des mythes politiques isbn : 978-2-84952-087-1 © Éditions imago, 2010 7 rue sug
des mythes politiques isbn : 978-2-84952-087-1 © Éditions imago, 2010 7 rue suger, 75006 Paris Tél : 01-46-33-15-33 e-mail : info@editions-imago.fr site internet : www.editions-imago.fr des mythes politiques sous la direction de Frédéric monneyron et antigone mouchtouris a u z a s é d i t e u r s remerciements Ce livre est issu du colloque « Mythes politiques », organisé par Frédéric Monneyron et Antigone Mouchtouris à l’Université de Perpignan-Via Domitia les 24 et 25 septembre 2008. Sa mise en place et sa tenue n’auraient pu être possibles sans l’aide apportée par Amandine Coche et Florence Micolau. Qu’elles soient ici remerciées. Avant-propos FrÉdÉric Monneyron Voici vingt-cinq ans un article d’une importante revue littéraire française s’intitulait : « Qu’est-ce qu’un mythe littéraire 1 ? » L’auteur de cet article témoignait, en interrogeant ainsi l’existence du mythe en littérature, de la confusion qui régnait dans la critique littéraire après une décennie d’analyses hâtives et anarchiques. sans doute, en ce qui concerne le mythe, le champ du politique a- t-il suscité moins d’engouement et, en tout cas, moins de précipi- tation que celui de la littérature et, à l’évidence, il n’y règne pas et n’y a jamais régné la confusion qui régnait alors dans ce dernier. il ne saurait être inutile, malgré tout, de se poser la question : qu’est-ce qu’un mythe politique ? et de tenter, sinon de proposer quelques définitions, du moins de cerner sa spécificité. selon une perspective différente toutefois, car les champs de la littérature et du politique ne sont pas sur le même plan, le premier étant un véhicule souvent obligé du mythe et, par conséquent, un conser- vatoire privilégié, tandis que le second en apparaît plutôt comme une dimension particulière. Pour y parvenir, il convient toutefois de se placer tout d’abord dans une perspective plus large, qu’appelait Ph. sellier, celle des études sur l’imaginaire en général et des mythes en particulier, initiée il y a maintenant quarante ans par Gilbert durand. en proposant une analyse philosophiquement et méthodologi- quement cohérente des mythes, la perspective durandienne semble, en effet, pouvoir être l’objet d’un large consensus. Mais, puisqu’elle entend montrer que ce n’est pas l’histoire qui est le module du mythe mais « le mythe qui est le module de l’histoire 2 », elle ne manque pas de soulever aussi une question d’importance. dans l’immense réservoir de mythes à la disposition du cher- cheur, lesquels privilégier ? Quand bien même on s’en tiendrait à la civilisation occidentale, la tâche a de quoi décourager et désorienter d’emblée de nombreuses bonnes volontés. cependant, puisque, dans le mythe, « les symboles se résolvent en mots et les archétypes en idées », il importe de se demander quel discours tient cette « esquisse de rationalisation ». Plus simplement, de quoi le mythe parle-t-il ? Quels sont les grands thèmes sur lesquels s’articule la pensée mythique ? outre celui des origines de l’homme, celui de ses relations avec l’invisible, de ses peurs et de son destin, trois domaines — que les hypothèses de claude Lévi-strauss concernant le passage de la nature à la culture permettent de fonder théoriquement 3 et sur lesquels les sociologues s’accordent le plus souvent 4— semblent particulièrement réfractaires à toute tentative de rationalisation et de sécularisation : la sexualité, l’alimentation et l’origine des peuples ou la fondation des nations. ce dernier domaine se distingue des deux précédents en ce qu’il apparaît beaucoup moins stable. Alors que la sexualité et l’alimentation n’autorisent guère, pour ce qui concerne en tout cas le monde occidental, d’additions à leur « cartographie psy- chologique et symbolique 5 » et montrent une belle stabilité, celui-ci apparaît, en effet, comme plus contingent car beaucoup plus lié aux circonstances historiques et au contexte sociocultu- rel. on peut observer en effet trois facteurs d’instabilité : 1) un changement idéologique qui, comme le christianisme, rend caducs les mythes cosmogoniques identifiant les grandes ethnies européennes de l’Antiquité en les remplaçant par un mythe d’ori- gine universel ; 2) les conquêtes militaires et les migrations qui, en mélangeant les populations et en bouleversant la composition ethnique initiale, amènent la disparition de certains mythes d’ori- gine ou leur recouvrement par d’autres ; 3) l’image qu’un peuple veut se donner de lui-même et l’ambition qu’il manifeste l’amè- nent enfin à se placer parfois sous une ascendance imaginaire. une telle instabilité entraîne une grande prolifération de mythes qui souligne la nécessité d’une refondation et pose aussi bien des questions. 8 des MyThes PoLiTiQues de fait, le fondement mythique indispensable à la formulation des règles de la vie d’une collectivité (alimentation, sexualité) peut paraître moins nécessaire dans les sociétés modernes. Le passage d’une société holiste, où importent plus les relations des individus entre eux que les individus en eux-mêmes, où « la valeur se trouve dans la société comme un tout 6 », à une société individualiste, où « l’individu est la valeur suprême 7 », n’engage pas en effet à considérer qu’une prégnance mythique puisse se maintenir. Pourtant la simple observation montre à quel point dans l’acte de fondation des formes nationales modernes — qui s’articulent autour de l’individu et du territoire — la dimension mythique reste importante. À cela, on peut avancer deux rai- sons. d’une part, tout en appartenant au camp des pays modelés par l’individualisme occidental dont elles affichent les prin- cipes, bien des nations européennes gardent dans leurs structures sociales et idéologiques des éléments holistes qui coexistent avec des éléments plus modernes. d’autre part, quand bien même les nations concernées s’organiseraient totalement autour de l’individu, le geste premier de fondation, celui autorisant et fondant la vie collective, ne peut être qu’un geste holiste qui trouve dans le mythe son vecteur essentiel. Plutôt que de penser avec Lévi-strauss que « rien ne res- semble plus à la pensée mythique que les idéologies poli- tiques 8 » ou que « ce que les mythes font pour les sociétés sans écriture, c’est le rôle que notre civilisation prête à l’histoire 9 » et de prôner une équivalence de fonctions, résultat d’une rupture, il me semble, en effet, intellectuellement plus fécond de mettre l’accent sur la continuité. L’histoire et l’idéologie sont les habits modernes dont se pare le mythe, respectivement pour faire le récit des origines — et parfois du destin — de la Gemeinschaft qui est censée être à l’origine de la nation, et pour livrer les formes sur lesquelles reposera la Gesellschaft. il ne fait guère de doute que ces mythes d’origine et de fon- dation nationale, qui trouvent dans l’histoire et l’idéologie leurs formes modernes — et tout à la fois se trouvent occultés par elles —, constituent pour le moins, quand ils ne se confondraient pas totalement avec eux, la matière première de ce qu’on peut appeler les mythes politiques. Matière première, car comme ils 9 Avant-propos se suffisent rarement à eux-mêmes, ils s’élargissent bien vite en des constellations plus vastes. non seulement ils accueillent et s’adjoignent des mythes qui leur sont initialement extrinsèques, comme ceux de l’âge d’or ou du paradis perdu, mais dès qu’il est question d’une nouvelle forme de fondation, supranationale, par exemple, ou dès qu’il s’agit de réaffirmer une identité, ils se redéploient en de nouveaux mythes de fondation qui proposent autant de modèles politiques pour l’avenir. Accompagnant les mythes proprement dits, c’est aussi toute une galerie de person- nages historiques divers ou un riche ensemble de symboles ou d’archétypes qui sont susceptibles d’intégrer un discours mythique ou, quand ils ne l’intègrent pas, se développent en sa marge pour constituer une mythologie politique à part entière. ce sont ces constellations mythiques et mythologiques com- plexes que cet ouvrage se donne pour but d’explorer. certes, il ne prétend pas fournir une analyse définitive ni proposer un ensemble d’illustrations totalement significatives — l’exhausti- vité est d’ailleurs parfaitement illusoire dans ce domaine — mais, plus modestement, et plus pratiquement aussi, il a cherché à donner des lignes de forces à une réflexion sur les mythes poli- tiques. Ainsi, après un chapitre introductif qui interroge les rela- tions qu’entretiennent les mythologies politiques avec les identités collectives, il propose successivement une analyse de d’une fondation et d’une identité mythiques avec, pour exemples, la Grèce ancienne et la confédération helvétique ; celle de trois modèles mythiques, rome, le traité de l’Élysée, et le Kosovo, qui concernent respectivement l’occident, l’europe et les balkans ; puis celle d’un personnage historique spécifique, le général de Gaulle, propre à être mythifié, et d’un ensemble de héros dont le possible retour ou l’éventuelle résurrection devient un motif mythique. enfin, les deux derniers chapitres s’attardent sur la symbolique politique en général et les processus de sym- bolisation et de désymbolisation qui, dans l’actualité récente, ont pu toucher certains membres de la classe politique française. 10 des MyThes PoLiTiQues noTes 1. Ph. sellier, « Qu’est-ce qu’un mythe littéraire ? » in Littérature 55, 1984. 2. G. durand, Figures mythiques et Visages de l’œuvre, berg international, Paris, 1979, p. 31. 3. cf. pour de plus amples développements : F. Monneyron, La Nation aujourd’hui. Formes et mythes, L’harmattan, Paris, 2000, uploads/Politique/ des-mythes-politiques.pdf
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- Publié le Jan 11, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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