LE FÉDÉRALISME GIRONDIN. HISTOIRE D’UN MYTHE NATIONAL Anne de Mathan Armand Col
LE FÉDÉRALISME GIRONDIN. HISTOIRE D’UN MYTHE NATIONAL Anne de Mathan Armand Colin | « Annales historiques de la Révolution française » 2018/3 n° 393 | pages 195 à 206 ISSN 0003-4436 ISBN 9782200931575 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-la-revolution- francaise-2018-3-page-195.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Cette consubstantialité acquise du fédéralisme et des Girondins assure à ces étranges vaincus une omniprésence paradoxale en un ironique oxymoron qui les renvoie à un centralisme jacobin aussi mal fondé. Le 22 mars 2017, le candidat à la présidence de la République, Emmanuel Macron, déclarait : « la philosophie de la démarche que je vous propose aujourd’hui, c’est un pacte girondin avec nos collectivités »2. Président, il dénonçait le 3 juillet 2017 devant le congrès à Versailles la « centrali- sation jacobine » traduisant « trop souvent la peur de perdre une part de son pouvoir », et annonçait une conférence des territoires, devant laquelle il présentait le 17 juillet son « pacte girondin » offrant aux collectivités territoriales « davantage de liberté de s’organiser localement et un appui de l’État en ingénierie publique aux projets territoriaux, mais leur deman- dant des dépenses publiques locales qui devront diminuer de 13 milliards d’euros sur le quinquennat »3. De cette allusion historique, le quotidien Le Parisien donnait cette lecture : « Au sein de l’Assemblée nationale législative de 1791 puis de la Convention nationale, formée un an plus tard, deux courants s’opposent (1) Mémoire inédit de recherche à l’appui d’un dossier de candidature à l’HDR - L’autre République. Une histoire des Girondins et du Fédéralisme depuis la Révolution Française - soutenue le 24/11/2017 à Paris I. Jury : Pierre Serna (garant), Hervé Leuwers (président), Natalie Petiteau (rapporteur), Michel Biard (rapporteur) et Florence Lotterie. (2) https://twitter.com/emmanuelmacron/status/844497891846750208. (3) http://www.courrierdesmaires.fr/70429/conference-des-territoires-plus-de-libertes-pour- les-elus-mais-13 milliards-de-moindres-depenses/ ANNALES HISTORIQUES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE - 2018 - N° 3 [195-206] © Armand Colin | Téléchargé le 13/10/2020 sur www.cairn.info via Université de Nanterre - Paris 10 (IP: 193.50.140.116) © Armand Colin | Téléchargé le 13/10/2020 sur www.cairn.info via Université de Nanterre - Paris 10 (IP: 193.50.140.116) 196 ANNE DE MATHAN particulièrement sur la bonne organisation du pouvoir. L’Histoire retiendra que les Jacobins sont partisans d’un système centralisé, au sein duquel les décisions politiques et administratives seraient prises par une autorité unique. Et, à l’inverse, que les Girondins, dont le nom vient de députés bordelais, plaident pour un gouvernement fédéral, constitué d’entités terri- toriales fortes articulées autour d’un État souverain »4. Initiative communiste, journal électronique du « pôle de Renaissance communiste », avançait une appréciation non moins simpliste : « Ce bégaiement de l’histoire opposant les Girondins aux Jacobins, c’est-à-dire l’aile droite de la bourgeoisie fédéraliste à l’aile gauche dirigée par Robespierre et soutenue par les Sans-Culottes, est très significative de la nature de classe du régime macronien. Alors que Robespierre avait à la fois promu l’unité de la République, garante de l’égalité des citoyens devant la loi, mais aussi la pleine autodétermination des communes (c’est Bonaparte qui supprima l’élection des maires et qui imposa la toute-puissance des préfets), le girondisme tendait à disloquer la nation et à briser la force du peuple en remplaçant les seigneurs féodaux par une nouvelle féodalité bourgeoise ancrée dans "les territoires" »5. Buzot, réputé le plus fédéraliste des Girondins, défendit le principe de l’unité et de l’indivisibilité de la nation dès les premiers jours de la République, soutenu par Barbaroux qui commandait les Marseillais au 10-Août, et s’écriait le 25 septembre 1792 : « proscrivons le gouvernement fédératif, pour n’avoir qu’une République unique »6. Brissot7 dont l’op- position à la monarchie ne mettait pas en cause la structure centralisée de (4) http://www.leparisien.fr/politique/emmanuel-macron-devant-le-congres-qu-est-ce-qu- un-pacte-girondin-04-07-2017-7109571.php (5) https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/pacte-girondin-leuro- destruction-de-france-macron-medef-floreal/ (6) Archives Parlementaires (désormais AP), t. LII, p. 132 et 135. (7) Élise ELLERY, Brissot de Warville, Boston, Houghton Mifflin, 1915 ; Robert DARNTON, « The Grub Street Style of Revolution : J.-P. Brissot, Police Spy », Journal of Modern History, vol. 40, 1968-3, p. 301–327, et « The Brissot Dossier », French Historical Studies, n°17, 1991-1, p. 191-205 ; Frederic A. de LUNA, « A poor Devils and « ‘Low intellectual History’ », French Historical Studies, n°17 ; 1991-1, p. 206-208, et « The Dean Street style of Revolution : J.P. Brissot, jeune philosophe », French Historical Studies, n°17 ; 1991-1, p. 159-190 ; Patrice GUENIFFEY, « Brissot », Mona OZOUF et François FURET, La Gironde et les Girondins, Paris, Payot, 1991, p. 437-464 ; Pierre SERNA, « Le pari politique de Brissot ou lorsque le Patriote Français, l’Abolitionniste Anglais et le Citoyen Américain sont unis en une seule figure de la liberté républicaine », La Révolution française, 2013-5, http://journals.openedition.org/lrf/1021 ; Régis COURSIN, « Brissot et la république en acte », La Révolution française, n°13, 2018, http://journals.openedition.org/lrf/1894. © Armand Colin | Téléchargé le 13/10/2020 sur www.cairn.info via Université de Nanterre - Paris 10 (IP: 193.50.140.116) © Armand Colin | Téléchargé le 13/10/2020 sur www.cairn.info via Université de Nanterre - Paris 10 (IP: 193.50.140.116) LE FÉDÉRALISME GIRONDIN. HISTOIRE D’UN MYTHE NATIONAL 197 l’État, s’était insurgé dès 1791 contre ces hypothèses fédéralistes qu’on lui prêtait : « quel insensé a jamais rêvé de faire en France quatre-vingt-trois répu- bliques ? Les républicains, ceux du moins que je connais, ne veulent qu’une république ou un gouvernement représentatif, dont les quatre-vingt-trois départements sont les quatre-vingt-trois fractions coordonnées les unes avec les autres et aboutissent toutes à un point commun, l’Assemblée natio- nale »8. Le 2 juin 1793, alors que Drouet, Robespierre jeune et Jullien le pressent, que Legendre l’empoigne déchirant sa chemise, et que l’insurrec- tion parisienne encercle l’Assemblée, Lanjuinais clame encore que « Paris est pur, Paris est bon, Paris est opprimé par des tyrans qui veulent du sang et de la domination ». La Convention vote pourtant un décret d’arrestation contre lui et vingt-huit de ses collègues9. Le 30 octobre 1793, l’accusateur public du Tribunal révolutionnaire prononce cette sentence : « d’après la déclaration du jury sur les questions qui lui ont été soumises, je requiers, au nom de la République, que Brissot, Vergniaud, Gensonné, Duperret, Carra, Gardien, Valazé, Duprat, Sillery, Fauchet, Ducos, Fonfrède, Lasource, Lesterp-Beauvais, Duchastel, Mainvielle, Lacaze, Lehardy, Boileau, Antiboul et Vigée soient condamnés à la peine de mort, conformément à la loi du 16 décembre dernier, portant que " tous ceux qui tenteraient de détruire l’unité et l’indivisibilité de la République seront punis de mort et que leurs biens seront déclarés acquis et confisqués au profit de la République " »10. Ni les discours parlementaires, ni les écrits, ni les procès des Girondins et de ceux qui tentèrent de les défendre en province, n’at- testent le projet de construire un État fédéral partageant les compétences constitutionnelles avec des États membres, souverains dans leurs domaines de compétence, comme les Provinces-Unies, la Confédération helvétique ou les États-Unis d’Amérique. Afin de comprendre comment et pourquoi l’étiquette diffamatoire du « fédéralisme » dont se sont vainement défendus les Girondins, est devenue une incrimination judiciaire, puis une catégorie (8) Le Patriote François, 8 juillet 1791. (9) AP, t. LXV, p. 700. (10) Gérard WALTER, Actes du Tribunal Révolutionnaire, Paris, Mercure de France, 1986, p. 248-249. © Armand Colin | Téléchargé le 13/10/2020 sur www.cairn.info via Université de Nanterre - Paris 10 (IP: 193.50.140.116) © Armand Colin | Téléchargé le 13/10/2020 sur www.cairn.info via Université de Nanterre - Paris 10 (IP: 193.50.140.116) 198 ANNE DE MATHAN de la pensée contemporaine, il importe de déconstruire la structure feuille- tée de l’échec des Girondins, d’abord dans la compétition politique de la Première République, puis dans la contre-productivité des révoltes de l’été 1793 qui ne peuvent sauver les députés, mais aggravent leur position, et enfin dans la mémoire et l’historiographie qui les figent en symboles d’autre chose que ce qu’ils sont. Philosophes, républicains et « hommes d’État » : l’échec politique des Girondins Une enquête culturaliste sur l’usage de mots qui deviennent le nom d’un crime politique, identifie le moment – août uploads/Politique/ ahrf-393-0195.pdf
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- Publié le Jan 31, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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