Moisson Justine 1°8 Commentaire littéraire : Lettre à Louis XIV de Fénelon Les
Moisson Justine 1°8 Commentaire littéraire : Lettre à Louis XIV de Fénelon Les échanges de lettres reposent sur des traditions littéraires ancestrales, dont les plus anciens ouvrages épistolaires datent de l’Antiquité gréco-latine. Cette situation d’énonciation permet d’échanger, de discuter, de critiquer, sans se confronter directement à la pensée, à la réaction de l’autre. C’est pourquoi Fénelon, le précepteur du petit-fils de Louis XIV, a recourt à ce procédé en faisant part de ses réflexions, de ses dénonciations par le biais d’une lettre adressée à Louis XIV de manière anonyme. Dans cette correspondance virulente, il fait un constat de l’état de la société française alors que cela fait environ 35 ans que le roi règne en toute impunité. Le royaume connait, en 1694, date à laquelle la lettre a été écrite, de grandes difficultés financières qui s’accroissent de plus en plus. Fénelon expose, à travers cet écrit, un tableau pathétique de la France en ruine, et n’hésite pas à prendre pour responsable de la situation, le roi. De ce fait, nous pouvons nous demander comment l'anonymat va permettre à Fénelon de se protéger et de libérer sa parole pour faire une critique explicite du roi et de son gouvernement. Ainsi, nous verrons dans un premier temps que Fénelon s’exprime au nom du peuple, dans un second temps qu’il dénonce la politique royale, et enfin, dans un troisième temps, qu’il élabore dans cette lettre la critique du roi lui-même. Les propos que tient Fénelon à l’égard du roi et de la gestion du royaume en général sont tournés de manière à ce que ce soit le peuple lui-même qui prenne la parole et dénonce ces injustices. Lorsque Fénelon s’adresse au roi, il fait preuve d’une discrétion apparente et s’implique très peu dans les propos qu’il tient. En effet, il n’utilise pas la première personne du singulier pour exprimer son opinion et son ressentit. On peut remarquer qu’il porte les paroles du peuple en utilisant le pronom indéfini « on », qui représente le peuple et l’auteur (l22). Ainsi, il se présente comme un simple porte-parole du peuple de son époque. On retrouve dans ce texte de nombreuses fois le mot « peuple », qu’il emploie d’ailleurs au début de cet extrait « vos peuples ». On remarque donc qu’il implique plus le peuple que lui-même. De plus, lorsqu’il cherche à s’adresser et à interpeler le roi, il a recourt à l’apostrophe « Sire » et utilise de nombreuses fois le vouvoiement. Ceci montre une forme de politesse et de considération du roi. A la fin de cet extrait, il emploie de nouveau l’apostrophe « Sire », pour conclure cette dénonciation « Voilà, Sire, l’état où vous êtes ». Il utilise même une question rhétorique sous forme de phrase interrogative qui s’adresse directement au roi « Quelle réponse à cela, Sire ? ». Elle permet à Fénelon de provoquer la remise en question du roi. Page 1 sur 5 S’il réussit à s’exprimer avec autant de liberté, c’est grâce à l’anonymat et à sa discrétion. Il dédie cette lettre au roi sans dire qu’il en est l’auteur, ce qui le protège et lui permet de dénoncer avec exactitude la mauvaise politique du roi, qui plonge peu à peu le peuple dans la misère, la famine et bientôt la mort. Pour ne pas parler réellement en son nom, il a recourt à une tournure impersonnelle, qu’il met d’ailleurs entre parenthèse « (il faut tout dire) ». Elle traduit le fait qu’il ne dira, rien que la vérité dans cette lettre. Il est en capacité de faire part des moindres problèmes dans le royaume, sans avoir à atténuer ses dires, puisqu’il ne pourra être censuré. Par conséquent, il accuse le roi sans se méfier de la censure, chose qu’il n’aurait jamais pu faire s’il avait adressé cette lettre au roi en annonçant qu’elle venait de lui. Il l’interpelle et le prend pour responsable de la situation lorsqu’il écrit « C’est vous-même, Sire, qui vous êtes attiré tous ces embarras ». Cette façon de contourner la censure fait réfléchir à l’importance de la liberté d’expression que l’on peut avoir aujourd’hui mais qui n’était pas présente au XVIIe siècle. La faible implication et l’anonymat permettent à Fénelon de s’exprimer librement et de faire le constat de la société française. Cet état des lieux est loin d’être élogieux puisque le peuple souffre terriblement. Fénelon dresse un tableau pathétique de la France en ruine. Il décrit la France comme ravagée par la misère et la famine « La France entière n’est plus qu’un grand hôpital désolé et sans provisions ». Il cible exclusivement l'extrême dégradation financière et morale du royaume avec l’abondance de champs lexicaux de la destruction, de l’abandon « abandonnée (l3), se dépeuplent (l3), anéanti (l4), détruit (l5) ». Cette misère est ressentie par tout le peuple puisqu’il parle de toutes les catégories de population « le peuple », « la noblesse » (l9), « les magistrats » (l9), de tous les domaines : production industrielle et artisanale, commerce (l4), agriculture (l2). Que ce soit dans les campagnes ou dans les villes « les villes et les campagnes se dépeuplent » (l3), tout est en train de mourir « vos peuples […] meurent de faim » (l2), « tout le royaume étant été ruiné » (l12). L’augmentation permanente des impôts est inenvisageable pour le peuple, qui ne pouvait déjà plus vivre et s’efforçait de survivre. Le roi ne considère plus le peuple et continue de le faire souffrir « en leur arrachant […] le pain qu’ils tâchent de gagner à la sueur de leurs visages » (l32 - 33). Il emploie le participe présent « arrachant » qui souligne une agressivité voire une extrême violence. Dans cette citation, « le pain » est une métonymie puisqu’il fait référence ici à l’alimentation de base du peuple. Aussi, « la sueur » montre l’effort de travail du peuple, qui est à l’arrivée, privé des fruits de son travail, de l’argent puisqu’il doit le donner aux impôts. Il dévoile par cette description la situation alarmante dans laquelle se trouve la France au XVIIe siècle. Après avoir montré dans la première partie, que l’auteur cherchait à mettre en avant la parole du peuple et à faire un bilan de la situation très inquiétante, nous allons passer à la critique de la société et de la politique royale. Au moment de l’écriture de cette lettre, les difficultés s’accumulent sur le royaume et la politique étrangère exercée n’arrange pas la situation. Louis XIV est connu comme un roi Page 2 sur 5 dit « de guerre », qui fait la guerre en quasi-permanence. Fénelon reproche au royaume de reprendre la guerre alors que le peuple souffre désespérément. Il a recourt à une phrase interrogative de condition introduite par « Si » (l22 à l25), où il évoque les raisons qui poussent le roi à faire la guerre « quelques places de la frontière ». Cela souligne le désintéressement et l’inutilité de cette guerre, elle n’existe que pour le prestige et la gloire du Roi. Il trouve que cette guerre n’a guère d’intérêt, qu’elle est vaine « Par conséquent, vous avez détruit la moitié des forces réelles du dedans de votre Etat, pour faire et pour défendre de vaines conquêtes en dehors » (l4 à l6) et qu’elle n’apporte même pas de satisfaction au peuple « vos victoires et vos conquêtes ne le réjouissent plus » (l19). Les combats à répétition ont des répercutions considérables sur le royaume et aggrave la situation de misère dans laquelle se trouve le peuple. Les grandes guerres de Louis XIV ont eu des conséquences désastreuses, sur le plan économique puisqu’elles ont conduit à une inflation des prix ; sur le plan fiscal, elles ont été suivies d’une forte augmentation de la taille (impôt direct versé aux suzerains) ; et sur le plan social, les famines et la misère amènent à des révoltes de la part du peuple « la sédition s’allume peu à peu de toutes parts » (l20). Fénelon dénonce la politique économique du royaume qui, en augmentant fortement les impôts et les prix fait peu à peu mourir le peuple « vos peuples […] meurent de faim » (l2). Il explique qu’ « au lieu de tirer de l’argent de ce pauvre peuple, il faudrait lui faire l’aumône et le nourrir » (l6). Il fait référence, au début de cette citation, aux sommes d’argent considérables que chaque personne doit donner aux impôts, puis à la fin, il propose au roi une solution, porter attention à son peuple en le nourrissant. Les peuples sont mis au « désespoir en leur arrachant, par vos impôts pour cette guerre, le pain […] » (l32), cela montre ici que sans les guerres récurrentes qui ont conduit à cette misère, le peuple pourrait vivre et non survivre. Suite aux conséquences de la politique royale énoncées avant, des révoltes deviennent de plus en fréquentes en France : « Les émotions populaires qui étaient inconnues depuis si longtemps, deviennent fréquentes ». (l25 - uploads/Politique/ commentaire-lettre-fenelon.pdf
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- Publié le Apv 11, 2022
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