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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Kaboul tombe, Washington cherche des coupables PAR ALEXIS BUISSON ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 16 AOÛT 2021 La victoire des talibans est accueillie avec un mélange de colère et de fatalisme dans les cercles politiques et diplomatiques américains. En vingt ans, ce conflit a entraîné la mort de 2 448 militaires et des dépenses publiques faramineuses. New York (États-Unis). – Pour un homme politique qui a fait de l’empathie sa marque de fabrique, Joe Biden ne fait pas dans les sentiments quand il s’agit de l’Afghanistan. Samedi, alors que les talibans se rapprochaient dangereusement de Kaboul, il a répété ce qu’il dit déjà depuis des années : c’est aux Afghans de se battre pour leur pays, pas aux États- Unis. «Je suis le quatrième président à diriger la présence militaire américaine en Afghanistan – deux Républicains, deux Démocrates. Je ne passerai pas cette guerre à un cinquième», a-t-il lancé dans une déclaration. Quelques heures plus tard, les talibans pénétraient dans la capitale afghane. La chute de Kaboul est accueillie avec un certain fatalisme à Washington, où des doutes persistaient depuis plusieurs mois parmi les élus et les experts sur les conditions du retrait militaire américain et «l’après». Depuis quelques jours, les débats vont bon train sur la responsabilité de Joe Biden dans le fiasco actuel. Opposé à cette «guerre sans fin» après l’avoir soutenue en 2001, il avait décidé de maintenir l’engagement de retrait pris par Donald Trump dans le cadre de pourparlers en 2020 avec les talibans au Qatar. Il avait fixé au 11 septembre 2021 la date butoir pour le départ complet des troupes, et ce malgré les avertissements de plusieurs membres de son parti. Le 3 mai, l’ancienne ministre des affaires étrangères Hillary Clinton avait jugé sur la chaîne CNN qu’il y avait un risque énorme pour que les talibans reprennent le contrôle du pays. Une opinion partagée par plusieurs démocrates et l’ancienne Secrétaire d’État de George W.Bush, Condoleezza Rice. Le mois dernier, Joe Biden assurait aux Américains que «le risque que les talibans envahissent tout et reprennent le pays [était] très incertain», mais lui et ses services ont vraisemblablement surestimé les forces de sécurité afghanes. Les talibans approchant rapidement de Kaboul, le locataire de la Maison Blanche a été contraint d’annoncer en catastrophe, samedi, l’envoi de 1 000 militaires supplémentaires dans la capitale pour accélérer l’évacuation de l’ambassade américaine et des Afghans qui ont aidé les forces de la coalition ces vingt dernières années, et d’annuler son week-end dans sa maison en bord de plage pour éviter toute image embarrassante. «Vingt ans plus tard, les États-Unis repartent d’Afghanistan sans plan pour l’après, pour sécuriser les bases régionales, pour les contracteurs qui assurent la maintenance de l’armée afghane, pour former cette armée après le départ des États-Unis», a observé Richard Fontaine, ancien conseiller de politique étrangère du républicain John McCain, interrogé par le site d’information Axios. Il est peu probable que les Américains en tiennent rigueur à Joe Biden. Plus que l’Afghanistan, c’est la gestion du variant Delta qui préoccupe aujourd’hui l’opinion américaine, traditionnellement peu tournée vers la politique étrangère. Sondage après sondage, les Américains réaffirment depuis longtemps leur opposition à la guerre en Afghanistan, qui a entraîné la mort de 2 448 militaires et des dépenses publiques faramineuses. En juillet,47% des Américains considéraient cette intervention militaire comme une erreur, contre 46% d’opinions contraires. Un changement radical depuis 2002, quand 93% des sondés voyaient l’intervention américaine comme une bonne idée. Avec le temps, les Républicains notamment se sont montrés de plus en plus réticents: 21% voient désormais la guerre en Afghanistan comme une «erreur», contre 5% en 2001. Les titres de la presse américaine depuis quelques jours reflètent largement l’hostilité grandissante de la population envers ce conflit. LeWashington Postvoit ainsi dans cette déroute la conséquence logique de Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 «l’hubris» des États-Unis et de sa «classe guerrière», qui voulait exporter les valeurs et le modèle politique américain dans un pays à l’histoire différente. Malgré le soutien de la population, la chute de Kaboul pourrait hanter la présidence de Joe Biden. En cas d’images de violence dans les rues, de crise humanitaire ou d’attaque terroriste sur le sol américain en lien avec la reprise en main talibane, il pourrait être dépeint comme le président qui a lâché ses alliés, en particulier les femmes afghanes, et rendu l’Amérique moins sûre. Un discours que propagent déjà les faucons républicains. «Si la sécurité américaine requiert que nos ennemis ne puissent pas établir des espaces pour nous attaquer de nouveau, les leaders des deux partis ont une responsabilité d’expliquer au peuple américain pourquoi nous devons garder des troupes déployées sur le terrain», a déclaré Liz Cheney, députée républicaine du Wyoming et fille de Dick Cheney, l’ancien vice-président de George W.Bush. 15 août 2021, à Washington. Le président Joe Biden et la vice-présidente Kamala D. Harris prépare l'évacuation de leurs ressortissants, militaires et alliés. © EyePress via AFP Joe Biden a tenté de répondre à ces craintes en demandant, samedi, aux «forces armées et aux services de renseignement de s’assurer que les États-Unis maintiennent leur capacité et leur vigilance» pour prévenir de futures menaces provenant d’Afghanistan, sans préciser comment. Déjà en juillet, le général McKenzie, le plus haut gradé américain dans la région, déplorait la difficulté à obtenir des renseignements de la part des forces afghanes, dépassées par la progression des talibans. Pour Liz Cheney et d’autres, Joe Biden n’est pas le seul responsable de la situation. Plusieurs experts estiment que l’accord de paix passé par le gouvernement Trump avec les talibans l’an dernier, qui fixait au 1er mai 2021 la date butoir pour le retrait américain, a mis la pression sur son successeur. «Le gouvernement Biden a eu peur que la remise en cause de cet accord ne transforme une situation relativement calme et stable pour l’armée américaine en un autre round sanglant de combats qui minerait ses plans de politique étrangère»,a raconté, dimanche, le journaliste Steve Coll dans les colonnes du New Yorker. Dans l’immédiat, Joe Biden veut éviter les images catastrophiques de l’évacuation de l’ambassade américaine de Saïgon en 1975, un épisode qui a marqué sa génération de décideurs politiques (il était un jeune sénateur du Delaware cette année-là). Les États-Unis avaient alors extrait leur personnel diplomatique et des Sud-Vietnamiens désespérés depuis le toit du bâtiment en utilisant des hélicoptères. Ce souvenir est allègrement exploité par les Républicains aujourd’hui, trop heureux d’utiliser la débâcle afghane contre un président très actif sur le plan législatif. Pour Joe Biden et l’écrasante majorité des Démocrates, rester plus longtemps en Afghanistan n’a pas de sens. «Si vingt années de formation laborieuse des forces de sécurité afghanes ont eu aussi peu d’impact sur leur habilité à se battre, alors cinquante années de plus ne changeront rien»,a déclaré le démocrate Chris Murphy, membre de la commission des Affaires étrangères du Sénat. Il est loin d’être le seul à le penser. Un sondage sorti en juillet fait état d’un fort soutien (70%) pour le retrait militaire américain. Une position partagée par 77% de Démocrates, 73% d’Indépendants et 56% de Républicains. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. Actionnaires directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie- Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. 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- Publié le Jui 24, 2022
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