Parti Socialiste Rassemblement 24 janvier 1981 François Mitterrand Chers camara
Parti Socialiste Rassemblement 24 janvier 1981 François Mitterrand Chers camarades, nous voici donc ensemble de nouveau rassemblés, comme chaque fois que ce fut nécessaire. Je vous salue, amis et camarades, venus de toute la France, la France proche et lointaine. Qu’avons-nous à nous dire, et à la France ? Ce matin, le Congrès Socialiste extraordinaire a désigné son candidat. Cet après- midi, il a adopté un manifeste, le manifeste du Parti Socialiste qui conduira notre démarche au-delà de l’élection Présidentielle pour les batailles à venir, et pendant la campagne afin de répondre; aux questions justifiées des Français. Cette désignation, dont j’ai reçu l’honneur en votre nom, à vous Socialistes... (Applaudissements)… cette désignation m’a conduit, comme il était décidé depuis le premier jour, appliquant les règlements et les décisions du Parti Socialiste, à quitter le poste que je devais à votre confiance depuis le Congrès d’Epinay et c’est à partir d’aujourd’hui, avec votre Comité directeur Lionel Jospin qui assumera la première responsabilité du Parti. (Applaudissements.) Je lui souhaite bonne chance. La tâche est rude, je peux le dire, mais elle est en même temps exaltante : porter l’espoir et le combat des Socialistes, c’est la justification d’une vie. (Applaudissements.) Cela ne s’est pas fait tout seul. Si nous en sommes là, c’est parce que, à travers le temps, des générations et des générations d’hommes et de femmes, ont voulu non seulement témoigner mais combattre. Ils avaient vu ce qu’étaient la misère, la peine, l’angoisse des travailleurs, ils avaient vu ce qu’était l’injustice, le règne des puissants et leur domination. Alors, ils avaient commencé la route depuis longtemps, longtemps déjà, jusqu’aux années que nous avons connues. Voilà pourquoi à cet instant, à vous qui êtes ici je dis : oubliez un moment le candidat qui se trouve devant vous et pensez à l’œuvre commune que nous avons conduite ensemble. A Epinay, toute une équipe, autour de Pierre Mauroy (Applaudissements) avec Gaston Defferre, Jean-Pierre Chevènement, Louis Mermaz, Gérard Jaquet, Charles Hernu, combien d’autres, et ceux que nous avons perdu en chemin... je pense à Marie-Thérèse Eyquem, à Georges Dayan ou à Boulloche, et avant Epinay autour d’Alain Savary, dont je disais ce matin que lui, et ceux qui l’entouraient avaient mené l’histoire jusqu’au seuil du combat d’aujourd’hui. (Applaudissements) Et au-delà, parmi vous, franchissant vos rangs dans cette allée centrale où il était difficile d’avancer, j’apercevais, ici et là, des camarades vétérans dont je disais aussi ce matin, au Congrès extraordinaire, quelle gratitude nous leur devons. Je citais Augustin Laurent (Applaudissements), mais c’était un symbole, le symbole d’une longue tâche assumée pour permettre aux militants d’aujourd’hui et, au-delà, pour permettre à la jeunesse de France de comprendre le Socialisme. Et nous sommes ici rassemblés, dépassant les légitimes différences. D’autres que moi pourraient se trouver ici à cet instant et connaître ce sentiment de joie et de force, aussi de gravité, à la veille d’un grand combat. Oui, ce ne fut pas aisé sans doute de renoncer pour des hommes qui en possédaient le mérite. Je pense à la campagne que celui-ci ou celui-là aurait menée, si je suis assuré avec vous de conduire celle-ci comme il faut ; je pense, et je salue en particulier, au geste de Michel Rocard. (vifs applaudissements) Chers camarades, en entrant dans cette salle, vous avez aperçu un bandeau, avec de larges lettres, qui disait : "l’autre politique". Je vais tenter maintenant d’en parler car, après tout, si nous avons trois mois devant nous, autant commencer maintenant. Non pas qu’il faille confondre nécessité et précipitation ; l’histoire se fait aussi elle-même, mais n’oublions pas de lui donner le coup de pouce nécessaire, et je voudrais profiter de cette soirée pour développer un certain nombre de thèmes dans lesquels, je l’espère, vous vous retrouverez aisément. Non pas les thèmes exacts de la campagne, qui s’appuieront sur ceux qu’a définis le manifeste : la paix, l’emploi, la liberté, la France. (Applaudissements) Prenant un peu d’aise, dès ce soir, et sans en abuser, je vais tenter de développer devant vous, ce que j’ai quelques hésitations à appeler, vous comprendrez pourquoi, les dix Commandements. Je ne suis ni Dieu, ni Moïse, même si je partage avec eux le refus du Veau d’or. Ce sont Dix Commandements de circonstance, sans doute, car vous apercevrez très vite qu’il en est qui disparaîtront avec notre victoire. Le premier qui me vient à l’esprit sera celui-là : il faut sauver la République ! Chers camarades, il faut sauver la République. Oh ! Nous ne sommes pas en dictature, combien de fois l’ai-je répété, mais nous ne sommes plus tout à fait en République. Vous vous direz : "Mais, qu’est-ce qui lui arrive ? On ne le connaissait pas jusqu’ici pour un thuriféraire de la 5ème ! Il lui est même arrivé assez souvent de voter contre ! " Mais ce n’est pas une affaire de numéro, chers camarades ! Réfléchissons : la démocratie est en péril. Parmi les mots d’ordre qui vont circuler, il faudra saisir les Français de quelques idées simples. Oui, je voudrais que la campagne pour l’élection Présidentielle serve à faire prendre conscience d’idées simples et d’idées fortes. Disons que nous vivons sous une sorte de monarchie qui ne serait même plus constitutionnelle ! Un Président tout-puissant qui tient tout dans ses mains et qui, semble t-il, aime ça. Le gouvernement de la France, dont la constitution de 1958 nous dit qu’il existe … qu’il existe si bien qu’il devrait normalement « conduire les affaires du pays », qu’est-ce qu’il est devenu, le savez-vous chers camarades ? Quel est le Premier ministre ? Quels sont ses ministres ? … Soyons justes… Le Premier ministre on le voit, mais à quoi sert-il ? J’en dirai un mot tout à l’heure… Mais le gouvernement de la France aujourd’hui disparu, effacé derrière le pouvoir du Président de la République, ce n’est pas pour cela, chers camarades que je suis candidat ! Le Parlement, Assemblée nationale, Sénat... voici que tombent une à une les dernières défenses de ce qu’on appelait naguère le pouvoir législatif. La loi, désormais peut ne plus être votée ; cependant réputée, adoptée, imposée aux français, la loi désormais peut ne plus être discutée et cependant considérée comme adoptée, imposée aux français. Et la majorité parlementaire, unie au moins pour manquer à la loi, la majorité parlementaire soumise, docile, fuyante, si peu sûre d’elle-même et cependant tellement insolente, a tout accepté détruisant ce qui faisait l’équilibre des pouvoirs. Où en est le pouvoir judiciaire, dites-moi ? Déjà, dans les textes, qu’est-ce que l’indépendance de la magistrature quand le chef de l’Etat nomme les membres du Conseil qui nomme les magistrats, Oh ! Il reste le refuge de la conscience, et je ne doute pas de la conscience du plus grand nombre, mais je n’aime pas les lois qui font, qu’il suffit qu’il en existe un seul qui n’ait pas de conscience pour que, le cas échéant, il soit l’exécutant des ordres, des volontés du Président de la République. Non, chers camarades, je ne suis pas non plus candidat pour cela ! Les pouvoirs du Président de la République, non pas tels que les lois nous les ont définis, mais tels qu’il les pratique, sont redoublés par les excès du pouvoir de l’information… Certes, il nous reste une garantie, l’indépendance d’une large part de la presse écrite et l’honnêteté des journalistes ou en presse écrite, de l’audiovisuel, quand ils peuvent échapper (et je sais que souvent ils échappent) à l’arbitraire des hommes choisis par le chef de l’Etat pour informer et déformer, pour orienter la réflexion et les consciences selon ses décrets souverains… Mais, non, je ne suis pas candidat pour cela ! Mers chers camarades, si le premier des thèmes, le premier des commandements, c’est de dire : Vive la République ! Le deuxième, ce sera : Halte à la revanche des privilèges des maîtres de l’argent, halte à la revanche de la Droite et du grand capital… Halte à la destruction des conquêtes ouvrières, Halte au démantèlement du secteur public, Halte à la répression qui frappe ceux qui jugent bon de défendre la classe ouvrière ! Le troisième thème, il est tout simple, vous l’avez déjà deviné, je crois qu’il vaut pourtant la peine de le dire : Giscard - Barre, c’est pareil ! J’ai l’air de faire une découverte, mais c’est qu’il n’est pas facile à découvrir... ce Président si voyant et si fuyant pourtant, dès lors qu’il s’agit d’assumer une responsabilité. Voyez cette haute taille, derrière un Premier Ministre courageux, il faut l’avouer, dans la mesure où il assume non seulement ses fautes, mais surtout celles du Président… et qui porte l’essentiel de l’impopularité qui lui revient sans doute largement, mais plus encore à celui qui gouverne. Giscard - Barre, c’est pareil ! N’acceptons pas au long de cette campagne ces distinctions subtiles, ne prenons pas pour de la dignité ces airs distants comme si la matière de la vie quotidienne, les conditions de travail, la disparition de l’emploi, le chômage qui uploads/Politique/ congres-de-creteil-du-ps-le-discours-de-francois-mitterrand.pdf
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- Publié le Fev 23, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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