1 Le « gouvernement ouvert » à la française : un leurre ? Alors que la France s

1 Le « gouvernement ouvert » à la française : un leurre ? Alors que la France s’apprête à accueillir le Sommet mondial du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert, plusieurs associations pointent les contradictions du gouvernement. Certaines ne s’y rendront pas. Bilan du gouvernement ouvert à la française, co-signé par les associations et collectifs suivants : ANTICOR, April, BLOOM, DemocracyOS France, Fais ta loi, Framasoft, La Quadrature du Net, Ligue des Droits de l’Homme, Regards Citoyens, République citoyenne, SavoirsCom1. Derrière un apparent « dialogue avec la société civile », la France est loin d'être une démocratie exemplaire Le "gouvernement ouvert" est une nouvelle manière de collaborer entre les acteurs publics et la société civile, pour trouver des solutions conjointes aux grands défis auxquels les démocraties font face : les droits humains, la préservation de l’environnement, la lutte contre la corruption, l’accès pour tous à la connaissance, etc. Soixante-dix pays se sont engagés dans cette démarche en adhérant au Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (PGO), qui exige de chaque État la conception et la mise en œuvre d'un Plan d’action national, en collaboration étroite avec la société civile. La France a adhéré au Partenariat pour un Gouvernement Ouvert en avril 2014, et publié son premier Plan d’action national en juillet 2015. Depuis octobre 2016, le gouvernement français co-préside le PGO, avec l’association américaine WRI (World Resource Institute) et la France accueille le Sommet mondial du PGO à Paris, du 7 au 9 décembre 2016, présenté comme la « COP 21 de la démocratie ». En tant que « pays des droits de l’Homme », nation co-présidente et hôte du Sommet mondial du PGO, on pourrait attendre de la France qu’elle donne l’exemple en matière de gouvernement ouvert. Hélas, à ce jour, les actes n’ont pas été à la hauteur des annonces, y compris dans les trois domaines que la France elle-même considère prioritaires (1. Climat et développement durable ; 2. Transparence, intégrité et lutte contre la corruption ; 3. Construction de biens communs numériques) et ce, malgré l’autosatisfaction affichée du gouvernement. Pire, certaines décisions et pratiques, à rebours du progrès démocratique promu par le Partenariat pour un gouvernement ouvert, font régresser la France et la conduisent sur un chemin dangereux. Les associations signataires de ce communiqué dressent un bilan critique et demandent au gouvernement et aux parlementaires de revoir certains choix qui s'avèrent radicalement incompatibles avec l’intérêt général et l’esprit du PGO, et de mettre enfin en cohérence leurs paroles et leurs actes. 2 De nettes régressions sur les droits humains et les libertés fondamentales L’instauration d’une surveillance généralisée et d’un fichage des citoyens français portent atteinte à la vie privée et s’avèrent contre-productifs en matière de sécurité. En juillet 2015, alors que la France célébrait la publication de son premier Plan d’action national « co- construit avec la société civile », était promulguée une loi sur le Renseignement dont certaines dispositions, considérées au niveau national et international comme liberticides et antidémocratiques, ont précisément fait l’objet d’une mobilisation considérable de la société civile et depuis, de deux censures partielles du Conseil constitutionnel. En novembre 2016, le gouvernement publiait également en catimini, pendant le week-end de la Toussaint, un décret controversé visant à créer une base de données de 60 millions de français. Cette base, connue comme le fichier TES (« Titres électroniques sécurisés »), comprend identité, filiation et données biométriques et provoque des réserves de la part de la Commission nationale « Informatique et Libertés » (CNIL), du Conseil National du Numérique et une nouvelle mobilisation de la société civile. L’existence de cette base de données centralisée et susceptible d'être piratée (comme l’ont été les fichiers de la police elle-même ou ceux de millions de fonctionnaires aux États-Unis par exemple) ou encore l’affaiblissement envisagé de la cryptographie, qui protège aujourd’hui les échanges numériques, malgré les alertes de la société civile et celles de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), menacent la sécurité des citoyens et celles des entreprises. Un état d’urgence sans fin, l'état condamné pour contrôles discriminatoires et abusifs Si la promulgation de l’état d’urgence, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, pouvait sembler légitime, il est incompréhensible que celui-ci ait été prolongé plusieurs fois depuis plus d’un an, et le soit vraisemblablement encore jusqu’en mai 2017, voire pour encore des années. Celui-ci constitue un dispositif d’exception au cadre démocratique normal, qui permet au ministère de l’intérieur et aux préfets (et non à une autorité judiciaire indépendante) de décider de perquisitions, assignations à résidence, blocages de sites Internet, interdictions de manifestations… avec les risques d’abus, comme ceux déjà constatés contre des acteurs du mouvement social pendant la COP21 ou au printemps, et de décisions arbitraires, qui ont été largement dénoncés par la société civile. Nous voulons également attirer l’attention sur le jugement de la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 9 novembre 2016, a condamné l’État, contre lequel des poursuites avaient été engagées pour contrôles d’identité abusifs « au faciès ». La liberté d’expression et la presse attaqués Au même moment, le projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui bouscule les fondements de la loi du 29 juillet 1881 réglementant le droit de la presse, est considéré comme dangereux et dénoncé dans un texte collectif par les journalistes de nombreux médias qui se mobilisent contre un « projet de loi liberticide, qui met en péril l’un des piliers de la démocratie ». 3 Un système de participation citoyenne de façade biaisé par des conflits d'intérêts Beaucoup de communication pour flatter le citoyen et des consultations instrumentalisées qui masquent des passages en force et l’action des lobbies Le gouvernement et les administrations ont multiplié les consultations : pour le projet de loi République numérique, sur l’Europe des startups, pour le projet de loi Égalité et Citoyenneté, pour le projet de loi Égalité réelle outre-mer, pour l’élaboration de la charte de participation du public au dialogue environnemental, pour l’élaboration de la stratégie internationale de la France pour le numérique, pour l’élaboration de la stratégie numérique de l’Agence française de développement… Les opérations de communication organisées à l’occasion de ces consultations suggèrent que l’avis de chaque citoyen jouerait un rôle déterminant (« Écrivons ensemble la loi numérique » pouvait-on ainsi lire lors de la consultation sur la Loi République numérique). En pratique, il n’en a rien été et certaines associations l’ont dénoncé : « Ce n'est pas la multiplication des consultations et autres embryons de processus participatifs qui redressera le cap, tant que les logiques politiques d'autrefois continueront de prévaloir. Depuis deux ans, la société civile n'aura à la fois jamais été autant consultée et aussi peu entendue […]. La logique participative a été constamment instrumentalisée pour masquer la persistance de la mainmise de la machine administrative et des lobbies installés » écrivait ainsi la Quadrature du Net en mai 2016 qui concluait à un « bilan catastrophique ». En outre, tout en communiquant sur sa capacité d’écoute du citoyen, le gouvernement n’hésitait pas à imposer ses décisions quitte à court-circuiter les mécanismes parlementaires usuels (6 utilisations de l’article 49-3 de la Constitution à l’occasion des lois « Macron » et « El Khomri », trois lois de prorogation de l'état d'urgence présentées, discutées et promulguées en moins de 72h) et à faire fi de la mobilisation historique de la société civile ayant donné naissance au mouvement « Nuit Debout ». Même le Conseil d’État a déploré publiquement « un défaut du travail gouvernemental ». En effet, le gouvernement avait saisi le Conseil économique, social et environnemental (une représentation institutionnelle de la société civile) et d’autres organismes trop tardivement de manière à ce qu’il était impossible que leur avis permette « d’en tirer le moindre profit pour améliorer, voire infléchir, [le] projet de loi », conduisant ainsi « à une véritable dénaturation de ces procédures consultatives, rendues obligatoires soit par la Constitution elle-même, soit par la loi ». Le constat est sans appel : le gouvernement multiplie les consultations pour donner l’impression à la société civile qu’elle « co-construit » la politique du pays mais il reste sourd à l’avis des citoyens et à celui de leurs représentants, dès que les questions soulevées ou la tonalité ne lui plaisent pas. Un partenariat problématique entre une société privée et le gouvernement par le biais d'une association qui concentre les conflits d’intérêts Toutes les consultations du gouvernement, ou presque, ont été menées par une seule et unique société : Cap Collectif, dont les fondateurs ont également créé la plateforme Parlement & Citoyens et l’association Démocratie ouverte. La confusion des genres est de mise depuis la création de ces organisations, tant au travers d’une communication ambigüe entre ces trois marques, qu’en matière de gouvernance. On retrouve en 4 effet, au Conseil d’administration de Démocratie ouverte, deux associés et un salarié de Cap Collectif, ainsi qu’une chargée de mission au cabinet de la Secrétaire d’État au Numérique et à l’Innovation, vice-présidente de l’association, qui s’occupait, peu de temps auparavant, de promouvoir Parlement & Citoyens auprès des parlementaires. La convergence uploads/Politique/le-gouvernement-ouvert-a-la-francaise-un-leurre.pdf

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