ACTION SPECIFIQUE 54 DU CNRS- STIC RTP 36 – « DROIT ET SYSTEMES D’INFORMATION »

ACTION SPECIFIQUE 54 DU CNRS- STIC RTP 36 – « DROIT ET SYSTEMES D’INFORMATION » Meryem Marzouki et Cécile Méadel De l’organisation des nouveaux collectifs à l’organisation de la cité : gouvernance technique et gouvernement politique d’Internet Laboratoire d’Informatique de Paris 6 Centre de sociologie de l’Innovation PolyTIC - CNRS École des Mines de Paris/CNRS Mars 2004 Gouvernance technique et gouvernement politique d’Internet 2 Meryem Marzouki LIP6/PolyTIC (CNRS)!; 8 rue du Capitaine Scott, 75015 Paris. Meryem.Marzouki@lip6.fr - Tel: 01!44!27!88!81 Cécile Méadel CSI (ENSMP & UMR CNRS), 60 boulevard Saint Michel, 75006 Paris. cecile.meadel@ensmp.fr. Tel!: 01!40!51!91!89. Gouvernance technique et gouvernement politique d’Internet 3 Remerciements Nous tenons à remercier l’ensemble des personnes ayant contribué au bon déroulement de l’action spécifique dont ce rapport rend compte. Madeleine Akrich, Philippe Amblard, Nicolas Auray, Valérie Beaudouin, Jacques Berleur, Dominique Boullier, Danièle Bourcier, Éric Brousseau, Dominique Cardon, Fanny Carmagnat, Dominique Carré, Patrice Flichy, Éric George, Éric Guichard, Fabien Granjon, Josiane Jouët, Kaïs Marzouki, Isabelle de Lamberterie, Christophe Lazaro, Maurice Liscouët, Georges Malamoud, Françoise Massit-Follea, Frédéric Moatty, Yves Poullet, Julia Velkovska et Geneviève Vidal ont, chacun à sa manière et selon ses intérêts de recherche, apporté leur contribution aux échanges qui ont nourri les travaux du groupe. Nous avons eu plaisir et trouvé intérêt à travailler avec eux tous. L’action spécifique que nous avons coordonnée s’inscrit dans le RTP Droit et Systèmes d’information animé par Danièle Bourcier, bien que le hasard des programmes a vu la création du RTP postérieurement à celle de l’action. Collaborer avec Danièle nous a semblé une très sympathique perspective, qui ne pouvait que se confirmer. Catherine Garbay, responsable du domaine Interactions humaines et cognition du département STIC du CNRS (devenu programme Société de l’information, de la communication et de la connaissance) et directrice scientifique adjointe de ce département, a soutenu cette action et veillé à son bon déroulement. Dominique Boullier, en sa qualité de chargé de mission auprès de Catherine Garbay, a impulsé l’action pluridisciplinaire sur cette thématique et nous a donné la chance de la définir et de la coordonner. C’est aussi à Dominique que nous devons notre rencontre amicale et une collaboration scientifique que nous entendons bien poursuivre au-delà de cette mission!! Gouvernance technique et gouvernement politique d’Internet 4 Gouvernance technique et gouvernement politique d’Internet 5 Première partie - Régimes, domaines et mécanismes de gouvernance d’Internet Gouvernance technique et gouvernement politique d’Internet 6 Gouvernance technique et gouvernement politique d’Internet 7 Introduction Par la rapidité et l’étendue de sa diffusion, Internet mobilise fortement les pouvoirs publics, les médias, les représentants de l’opinion publique, les chercheurs, les entreprises, etc., qui voient se construire et se développer de nouveaux forums de débats, des collectifs électroniques avec des thématiques originales, des mouvements sociaux reformatés, des formes inédites d’échanges et de communication. Cela conduit certains à présumer que les forums vont s’ouvrir à une démocratie plus participative, plus civique, que les groupes de discussion thématiques vont transformer les identités professionnelles, que les groupes de consommateurs, de patients, de militants, d’utilisateurs, etc. vont être reconfigurés par les débats sur Internet… Certains ont même pensé que le monde du Net échapperait à toute forme de réglementation, voire de pouvoir, oubliant un peu vite que la «!lex informatica1!» fixe au moins provisoirement ses protocoles et standards, que le droit commercial, privé, du travail… n’est pas interdit de réseau, que les groupes même «!virtuels!» ne fonctionnent pas sans règles ni pouvoirs, que les normes sociales et le marché s’actualisent dans les transactions sur Internet. Si l’attention est souvent portée, par les médias en particulier mais aussi par les chercheurs, sur le rôle des organismes de régulation d’Internet, on sait pourtant assez peu de choses sur la manière dont s’organise la vie sur Internet, sur la façon dont se constituent des collectifs, sur les règles de vie commune, sur le rôle des normes juridiques, techniques, politiques sur le développement des forums, et corrélativement sur l’impact des collectifs eux-mêmes sur les organes de régulation, sur les décisions politiques et les réglementations. Or cette question de l’organisation des collectifs électroniques et de leur régulation est prise en compte par un ensemble de partenaires qui interviennent à différents niveaux du réseau. Les utilisateurs eux- mêmes organisent leurs modes de régulation, voire de normalisation, par les procédures de recrutement et d’adhésion qu’ils mettent en place, par les codes ou étiquettes, par les regroupements de webmestres, par des chartes communes à plusieurs collectifs, par des dispositifs permettant la labellisation des sites… Certaines associations se saisissent aussi de la question en s’instituant comme porte-parole (plus ou moins autorisé) des utilisateurs d’Internet ou des collectifs électroniques et en proposant des modalités d’organisation du secteur. Enfin, les autorités administratives, techniques et politiques mettent en place des outils de régulation sous la forme de lois, de règlements, de normes techniques, d’accords contractuels… De nouveaux modèles de régulation sont-ils produits!? Quelles sont les règles et les normes que produisent progressivement ces acteurs!? Sous quelles conditions peuvent-elles se 1 pour reprendre l’expression de Joël Reidenberg [Reidenberg, Joël R., 1998]. Gouvernance technique et gouvernement politique d’Internet 8 généraliser ou au contraire se confiner!? Comment les réglementations, les standards et les normes mis en place par les instances de régulation, d’organisation ou de contrôle modifient- ils l’activité des collectifs et, au-delà, les règles de comportement social!? Et symétriquement comment les choix et activités des collectifs viennent-ils modifier la perspective et les décisions des organes de réglementation!? Passée l’euphorie libertaire [Flichy, Patrice, 2001], nul ne présume plus qu’Internet échappe à la réglementation et au pouvoir, la question étant désormais de savoir sous quelles conditions s’exercent les différentes formes d’autorité, dans un espace dont la configuration géographique et organisationnelle pose des défis nouveaux. L’action spécifique (AS) du CNRS dont ce rapport rend ici compte s’intéresse donc à la fois au fonctionnement de ces collectifs relevant de tous domaines d’intervention (groupes militants, collectifs de professionnels, groupes d’experts, associations de patients, assemblées de pairs…), aux modes de régulation, produits à la fois localement par un ensemble de procédures, de normes et de dispositifs mis en place par les intervenants eux-mêmes, et plus globalement par des règles juridiques, normes techniques, réglementations diverses établies ou proposées par les institutions régulatrices et enfin par des mouvements itératifs entre local et global. La gouvernance est donc entendue comme l’ensemble des processus, normes et dispositifs qui établissent et règlent les relations entre les entités. Cette action spécifique du CNRS a réuni un groupe de recherche pluridisciplinaire au cours de l’année 2003, composé d’une douzaine de chercheurs réguliers!: Madeleine Akrich, Nicolas Auray, Valérie Beaudoin, Danièle Bourcier, Éric Brousseau, Dominique Cardon, Éric Georges, Josiane Jouët, Georges Malamoud, Françoise Massit-Folléa, Frédéric Moatty, Geneviève Vidal2… Les résultats de ce travail coordonné par les auteurs sont présentés ici à travers une brève cartographie des questions de recherche traitées, suivie d’une lecture transverse des travaux s’intéressant aux enjeux de gouvernance politique et technique d’Internet. Brève cartographie des travaux Cet objet —!la gouvernance d’Internet!— est neuf ou plutôt les questions de son gouvernement n’ont commencé à se poser réellement qu’à partir du moment où Internet est devenu accessible à un public large et hétérogène, profane, non initié, soit la seconde moitié des années 90. Pourtant en moins d’une dizaine d’années a été publiée, principalement aux États-Unis une quantité impressionnante de travaux de recherche sur le fonctionnement d’Internet, sa gestion, ses modes d’organisation, ses lois et codes, ses collectifs, son commerce, ses institutions propres… 2 Voir la liste complète en annexe. Ainsi que les comptes-rendus des séances. Gouvernance technique et gouvernement politique d’Internet 9 Ces travaux émanent de champs disciplinaires divers, mais inégalement répartis. Les juristes sont omniprésents, écrasant la bibliographie de leurs bataillons d’universités et de journaux. Mobilisés très tôt par des affaires de contenus illégaux quand Internet est alors souvent présenté comme «!zone de non droit!», ils continuent d’être fortement sollicités par les organismes et entreprises, autour des questions de respect de la propriété intellectuelle, de la vie privée, du droit des marques, de concurrence des régimes réglementaires, de légalité des échanges, des cryptages, etc. Ces cas sont d’autant plus intéressants pour les juristes qu’ils ébranlent leurs classifications [Reidenberg, Joël R., 1999]. Sociologues et économistes proposent des travaux plus éclatés, très liés à leurs champs disciplinaires et à leurs problématiques. Chaque objet, chaque champ de recherche donne lieu à des études portant sur ses applications, ses modèles et usages spécifiques. C’est par exemple le cas de l’Internet médical, domaine d’une très grande florescence d’applications qui donne lieu à une littérature aussi abondante qu’appliquée [Akrich, Madeleine et Méadel, Cécile, 2004]. Aussi, ces travaux convergent souvent peu, les références ne sont guère partagées, les disciplines s’ignorent le plus souvent même lorsqu’elles traitent d’un même objet. Dans l’ensemble et au risque de caricaturer, on peut dire que les travaux portant sur la gouvernance d’Internet ne sont pas (ou peu) découpés à partir de problèmes théoriques, pas plus qu’ils n’ont un caractère fortement empirique. La question de la gouvernance d’Internet est très tôt posée dans la littérature, dans la mesure où elle est formulée par les acteurs eux-mêmes!: en effet, la prise uploads/Politique/ 2004rapportas-gouvernance.pdf

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