1- Les services secrets contre la publication du livre Voici ce que l’auteur, F
1- Les services secrets contre la publication du livre Voici ce que l’auteur, Frédéric Fenkam s’en-tend dire par le directeur général de la Recherche extérieure, M. Obelabout quand il le reçoit en novembre 2001. «J’ai eu des instructions de la hiérarchie me recommandant de vous prier de faire recours à votre sens de patriotisme et de suspendre la sortie de ce livre qui, je le reconnaîs une fois de plus, pourrait vous rapporter beaucoup d’argent et aussi beaucoup d’ennuis. N’oubliez surtout pas que votre défunt oncle était un des piliers et bâtisseurs de ce pays auquel certaines personnes seraient bien contentes de mettre le feu. Nous appartient-il, à vous et moi, les enfants spirituels de M. Jean Fochivé, de leur donner cette opportunité parce qu’à un moment ou l’autre de notre vie, nous avons côtoyé un oncle qui nous faisait confiance et nous mettait dans les secrets des dieux? A supposer, M. Fenkam, que votre oncle se soit ainsi confié à vous, vous avait-il autorisé de publier et de commercialiser ses révélations? (sic)» 2- Le Rdpc veut interdire la convention des opposants à Bamenda La nouvelle Coordination des partis d’opposition, des associations de défense des Droits de l’Homme, des associations estudiantines et autres multiples groupes de mécontents se réunit à Bamenda les 10 et 11 mai 1991. Dix-huit des vingt-et-un partis présents votent un programme de désobéissance civile et la grève générale pour les 16 et 17 mai. Ils décident de convoquer une conférence nationale souveraine le 24 mai, si le président Biya ne prenait pas lui-même une telle initiative avant cette date. Quelques jours avant la convention, François Sengat-Kuoh, secrétaire général du Rdpc, ex-parti unique se rend chez Jean Fochivé pour lui demander d’obtenir auprès du président Biya, qu’il n’a pas réussi à rencontrer, l’interdiction de la convention. Frédéric Fenkam est témoin de la conversation qui révèle un Sengat-Kuoh défendant un profil tribaliste, éloigné de l’homme de progrès qu’il a toujours voulu incarner. «Ils parlaient justement de la Coordination et de la convention de Bamenda. M. Sengat Kuoh disait : - Nous ne pouvons pas accepter que ces gens (les opposants) nous prennent pour des idiots. Ce n’est pas parce que nous avons accepté le multipartisme qu’un groupe de ressortissants de deux tribus doivent manoeuvrer les populations à leur guise. Je vous dis monsieur le directeur général que ce ne sont que des séparatistes. Vous devez tout faire pour empêcher cette convention de se tenir. - Dans l’état actuel des choses, répondit mon oncle, que croyez-vous que nous pouvons faire? S’ils ont obtenu l’autorisation préfectorale pour tenir leur réunion, je ne peux pas les empêcher de le faire. Même s’ils n’ont pas cette autorisation, l’interdiction serait plutôt du ressort du ministre de l’Administration territoriale qui, j’en suis sûr, n’est pas prêt à enregistrer une autre catastrophe comme celle de mai 1990 survenue dans la même ville. - Voulez-vous dire, M. le directeur général que nous allons rester les bras croisés et laisser ces Bamiléké et ces Anglophones diviser le pays? Croyez-moi M. le directeur général, je ne suis pas tribaliste. Mais je dis et je le répéterai toujours, il ne faut pas que les gens confondent démocratie et démographie. Les Bamiléké sont tellement nombreux que si nous les laissons tribaliser notre démocratie, nous nous retrouverons avec cent soixante députés bamiléké sur les cent quatre-vingt que compte l’Assemblée nationale. Je n’ose même pas penser si les Anglophones s’y mêlent. Mon oncle éclata d’un rire moqueur. - M. Sengat, la démocratie c’est justement la démographie; c’est la loi du nombre. Quand vous avez la majorité, vous êtes élus. Qu’importe si vos voix ne sont que celles de vos frères ou de vos soeurs. S’ils sont des Camerounais et régulièrement inscrits comme électeurs, vous avez gagné. M. Sengat poussa un soupir de dépit et ne répondit pas. M. Fochivé enchaîna : - Qu’aviez-vous dans la tête en venant me voir? - J’attendais de vous la promesse que vous en parleriez au président de la République. Voilà deux semaines que j’essaie en vain de le rencontrer. Il faut que nous arrivions à le convaincre de prendre en considération certaines revendications de l’opposition; nous y avons à gagner. Mon oncle, toujours souriant demanda : - Que pensez-vous que nous dira le président Paul Biya? D’ailleurs, il est déjà au courant de tout, puisque je suis là pour cela. Je lui transmets les renseignements et j’attends moi aussi. Si cela peut vous calmer, sachez que mon service sera présent à Bamenda. Je me contenterais d’observer et de transmettre les informations sur le déroulement de la convention au Secrétariat général de la présidence. Sur un ton qui ne cacha rien de son exaspération, M. Sengat poursuivi : - M. Fochivé, soit vous ramollissez, soit cette vieillesse que nous redoutons tous vous affecte plus que moi. En d’autres temps, je sais ce que vous auriez fait. Ce n’est d’ailleurs pas ce que j’attends de vous. Mais si vous le prenez ainsi, autant vous dire que je ne serai pas seul à regretter. (Il se leva) Je m’en vais, mais je ne serais pas le seul à me plaindre quand ces harangueurs de foule nous chasserons du pouvoir comme des usurpateurs. Mon oncle se leva pour le raccompagner. Je l’entends répondre avant de sortir : - Ils ne nous chasseront pas. Nous allons résister le temps que nous pourrons et les combattrons politiquement tous en les aidant à acquérir une maturité politique. Un jour, nous nous en irons parce que nous aurons été battus. En politique, ça s’appelle : l’alternance. Quand mon oncle revint s’asseoir, il était de très bonne humeur. Il s’enquit comme d’habitude de l’état de santé de mon épouse et des enfants. - Tu as vu ça? S’exclama-t-il, si des intellectuels comme M. Sengat commencent à trembler quand l’opposition bouge le petit doigt, c’est grave. Voilà le numéro un d’un parti au pouvoir qui me demande d’aller intervenir auprès du président de la République. Il leur faudra du temps pour comprendre que tout ceci est fini et que le Rdpc devra apprendre à voler de ses propres ailes.» 3 - Jean Fochivé avait-il «retourné» Lapiro de Mbanga ? Par ses chansons engagées dans le combat social, l’artiste Lapiro de Mbanga a joué un rôle- clé lors de l’agitation politique du début des années 90. A Bamenda, il s’était certes montré peu favorable aux villes-mortes, parce qu’il avait l’intime conviction que ce sont les pauvres citadins qui en paieraient le plus lourd tribut. Mais il avait des idées originales sur la manière de faire échouer la contre offensive déclenchée par le président Biya en programmant une tournée provinciale. Il proposait ainsi qu’à Bafoussam, des militants déguisés en «jeunesse de l’Ouest derrière Biya», furent placés dans un carré face à la tribune présidentielle. Habillés de boubous du Rdpc à l’effigie du président pour cacher leurs tricots blancs estampillés du slogan «Conférence nationale», ils devaient enlever ces boubous au moment où le chef de l’Etat commencerait à prendre la parole. Combattue à Bamenda par un sbire de Fochivé qui avait infiltré la convention, l’idée fut rejetée, mais la réputation d’intransigeance de Lapiro était faite. Frédéric Fenkam qui avait connu Lapiro quelques années plus tôt au Nigeria dans les milieux de la musique, le présenta fortuitement à son oncle un jour à l’aéroport de Douala. Chacun des interlocuteurs essaie de convaincre l’autre. “Ainsi, c’est toi le fameux Lapiro qui m’empêche de dormir depuis quelques temps ?” C’était plus une affirmation qu’une question. Lapiro répondit d’une façon volontairement naïve. - Père, répliqua-t-il, ma musique, je ne la joue pas pour faire dormir les gens. C’est surtout pour les faire bouger. Je crée une ambiance qui aide les jeunes à oublier leurs misères quotidiennes. - Lapiro, tu sais bien que ce n’est pas de ta musique que je parle. En tant que musicien, tu n’as jamais causé du tort à personne. Je pense que tu as même beaucoup fait pour cette jeunesse qui, je le reconnais, est malheureusement abandonnée à elle-même à cause de la conjoncture assez difficile. Tu as dit des vérités pleines d’humour qui n’ont pas laissé nos responsables insensibles. - Père, je ne pensais pas que vous comprenez nos langages codés de la rue. - Ne te trompe pas. Tout le monde te comprend. Le «big cashicka» de «Ngolla» aurait bien aimé te rencontrer pour t’expliquer ses problèmes avec tes protégés. - Il ne m’a jamais invité. - Tu n’as laissé le temps à personne de te rencontrer. Le temps que ta popularité arrive jusqu’à nous, tu t’étais déjà positionné. - Vous auriez peut-être voulu que je rejoigne le camp du Rdpc ? J’aurais contredit les thèses de ma chanson. Foch soupira. - Je crois mon fils que tu mélanges tout. Tes chansons n’avaient aucun caractère politique. Mais à travers leurs thèmes, tu m’apparaissais comme un dénonciateur d’une injustice sociale. Les décideurs de ce pays étaient contraints d’en reconnaître l’existence. Par ailleurs, personne ne te demande de rejoindre le camp du Rdpc. Tes sauveteurs te lâcheraient aussitôt. Tu uploads/Politique/ ayissi-mvodo.pdf
Documents similaires
-
21
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 22, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1706MB