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1 Nous n’avons volontairement pas corrigé les imperfections de forme qui peuvent apparaître dans chaque copie. Concours interne 1ère épreuve d’admissibilité : Droit public Meilleure copie Note : 18/20 MINISTERE DE L’INTERIEUR Direction générale des collectivités locales Paris, le 24 août 2020 NOTE à l’attention du cabinet du ministre S/C du directeur Objet : opportunité d’adresser aux préfets une circulaire afin de leur demander de systématiquement déférer au juge administratif les arrêtés municipaux concurrençant l’exercice d’une police spéciale dévolue aux autorités étatiques. Les enjeux actuels, qu’ils soient sanitaires ou environnementaux, conduisent les autorités publiques, tant nationales que locales, à faire un usage plus soutenu de l’un des outils à leur disposition : les pouvoirs de police administrative. Qu’il s’agisse de garantir l’ordre public dans ses trois composantes classiques que sont la tranquillité, la sécurité et la salubrité ou de prendre des mesures plus spécifiques fondées sur un texte catégoriel (police des immeubles menacant ruine, police des débits de boisson, police de l’environnement…), les actes de police administrative s’additionnent au sein de l’ordonnancement juridique sous forme de mesures de police administrative générale et de police administrative spéciale, nationales et locales. Cette superposition d’actes conduit nécessairement à l’apparition de concours de polices, notamment de polices administratives spéciales. Ces cas, où deux normes se concurrencent sur un même sujet menacent la clarté et l’efficacité de tout l’édifice juridique et doivent donc être solutionnés. L’exercice, par les préfets de département, de leur déféré préfectoral peut-être l’une des voies permettant cette solution. Ainsi, dans un contexte où de nombreux maires ont fait usage de leurs pouvoirs de police pour faire face à la crise sanitaire et où les contertations environnementales sont multiples (5G, produits phytosanitaires), il y a lieu de se questionner sur l’opportunité que soit adressée aux préfets une circulaire leur demandant de systématiquement 2 déférer au juge les arrêtés municipaux qui viendraient concurrencer l’exercice d’une police spéciale dévolue aux autorités étatiques. La présente note vise à analyser la faisabilité de ce projet (I) et à proposer les axes principaux autour desquels une telle circulaire pourrait s’articuler (II). I S’il est nécessaire d’encadrer les concours de polices administratives concurrencant l’exercice d’une police spéciale étatique afin de garantir l’efficacité des politiques publiques et dispositifs nationaux, une circulaire demandant aux préfets de faire systématiquement usage de leur pouvoir de déférer n’est pas dénuée de risques contentieux. A. L’exercice des pouvoirs de police administrative par l’échelon local, élément central de la décentralisation, ne doit pas conduire à une mise en échec des politiques publiques et dispositifs nationaux. 1. L’existence d’un pouvoir de police fait partie intégrante de la décentralisation. Le maire est ainsi chargé par les articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT) de pouvoirs de police municipale, générale et spéciale, à exercer sur le territoire de sa commune. Ces pouvoirs font partie du pouvoir normatif des collectivités, lequel est une composante de leur libre administration. 2. Les autorités publiques locales ne sont pas les seules à disposer de pouvoirs de police. En effet, les autorités nationales, au premier rang desquelles se trouve le Premier ministre, sont également dotées d’un pouvoir réglementaire, pouvant prendre la forme d’un pouvoir de police administrative. Ainsi, la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a doté le Premier ministre de nouveaux pouvoirs de police spéciale lui permettant, après déclaration de l’état d’urgence sanitaire, d’imposer sur l’ensemble du territoire national d’importantes restrictions de déplacements, des mises en quarantaine, des fermetures d’établissements (mesures listées par l’article L. 3131-15 du code de la santé publique). Les autorités déconcentrées de l’État peuvent prendre toutes mesures permettant l’application dans les territoires de cette police spéciale dévolue au Premier ministre. 3. L’existence de ces deux niveaux de police, locale et étatique, expose à la survenance de concours de polices portant en eux plusieurs risques : - Les matières objets d’une police administrative spéciale étatique sont souvent très techniques. Les mesures prises sont précédées d’une expertise scientifique qui n’est pas disponible au niveau local. C’est notamment le cas en matière d’urgence sanitaire (L. 3131-13 CSP). - Certaines des polices spéciales étatiques interviennent dans des matières pour lesquelles l’État est lié par le droit de l’Union Européenne, rendant impossible une déclinaison locale de ces polices (en matière de produits phytosanitaires ou d’OGM). - Les actes pris par l’échelon communal sont exécutoires dès publication et transmission au contrôle de légalité (article L. 2131-1 CGCT), rendant immédiats leurs effets et risquant ainsi de brouiller rapidement la lisibilité des normes, de rompre l’égalité entre territoires et de mettre en échec des dispositifs nationaux ne pouvant souffrir d’exceptions locales (politique sanitaire, aménagement du territoire). 4. Face à ces risques, le recours au juge est une arme efficace. La jurisprudence administrative classique a de longue date élaboré des règles permettant de résoudre les conflits de polices administratives : - Une autorité de police de niveau inférieur ne peut qu’aggraver la mesure prise par l’autorité de rang supérieur. Il ne lui est pas possible de l’assouplir. Cette solution, qui permet de préserver l’efficacité de la mesure supérieure, n’est pas sans risque pour les libertés individuelles et doit obligatoirement être justifiée par des circonstances locales (Conseil d’Etat, 1902, Commune de Neris-Les-Bains) 3 - Les autorités publiques exercant leur pouvoir de police ne peuvent s’affranchir des règles limitant leur champ de compétences, et ce même en se fondant sur le principe de précaution de l’article 5 de la Charte de l’environnement (CE, 2012, Commune de Valence) - La police spéciale instituée en matière d’urgence sanitaire tend à garantir cohérence et efficacité du dispositif de lutte contre l’épidémie de covid-19. Elle fait obstacle à l’exercice du pouvoir de police générale du maire, sauf raisons impérieuses tenant aux circonstances locales, sans pour autant compromettre l’efficacité du dispositif national. B. L’encadrement de l’exercice local des pouvoirs de police concurrençant l’exercice d’une police spéciale étatique par voie de circulaire demandant un recours systématique au déféré préfectoral est porteur de risques contentieux forts. 1. Prévu par l’article L. 2131-6 du CGCT, et pouvant être accompagné d’une demande de suspension, le déféré préfectoral est un outil efficace compte tenu de la jurisprudence en matière de concurrence par l’échelon local de la police spéciale dévolue à l’État (I.A.4.). 2. Pour autant, une circulaire demandant aux préfets d’en faire un usage systématique face à des cas de concurrence risquerait de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, comme le permet la jurisprudence du Conseil d’État DUVIGNÈRES (2002) en matière de circulaire impérative. En effet, un écrit du ministre, supérieur hiérarchique des préfets leur donnant instruction de toujours tenir la même attitude face à un acte déterminé risque fort d’être qualifié de circulaire impérative par le juge. Le prétoire étant ouvert, des requérants potentiels (associations d’élus) devront démontrer son illégalité. Son caractère systématique, supposant un déféré contre toute mesure locale concurrencant une mesure de police spéciale étatique pourrait faire risquer son annulation dans la mesure où ce type de mesure locale n’est pas interdit par principe : - Le Conseil d’État (2020, Commune de Sceaux) admet que le maire puisse user de son pouvoir de police en cas de raisons impérieuses liées à des circonstances locales, même si s’exerce une police spéciale dévolue à l’Etat. - Le tribunal administratif de Montreuil (3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis) admet, en raison de circonstances locales particulières et compte tenu de l’absence de mesures prises par les autorités chargées de la police spéciale, que le maire face usage de son pouvoir de police générale. Même s’il ne s’agit que d’un jugement de première instance, la jurisprudence du Conseil laisse penser que des mesures de police locales pourraient légalement être adaptées dans le champ d’une police spéciale de l’État. II. Une circulaire plus large, rapplant les enjeux et les marges de manœuvre des collectivités territoriales, et incitant à la conduite d’un dialogue local dense au sein du couple maire-préfet en matière de police administrative serait à privilégier A. La circulaire adressée aux préfets pourra leur proposer une grille d’analyse des arrêtés municipaux de police administrative pouvant aller jusqu’à l’exercice du déféré préfectoral en cas de risque avéré pour la cohérence d’ensemble des dispositifs nationaux. 1. Le choix d’une rédaction souple, non impérative, et renvoyant à l’appréciation locale des situations par les préfets sera privilégié. En plus de fermer la porte à un éventuel recours pour excès de pouvoir et à ses conséquences en termes de relations État-territoires, cette rédaction permettra une marge de manœuvre dans chaque département, participera à une action de l’Etat moins centralisée et permettra aux préfets d’enclencher un dialogue avec les élus qui ne soit pas biaisé par la certitude de voir les actes envisagés déférés. 2. Après avoir rappelé les enjeux et les risques de ces concours de police, la circulaire pourrait encourager les préfets à ouvrir le dialogue avec les élus exprimant l’envie d’adapter des mesures de police dans le 4 champ de la police spéciale dévolue à l’Etat. Ce dialogue sera l’occasion d’insister sur la nécessité de circonstances locales solides et uploads/Politique/ ci-2020-droit-public.pdf

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