14 Les cahiers des EDC POUVOIR ET AUTORITÉ DU DIRIGEANT Réflexions & questionne
14 Les cahiers des EDC POUVOIR ET AUTORITÉ DU DIRIGEANT Réflexions & questionnements Les Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens Sommaire Préambule .......................................................................................................................... 5 I. Approche générale 1) Définitions .................................................................................................................... 7 2) Pouvoir et autorité dans l’entreprise ............................................... 10 II. Éclairages théologiques et bibliques .................................... 13 III. Une approche chrétienne du pouvoir du dirigeant 1) Qu’est-ce que le Christ attend de moi dans l’exercice de mes responsabilités ici, maintenant ? ......................................................................................................... 17 2) Quelles questions à partir des Écritures ? ................................. 22 3) Les dilemmes comme source de questions ............................ 23 IV. Pour aller plus loin 1) Les Écritures ........................................................................................................ 24 2) Quelques théoriciens ................................................................................... 28 3) Quelques livres .................................................................................................. 29 3 3 5 Préambule « Pouvoir, vouloir, savoir, trois mots qui mènent le monde », affirmait Victor Hugo. Aujourd’hui, le pouvoir est toujours au cœur de l’actualité, qu’elle soit économique politique, économique, sociale, religieuse. En entreprise, le pouvoir est conféré au dirigeant par les actionnaires réunis en assemblée générale et, lorsque les structures juridiques choisies l’instaurent, par le conseil d’administration. Lorsque le choix existe bien, ces instances intègrent, avec diverses pondérations, des critères de légitimité, de compétences et de qualités personnelles. En règle générale, la décision de conférer le pouvoir s’accompagne d’une volonté de le faire en s’assurant que le nouveau dirigeant dispose à priori d’une certaine autorité personnelle. Le pouvoir conféré n’entraîne pas naturellement l’autorité et détenir une autorité ne signifie pas nécessairement avoir le pouvoir. Nous allons essayer de réfléchir sur ces deux notions dont l’alliance nous semble au cœur de la fonction de dirigeant, sans perdre de vue que pour nous, dirigeants chrétiens, la domination liée au pouvoir peut à tout moment nous faire oublier que l’autorité première est celle de Dieu. 5 7 I. Approche générale 1) Définitions Commencer par des définitions permet de montrer combien ces deux termes pouvoir et autorité sont imbriqués. Pouvoir vient du latin populaire potere. Le pouvoir est la faculté, la capacité, la possibilité matérielle ou la permission de faire quelque chose. Avoir du pouvoir sur une personne signifie obtenir de cette personne quelque chose qu’elle n’aurait pas fait sans notre intervention. La diversité des approches et concepts concernant le pouvoir indique que sa définition varie selon l’objectif qu’on lui attribue. La question essentielle autour du pouvoir est celle de son efficacité. Quel sera le résultat des actions demandées aux subordonnés par celui qui détient le pouvoir s’ils n’en reconnaissent pas le bien-fondé ? Dans la langue française, le mot autorité vient du latin auctoritas, capacité de faire grandir. L'autorité est le pouvoir de commander, d’obliger à quelque chose, d'être obéi. « Celui qui a autorité sur moi doit augmenter mes connaissances, mon bonheur, mon travail, ma sécurité, il a une fonction de croissance. La véritable autorité est celle qui grandit l’autre », ajoute Michel Serres (philosophe et professeur à Stanford). Ainsi, l’autorité se distingue du pouvoir par la qualité spirituelle qui s’en dégage. « Le pouvoir ne peut se satisfaire de son exercice brut, il lui faut le renfort de l’autorité. Ce renfort est spirituel, comme le montre l’usage du mot qui s’applique aussi à des textes – ceux qui font autorité », pour Dominique Lecourt (philosophe, dans Cahiers Croire n°277, 2012). Par exemple, l’autorité parentale s’exerce sur l’enfant pour lui permettre de se développer. Cette racine précise le sens de l’autorité en la situant au service de ceux sur qui elle s’exerce. L’autorité demande une légitimité pour être acceptée par le groupe et les personnes qui le composent. Le sociologue allemand Max Weber indique que la légitimité de l’autorité vient de trois sources possibles : - La tradition. Elle est le fruit de l’héritage culturel. Par exemple, le père dans une société patriarcale, le roi dans un régime monarchique et le dauphin du roi qui a, par extension du fait de sa naissance, déjà autorité sur les hommes, le patron de l’entreprise lorsqu’il en est le fondateur. La tradition pérennise le système en lui donnant de l’assurance, mais elle est porteuse également de rigidité et risque d’être un obstacle à la création, à l’innovation. - Le charisme. L’autorité est alors légitimée par les qualités et le caractère exceptionnels d’une personne. Elle fédère et elle est source de création. Sa limite est souvent une absence de débat contradictoire, cause de possibles dérives, l’extrême aboutissant à des phénomènes sectaires. Pour les anciens, le guerrier auréolé de ses conquêtes a, par ses actes, prouvé sa capacité à gouverner. Il possède l'autorité nécessaire. - La raison. L’autorité du chef est fondée sur la rationalité, les connaissances et les compétences reconnues par le groupe. Cette forme s’est développée avec l’ère industrielle et la valeur accordée à la science et à la technique. Elle cherche à éviter un pouvoir inefficace par incompétence ou par obscurantisme. L’autorité, dans un état démocratique, est reconnue par la loi, à l’issue d’une élection. Le régime démocratique tente de concilier le charisme et la compétence à exercer une fonction de pouvoir. Pouvoir et autorité Les notions de pouvoir et d’autorité sont proches car toutes deux signifient une capacité à faire agir les autres. En effet, si l’autorité se reconnaît dans l’obéissance libre d’autrui, elle est bien un pouvoir. Mais elle n’est pas n’importe quel pouvoir. 8 8 7 9 Cependant, tout pouvoir n’est pas autorité. Un pouvoir exercé sans autorité est une contrainte vécue dans un rapport de force. Il n’est pas un rapport d’autorité mais la manifestation d’un autoritarisme. Contrairement à ce que l’opinion admet trop souvent, un rapport de force n’instaure aucune autorité chez celui qui exerce le pouvoir. Le pouvoir est souvent associé aux notions de force, voire de domination. De fait, l’homme de pouvoir fait pression et menace quand il a perdu son autorité véritable. L’homme de valeur et de connaissance, lui, inspire le respect. On le suit parce qu’il a de l’autorité naturelle. L’autorité d’une personne met en évidence la qualité de l’exercice de son pouvoir. Elle est aussi source d’efficacité. En effet, quel peut être le résultat des actions demandées aux subordonnés par celui qui détient le pouvoir s’ils ne lui reconnaissent pas de légitimité rationnelle légale ou charismatique? L’exercice du pouvoir contribue à établir l’autorité. De façon évidente, un dirigeant ou un responsable qui n’exerce pas son pouvoir perd son autorité. De fait, à côté des pouvoirs institutionnels, réglementaires, contractuels qui lui sont attribués, chacun possède une infinité de possibilités d’influer sur les actions des autres : savoir, dire, expliquer, dire non, rencontrer... Ce sont toutes ces possibilités qui lui permettent d’exercer concrètement le pouvoir qui est donné et de développer son autorité. L’exercice de l’autorité pose la question des buts poursuivis. L’autorité existe quand ceux sur qui elle s’exerce l’acceptent librement. Elle a donc une dimension subjective forte. L’autorité peut être acceptée par les uns et refusée par les autres. Les subordonnés seront plus ou moins sensibles à la légitimité institutionnelle du pouvoir, au poids des responsabilités, à l’expérience, à la personnalité de celui qui exerce sur eux une autorité. Cependant, il ne suffit pas qu’un dirigeant ou un responsable hiérarchique soit reconnu pour en déduire que l’exercice de 9 son pouvoir est légitime. Les plus grands tyrans savent se faire obéir avec enthousiasme. Il existe une dimension objective de l’exercice de l’autorité dont la mesure est dans la qualité des buts poursuivis et atteints. Ce qui fonde l’autorité la dépasse. La question : « À quoi sert l’autorité ? » peut se poser comme « Quel service apporte l’exercice de l’autorité ? ». Se pose immédiatement après la question : « Comment et à qui sont attribués les pouvoirs dans l’entreprise ? Comment sont-ils exercés ? Régulés ? » 2) Pouvoir et autorité dans l’entreprise Dans les entreprises capitalistes, le pouvoir de diriger se fonde sur la détention privée ou publique du capital. Selon le type d’entreprise et la gouvernance choisie par les majoritaires, ce pouvoir peut être exercé directement ou par délégation à un manager choisi. Le pouvoir des actionnaires est de plus en plus encadré par la législation sociale et fiscale, par les règles de gouvernance mais également par l’évolution des esprits sur la responsabilité sociétale des entreprises. La majorité du capital n’assure plus un pouvoir automa- tiquement perçu comme légitime. Le propriétaire aura une légitimité complète s’il a créé l’entreprise alors que son héritier n’aura qu’une légitimité traditionnelle. En quelque sorte, il rejoint le manager dans une quête d’autorité même si le pouvoir est acquis, hérité pour l’un et délégué pour l’autre. Dans nos sociétés post-industrielles, l’autorité requiert une légitimité autre que celle qui venait auparavant du seul fait d’occuper une fonction hiérarchique. L’autorité ne peut plus être conçue seulement comme une puissance qui s’impose par la détention du pouvoir, par la contrainte ou par l’habilitation, et qui serait étrangère et extérieure à ceux qui lui obéissent. L’autorité qui agit n’est pas une abstraction. Elle est incarnée par une personne animée d’intentions et s’exerce sur un groupe qui l’a promue et se reconnaît en elle. 10 10 11 À l’inverse, l’absence de légitimité du dirigeant met l’entreprise en risque uploads/Politique/ cahier-pouvoir-et-autorite-du-dirigeant-juillet-2013-web.pdf
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- Publié le Oct 15, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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