretient Perelman avec les positivismes, en particulier avec les positivismes juridiques, c’est-à- dire avec les théories qui réduisent le droit à la loi. Perelman n’est pas un historien neutre qui retracerait l’histoire de ce courant. Au contraire, il en remonte le cours dans l’exacte mesure où il s’oppose point par point avec toute philosophie positiviste. Aussi est-il pertinent de brosser le portrait du positivisme tel que Perelman se l’imagine. Ce portrait tirera parfois à la caricature. Ce positivisme, en effet, concentre tous les aspects d’une philosophie du droit contre lesquels s’élève Perelman : la séparation dichotomique entre les pouvoirs législatif et judiciaire, le caractère automatique de l’application de la loi par le juge, la réduction des sources du droit à la loi, celle-ci étant vue comme complète et jamais contradictoire, réduction qui conduit à une idolâtrie de la loi. Le chapitre 2 s’intéresse à l’apport de Perelman à la rhétorique et à la théorie de l’argumentation. La Nouvelle Rhétorique, objet de ce chapitre, y est définie à la fois en continuité et en opposition avec 11 Introduction la rhétorique d’Aristote. La vérité n’est plus chez Perelman une notion centrale ; elle est remplacée par l’idée d’adhésion, qui permet notamment de rendre compte du caractère progressif de l’assentiment : je peux adhérer plus ou moins à une thèse dont on veut me persuader. En outre, loin d’une description désincarnée et décontextualisée, Perelman intègre une série de paramètres : qui parle, à qui, où, quand, dans quelle situation. L’idée que la rhétorique ne porterait que sur la forme du discours, et se limiterait à une esthétique formelle ajoutée à un contenu, est battue en brèche par Perelman. Il s’intéresse aux différents types d’auditoire, et non pas seulement à l’auditoire universel, fiction d’un auditoire qui ne relèverait pas d’une catégorie socio logique déterminée. Les arguments ne sont plus classés de manière binaire en arguments valides et invalides, mais en arguments plus ou moins convaincants, selon qu’ils sont pertinents dans un contexte donné. Le chapitre 3 se resserre autour de l’argumenta- tion juridique. Plusieurs procédés de l’argumentation feront l’objet d’une analyse qui permettra de prendre la mesure de l’apport de Perelman. Les présomptions – on pense notamment à la présomption d’innocence – sont l’exemple même d’outils qui compensent une absence de connaissance. Cela permet de gérer les controverses, puisque la charge de la preuve incombe à une seule des parties. Ainsi, une série d’apories, de voies sans issue, est évitée, et la souplesse est conservée grâce au fait que l’on peut renverser les présomptions. Il sera bien entendu également Perelman : L’argumentation juridique question des présomptions irré fragables, qui se distinguent par le fait qu’on ne peut les renverser. Enfin, trois arguments sont abordés : les arguments a pari, a contrario et a fortiori. Perelman vise à montrer qu’aucun d’entre eux n’est contraignant et que le contexte conditionne en dernière analyse leur acceptabilité. 13 Chapitre 1 Au-delà du positivisme Perelman a bâti toute sa philosophie et uploads/Philosophie/logique-juridique.pdf

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