Prof Rachid ARRAICHI Drt en français S2 E2 Dissertation sur la notion d’ « opin
Prof Rachid ARRAICHI Drt en français S2 E2 Dissertation sur la notion d’ « opinion publique » *************************************************************** Sujet de la dissertation : A partir du document suivant, rédigez une dissertation sur la notion d’opinion publique : On fait très souvent aux sondages d'opinion des reproches techniques. Par exemple, on met en question la représentativité des échantillons. Je pense que dans l'état actuel des moyens utilisés par les offices de production de sondages, l'objection n'est guère fondée. On leur reproche aussi de poser des questions biaisées (1) ou plutôt de biaiser les questions dans leur formulation : cela est déjà plus vrai et il arrive souvent que l'on induise la réponse à travers la façon de poser la question. Ainsi, par exemple, transgressant le précepte élémentaire de la construction d'un questionnaire qui exige qu'on « laisse leurs chances » à toutes les réponses possibles, on omet fréquemment dans les questions ou dans les réponses proposées une des options possibles, ou encore on propose plusieurs fois la même option sous des formulations différentes. Il y a toutes sortes de biais de ce type et il serait intéressant de s'interroger sur les conditions sociales d'apparition de ces biais. La plupart du temps ils tiennent aux conditions dans lesquelles travaillent les gens qui produisent les questionnaires. Mais ils tiennent surtout au fait que les problématiques que fabriquent les instituts de sondages d'opinion sont subordonnées à une demande d'un type particulier. Ainsi, ayant entrepris l'analyse d'une grande enquête nationale sur l'opinion des Français concernant le système d'enseignement, nous avons relevé, dans les archives d'un certain nombre de bureaux d'études, toutes les questions concernant l'enseignement. Ceci nous a fait voir que plus de deux cents questions sur le système d'enseignement ont été posées depuis Mai 1968 (2), contre moins d'une vingtaine entre 1960 et 1968. Cela signifie que les problématiques qui s'imposent à ce type d'organisme sont profondément liées à la conjoncture (3) et dominées par un certain type de demande sociale. La question de l'enseignement par exemple ne peut être posée par un institut d'opinion publique que lorsqu'elle devient un problème politique. On voit tout de suite la différence qui sépare ces institutions des centres de recherches qui engendrent leurs problématiques, sinon dans un ciel pur, en tout cas avec une distance beaucoup plus grande à l'égard de la demande sociale sous sa forme directe et immédiate. Une analyse statistique sommaire des questions posées nous a fait voir que la grande majorité d'entre elles étaient directement liées aux préoccupations politiques du « personnel politique ». Si nous nous amusions ce soir à jouer aux petits papiers et si je vous disais d'écrire les cinq questions qui vous paraissent les plus importantes en matière d'enseignement, nous obtiendrions sûrement une liste très différente de celle que nous obtenons en relevant les questions qui ont été effectivement posées par les enquêtes d'opinion. La question : « Faut-il introduire la politique dans les lycées ? » (Ou des variantes) a été posée très souvent, tandis que la question : « Faut-il modifier les programmes ? » ou « Faut-il modifier le mode de transmission des contenus ? » n'a que très rarement été posée. De même : « Faut-il recycler les enseignants ? ». Autant de questions qui sont très importantes, du moins dans une autre perspective. Les problématiques qui sont proposées par les sondages d'opinion sont subordonnées à des intérêts politiques, et cela commande très fortement à la fois la signification des réponses et la signification qui est donnée à la publication des résultats. Le sondage d'opinion est, dans l'état actuel, un instrument d'action politique ; sa fonction la plus importante consiste peut-être à imposer l'illusion qu'il existe une opinion publique comme sommation purement additive d'opinions individuelles ; à imposer l'idée qu'il existe quelque chose qui serait comme la moyenne des opinions ou l'opinion moyenne. L'« opinion publique » qui est manifestée dans les premières pages de journaux sous la forme de pourcentages (60 % des Français sont favorables à...), cette opinion publique est un artefact (4) pur et simple dont la fonction est de dissimuler que l'état de l'opinion à un moment donné du temps est un système de forces, de tensions et qu’il n’est rien de plus inadéquat pour représenter l'état de l'opinion qu'un pourcentage. D’après Pierre Bourdieu, L'opinion publique n'existe pas Exposé fait à Noroit (Arras) en janvier 1972 et paru dans Les temps modernes, 318, janvier 1973, pp. 1292-1309. Repris in Questions de sociologie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984, pp. 222-235. (1) Biaisées : faussées, décalées et trompeuses par rapport à la vérité ; Biais : ruse, tromperie. **************************************************************** Proposition de dissertation : Introduction : La notion d’opinion publique a fait l’objet d’investigations différentes s’inscrivant au moins dans deux perspectives théoriques : celle dite libérale et celle dite critique. Dans le cadre de la perspective libérale, on considère que les médias ne déterminent pas entièrement les prises de position et de décision des citoyens ; il y aurait toujours une marge de manœuvre laissée aux individus pour choisir leur voie et effectuer leur choix. Autrement dit, les politiciens se servent des médias pour communiquer avec les citoyens ; ils cherchent assurément à agir sur eux, mais cette action serait toujours tributaire des choix délibérés des individus et non le résultat d’une manipulation dûment conduite par les médias. Dans cette perspective, on trouve des chercheurs comme Gallup qui dans les années 30 et 40 parlaient de l’importance des sondages d’opinion dans une démocratie, attestant ce faisant la possibilité pour le citoyen d’exprimer, par la voie des sondages effectués souvent par questionnaire, ses besoins et ses doléances, et la nécessité pour le politicien d’y répondre favorablement. On pourrait aussi citer les travaux de Lazarsfeld dont les travaux ont porté sur le leadership d’opinion et son rôle dans la diffusion de l’opinion. En effet, les Lazarsfeldiens pensent que les médias ne peuvent pas former unilatéralement et directement l’opinion publique : beaucoup de personnes seraient incapables de déchiffrer le message politique diffusé dans les médias. Cela se remarque par exemple dans les sociétés où le taux d’illettrisme et d’analphabétisme est très élevé. Mais on pourrait aussi le valider dans les sociétés démocratiques, quand la communication politique audio-visuelle nécessite un travail d’analyse pour être comprise. Le leadership d’opinion, selon Lazarsfeld, est une personne faisant partie du groupe qu’il pourrait influencer, il dispose d’atouts (niveau d’instruction élevé, ainé de la famille,…) faisant de lui la référence pour le groupe en question qui pourrait être sa famille, son village, son quartier ou autre. Cette personne opère une influence horizontale auprès du groupe d’appartenance. Ainsi, si influence des médias existe, et elle existe, elle ne s’opère pas directement et uniquement via les médias (influence verticale), mais aussi et surtout à travers les leaderships d’opinion (influence horizontale). Dans cette perspective, l’effet des médias est atténué. Ce qui explique le fait que l’école lazarsfeldienne est citée dans la perspective libérale. La perspective critique, quant à elle, attribue aux médias un rôle déterminant dans la formation de l’opinion publique. L’on va même jusqu’à affirmer que les médias orientent dans un sens de manipulation négative l’opinion publique à l’avantage des politiciens. L’école de Francfort, dont les figures de proue sont Adorno, Horkeimer, Althusser et Habermas, atteste l’existence de cette manipulation au travers des industries culturelles. Par industrie culturelle, elle entend les œuvres de toute nature, film, chanson, art pictural, livre ou autre, dont l’action sur les citoyens s’opère indirectement, doucement et efficacement. Une sorte de violence symbolique qui, méconnue en tant que violence, s’exerce avec la complicité des dominés. L’on peut ici référer au travail de Chomsky et Chesney sur « la fabrication du consentement » qui a montré comment les Américains ont, chaque fois qu’ils souhaitent mener une guerre dans une région ou un pays, se servent des médias, mais aussi des films, pour légitimer leurs actions auprès de l’opinion publique américaine et internationale. Pierre Bourdieu, le sociologue français contemporain, fait partie de cette école critique. Nous aurons à rédiger une dissertation sur l’opinion publique à partir de son texte extrait de son article « l’opinion publique n’existe pas » paru dans Les temps modernes, 318, janvier 1973. En effet, la problématique de ce texte pourrait être formulée comme suit : l’opinion publique dont parlent les médias et les politiciens est un pur résultat des sondages ; elle ne correspond pas à l’opinion publique réelle ; son rôle majeur est de légitimer les positions et les actions politiques. Nous adopterons le plan suivant : dans un premier temps, nous parlerons de l’opinion publique sondagière ; dans un deuxième temps, nous aborderons le rôle assigné à cette opinion publique. **************************************************************** I. L’opinion publique sondagière : Nous verrons dans cette partie successivement la définition de « l’opinion publique sondagière » (1.1) et les défauts qu’elle présente (1.2). I.1. Définition de l’opinion publique sondagière : Les sondages d’opinion que l’on fait pour recueillir les avis des personnes, leurs attitudes et leurs propositions concernant telle ou telle décision ou action politique, donne à voir l’opinion publique comme uploads/Politique/ dissertation-sur-document-a-propos-de-l-x27-opinion-publique.pdf
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- Publié le Jul 23, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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