ENQUÊTE 10 – 2021 ÉDITIONS Phénomène conjoncturel ou nouvelles pratiques durabl

ENQUÊTE 10 – 2021 ÉDITIONS Phénomène conjoncturel ou nouvelles pratiques durables ? –Gilles Finchelstein (coordination) – Antoine Bristielle – Victoria Géraut – Tristan Guerra – Milo Lévy-Bruhl – Raphaël Llorca – Frédéric Potier – Mathieu Souquière – Brice Teinturier Le dossier Zemmour Idéologie, image, électorat L’enquête électorale 2022 / Vague 2 La Fondation Jean-Jaurès est partenaire de l’« Enquête électorale française » réalisée par Ipsos Sopra- Steria en partenariat avec Le Monde et le Cevipof-Sciences Po. Il s’agit d’un dispositif inédit permettant de suivre tout au long de la campagne présidentielle un panel de plus de 16 000 personnes à différents moments clefs. Dans ce dossier, les analyses qui reposent sur des données (sociologiques et électorales) s’appuient sur la vague 2 de cette enquête, réalisée du 7 octobre au 13 octobre 2021, et rendue publique dans le journal Le Monde le 22 octobre 2021. 16 228 personnes ont été interrogées, constituant un échantillon national représentatif de la population française, inscrite sur les listes électorales, âgée de dix-huit ans et plus. L’échantillon a été interrogé par Internet via l’Access Panel Online d’Ipsos selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée, catégorie d’agglomération, région). Voici les premières pièces du dossier Zemmour. Il n’est plus possible de se contenter d’une dénonciation morale ou d’une dénonciation juridique d’Éric Zemmour – quand bien même l’une et l’autre disposeraient de solides fondements. Il n’est plus possible de concentrer ses critiques sur les médias ou les sondages – qui créeraient une « bulle » artificielle. Il est aujourd’hui indispensable de prendre la percée d’Éric Zemmour au sérieux, c’est-à-dire de la comprendre pour pouvoir mieux la combattre. Tel est l’objet de ce dossier. Comprendre à quelle idéologie il se rattache – celle de Drumont ? celle de Bainville ? celle de Maurras ? – et, surtout, comprendre quel est le projet de Zemmour : « glorifier les persécutions d’hier pour justifier celles de demain », pour reprendre la formule de Milo Lévy-Bruhl et de Frédéric Potier. Prendre la mesure de la « secousse » Zemmour – dont Raphaël Llorca propose une lecture originale, sur la se­ cousse « narrative » et « esthétique », mais aussi sur la secousse « stratégique » où, loin de prôner le rassemblement comme cela se fait traditionnellement, il agite le spectre de la guerre civile et de la « campagne à mort ». Mettre en perspective ce qu’il se passe depuis la rentrée de septembre en mettant en lumière sur quels fonda­ mentaux de l’opinion s’appuie Éric Zemmour, entre progression du populisme et, surtout, « extrême-droitisation » d’une partie de la droite traditionnelle pour simplifier la thèse de Mathieu Souquière. Et puis, aussi, décortiquer les innombrables données du panel électoral lancé par la Fondation Jean-Jaurès, le Cevipof, Le Monde et Ipsos. S’appuyant sur un panel de plus de 16 000 électeurs inscrits sur les listes électorales, il offre un échantillon de 1 422 électeurs d’Éric Zemmour qui donne des informations robustes et inédites. Sur les électeurs potentiels d’Éric Zemmour, dont Antoine Bristielle et Tristan Guerra analysent qui ils sont et ce qu’ils pensent. Sur les traits d’image et le positionnement du candidat lui-même qu’analyse Victoria Géraut. Sur le climat de radicalité extrême dans lequel se déroule plus largement cette pré-campagne dont nous montrons, avec Brice Teinturier, qu’il ne correspond que très imparfaitement à l’état d’esprit de l’opinion. Avant-propos – Gilles Finchelstein Directeur général de la Fondation Jean-Jaurès 3 Éric Zemmour, une percée et des limites1 – Gilles Finchelstein Directeur général de la Fondation Jean-Jaurès – Brice Teinturier Directeur général délégué d’Ipsos en France Éric Zemmour, avant même qu’il ait déclaré sa can­ didature à l’élection présidentielle, réalise une percée inédite par sa rapidité et par son ampleur : obtenant selon les hypothèses entre 16 % et 16,5 % des inten­ tions de vote, il se trouve en capacité de se qualifier pour le second tour. Grâce à la taille de l’échantillon et à la diversité des questions, l’analyse des plus de 1 400 électeurs d’Éric Zemmour permet de mieux cerner le phénomène et ses limites. Première caractéristique, l’électorat d’Éric Zemmour est idéologiquement très marqué. Ses électeurs se positionnent eux-mêmes à 65 % comme « radicaux » ou « très radicaux » contre 31 % des Français. Ils n’ont pour préoccupation que l’immigration (75 %) et la délinquance (51 %) – respectivement 46 points et 24 points au-dessus de la moyenne – inversement, ils n’accordent guère d’importance à l’environnement (12 %) ou aux inégalités sociales (7 %). Ils estiment à 96 % que l’islam est une menace pour la Répu­ blique et à 98 % qu’il faut fermer davantage la France sur le plan migratoire. Ils sont « inquiets » (21 %), « révoltés » (10 %) ou « en colère » (9 %) – ces sen­ timents se situent au total 17 points au-dessus de la moyenne des Français. Deuxième caractéristique, une partie de son élec­ torat est solidement arrimée. Grâce au panel Ipsos, on peut déterminer ce que ses électeurs déclaraient vouloir voter en avril dernier : 9 de ses 16 points d’intentions de vote proviennent d’électeurs de Marine Le Pen, 2 de Xavier Bertrand, 1 de Nicolas Dupont-Aignan, 1 d’Emmanuel Macron et 2, enfin, d’électeurs qui n’avaient pas l’intention d’aller voter ou n’exprimaient pas d’intention de vote. Une partie peut demain se retirer, mais le phénomène dépasse la « bulle médiatique ». 57 % de ses électeurs pen­ sent, en effet, qu’il sera qualifié pour le second tour et élu. 83 % d’entre eux estiment qu’il a l’étoffe d’un président de la République. Troisième caractéristique, l’électorat d’Éric Zemmour est sociologiquement assez équilibré – et c’est une force si on le compare aux électorats de Marine Le Pen ou de Xavier Bertrand. Il réalise, en effet, des scores relativement proches quel que soit l’âge des électeurs, de 13 % chez les moins de trente-cinq ans à 17 % chez les plus de soixante ans – cet écart de 4 points entre les plus jeunes et les plus âgés étant de 13 points pour Xavier Bertrand. Il réalise des scores relativement proches également entre les prin­ cipales professions, de 14 % chez les CSP+ à 16 % chez les CSP- – cet écart de 2 points culminant à 18 points pour Marine Le Pen. À l’inverse, et c’est une faiblesse très importante, il est de tous les candidats celui qui connaît relativement la plus forte désaffection du vote des femmes. Peu à peu, 1. Ce texte a été publié dans Le Monde le 22 octobre 2021. Le dossier Zemmour Marine Le Pen a réduit ce que les politologues ap­ pellent le gender gap et, dans cette vague, les hommes et les femmes votent en sa faveur dans les mêmes proportions. Éric Zemmour, à l’inverse, affiche un écart de 6 points entre les hommes et les femmes – l’écart montant même à 13 points entre les femmes de moins de trente-cinq ans (8 %) et les hommes de plus de soixante ans (21 %). Au-delà, la percée d’Éric Zemmour se heurte au pre­ mier tour à la résistance de Marine Le Pen – au même niveau que lui dans les intentions de vote – et, notamment, à deux différences majeures entre ces électorats. La première différence porte sur le social : à 57 % les électeurs de Marine Le Pen approuvent l’idée que « pour établir la justice sociale, il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres » – exactement dans les mêmes proportions, les électeurs d’Éric Zemmour pensent le contraire. On voit ainsi réapparaître la fracture ancienne entre un Front national social et un Front national libéral. La seconde différence tient à l’attachement des élec­ teurs de Marine Le Pen à leur candidate : ils sont 90 % à penser qu’elle a « l’étoffe d’une présidente de la République » contre 26 % seulement pour Éric Zemmour ; ils sont 59 % à penser qu’elle sera quali­ fiée au second tour et élue contre 11 % seulement pour Éric Zemmour. En d’autres termes, la deuxième phase du siphonnage des électeurs de Marine Le Pen par Éric Zemmour sera infiniment plus difficile que la première. Mais ce n’est pas tout. L’enquête révèle d’autres li­ mites plus profondes, a fortiori dans l’hypothèse où Éric Zemmour se qualifierait pour le second tour. D’une part, les Français positionnent Éric Zemmour exactement au même point que l’ancienne présidente du Rassemblement national, c’est-à-dire à l’extrême droite. Sur une échelle de 0 à 10, 0 signifiant très à gauche et 10 très à droite, les Français les position­ nent en moyenne l’un et l’autre à 8,8 – 65 % d’entre eux positionnant Éric Zemmour sur les cases 9 et 10 alors que 11 % seulement des Français se position­ nent dans cet espace-là. D’autre part, et peut-être surtout, ses traits d’image sont mauvais. 70 % des Français répondent qu’il n’a pas l’étoffe d’un président de la République – il est sur cette question 37 points derrière Emmanuel Macron et même 10 points derrière Marine uploads/Politique/ dossier-zemmour.pdf

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