Réflexion faite par Dr. Roger-Claude Liwanga (Chercheur, Université d’Harvard ;
Réflexion faite par Dr. Roger-Claude Liwanga (Chercheur, Université d’Harvard ; Professeur de droit et de négociations internationales, Université Emory, USA) LE RISQUE DE CRISE ELECTORALE EN RDC ? QUELQUES SCENARIOS POUR EVITER LE CHAOS Dr. Roger-Claude Liwanga Chercheur, Université d’Harvard Professeur de droit et de négociations internationales avancées, Université Emory Ancien consultant auprès du Centre Carter sur les questions relatives à la démocratie, aux élections, à la résolution des conflits et aux droits de l'homme en Afrique (Il écrit à titre personnel) Résumé : La présente note propose une réflexion sur les risques de crise électorale en RDC ainsi que sur les pistes de solutions. La note tente de répondre à quatre questions principales à savoir : partant de mars 2022, est-il encore possible d’avoir des élections crédibles, transparentes et apaisées en décembre 2023? Serait-il préférable d’organiser les élections (même « de mauvaise qualité ») plutôt que de ne pas les organiser du tout en 2023 aux fins de bien les préparer après l’écoulement des délais constitutionnels ? Mais, quelle garantie a-t-on que ces élections seront subséquemment mieux organisées après leur report ? Dans l’hypothèse d’un report des scrutins, quelles pourraient être les solutions envisageables ? Selon la Constitution de la RDC, les électeurs devraient être convoqués en octobre 2023 pour participer aux élections présidentielles et législatives avant fin décembre 2023 parce que le mandat du Président Tshisekedi expirera en janvier 2024. Mais voilà, à vingt-et-un mois de ces échéances, certains observateurs de la politique en RDC seraient inquiets du déroulement du processus électoral en cours et s’interrogent spécialement sur la faisabilité des scrutins en 2023. En début février 2022, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a publié une Feuille de Route listant les activités prévues lors du processus électoral 2021-2027. Dans cette Feuille de Route (qui est un « document de travail » plutôt qu’un calendrier électoral), la CENI précise par exemple que l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs est programmée d’octobre 2021 à juin 2023, soit 20 mois. Dans le même document, la CENI répertorie aussi certaines contraintes qui pourraient mettre en péril la bonne organisation des élections dans les délais constitutionnels, et elle épingle notamment : le problème du temps très limité pour la préparation et l’organisation des élections; l’absence de financement pour les opérations électorales ; la carence des lois électorales actualisées ; les défis sécuritaires, sanitaires et logistiques ; ainsi que le désaccord sur la question de la mutualisation de l’enrôlement des électeurs et du recensement de la population. Basée sur l'analyse des données émanant des cycles électoraux en cours et précédents, la note souligne que la CENI avait enregistré environ 25 millions d’électeurs en 2006, 32 millions en 2011 et 40 millions en 2018 ; ce qui signifie qu'il y a une augmentation moyenne de 7.5 millions d'électeurs par cycle électoral. Et si cette tendance se poursuivait, l’on dénombrerait au moins 47.5 millions électeurs pour les élections de 2023. La note accentue aussi qu’il a fallu à la CENI approximativement 14 et 18 mois pour enrôler respectivement 32 millions d’électeurs en 2011 et 40 millions en 2018 ; ce qui implique que la CENI prend en moyenne un mois pour enregistrer environ 2.2 millions d’électeurs. La note insiste également que si la prédiction d’avoir 47.5 millions électeurs inscrits en 2023 se confirmait, alors la CENI aurait besoin d’au moins 21 mois pour enregistrer tous les électeurs éligibles. Or, l’enrôlement d’électeurs, dont le début était prévu en octobre 2021 selon la Feuille de Route, aurait déjà connu un retard de plus de 4 mois puisque la CENI n’avait pas encore commencé les opérations électorales en début février 2022 à cause d’absence de financement. Avec toutes ces difficultés, il serait très difficile pour la CENI de boucler l’identification et l’enrôlement d’électeurs avant octobre 2023. Ainsi, au regard de la probabilité du report des élections, la présente note non seulement propose des scénarios de sortie de crise mais aussi précise les avantages et les désavantages de chaque option. Table de la matière I. Contexte………………………………………………………………………………………………………………………..……… 2 II. Partant de mars 2022, est-il encore possible d’avoir des élections crédibles, transparentes et apaisées en décembre 2023 ? ……………………………………………………………………………………………………………………..…2 III. Qu’arrivait-il si la CENI ne parvenait pas à organiser les élections présidentielles et législatives nationales en 2023 ? ……………… ……………………………………………………………………………………………….………..….…. 5 IV. Le dialogue politique inévitable en cas de report d’élections, mais quelles seraient les solutions envisageables 1 Réflexion faite par Dr. Roger-Claude Liwanga (Chercheur, Université d’Harvard ; Professeur de droit et de négociations internationales, Université Emory, USA) lors de ces négociations ? ………..…………………………………………………………………………………………………… 7 I. Contexte Dans environ 21 mois, les élections présidentielles et législatives devraient théoriquement être organisées en République démocratique du Congo (RDC). Le mandat du Président Felix Tshisekedi, qui a été investi comme chef d’état le 24 janvier 2019, expirera le 24 janvier 2024 en vertu de l’article 70 de la Constitution de la RDC qui limite le mandat présidentiel à cinq ans renouvelables une fois. Evidemment, le choix de la date de l'élection en RDC est également restreint par l'article 73 de la Constitution qui contraint la Commission Electorale Nationale Indépendante [CENI] (dont la mission est d’organiser des élections libres et démocratiques dans le pays1) de convoquer l’électorat pour les élections présidentielles 90 jours avant l’expiration du mandat du président en exercice. Dans le cadre du quinquennat du Président Tshisekedi, les électeurs devraient donc en principe être convoqués le 24 octobre 2023. Bien entendu, c’est dans cette situation que la CENI, dont le bureau a été constitué dans un climat controversé après deux ans de retard, publia en début février 2022 une Feuille de Route listant les activités prévues lors du processus électoral 2021-2027. Dans cette Feuille de Route (qui est un « document de travail » plutôt qu’un calendrier électoral), l’on pourra par exemple observer que l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs est programmée d’octobre 2021 à juin 2023, soit 20 mois. Dans la même Feuille de Route, l’on note aussi que la CENI a proactivement catalogué les différentes contraintes susceptibles de mettre en péril la bonne organisation des élections dans les délais constitutionnels. Parmi celles-ci, il y a notamment : le problème du temps très limité pour la préparation et l’organisation des élections ; l’absence (ou l’insuffisance) de financement pour les opérations électorales ; la carence des lois électorales actualisées ; les défis sécuritaires, sanitaires et logistiques ; ainsi que le désaccord sur la question de la mutualisation de l’enrôlement des électeurs et du recensement (car le gouvernement congolais voudrait que le dénombrement de la population se fasse en même temps que l’enrôlement tandis que la CENI militerait pour une séparation des deux activités afin de ne pas retarder davantage le processus électoral. Les positions du gouvernement et de la CENI divergent aussi sur le coût des élections puisque le gouvernement juge exorbitant le budget de 640 millions de dollars proposé par la CENI.2 Naturellement, se souvenant de l’expérience « chaotique » des élections de décembre 2018 (caractérisées par l’impréparation, des irrégularités et des controverses), certains observateurs et acteurs politiques en RDC seraient inquiets du déroulement du processus électoral en cours et s’interrogent particulièrement sur la possibilité d’organiser des élections crédibles, transparentes et apaisées d’ici fin 2023 au regard des contraintes sus-évoquées par la CENI. Serait-il préférable d’organiser les élections (même « de mauvaise qualité ») plutôt que de ne pas les organiser du tout en 2023 aux fins de mieux les préparer même après l’écoulement des délais constitutionnels ? Quelle garantie a-t-on que les élections seraient subséquemment mieux organisées après leur report ? À supposer que la CENI n'arrivait pas à organiser les élections dans les délais constitutionnels en décembre 2023, quelles pourraient-être les conséquences d’un éventuel report des scrutins ? Quelles seraient ainsi les possibles options ou solutions dans cette hypothèse de report ? II. Partant de mars 2022, est-il encore possible d’avoir des élections crédibles, transparentes et apaisées en décembre 2023 ? Avant de répondre à cette question, il convient de rappeler que les élections ne se résument pas seulement au jour du scrutin car plusieurs activités importantes devraient être implémentées en amont du jour-J. En outre, pour évaluer la faisabilité d’avoir les élections en 2023, il nécessiterait d’examiner surtout certaines activités pré-électorales prévues, le chronogramme d’exécution de ces activités ainsi que le degré de leur exécution à ce jour. 1 Article 211 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 telle que modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006. Voir aussi : la Constitution de la Transition (art. 154) et l'Accord Global et Inclusif (Chapitre IV et V, 4 a, b, c). 2 Voir : “RDC-Élections 2023: Le budget de 640 millions USD proposé par Denis Kadima n’est pas réaliste (gouvernement).” Disponible sur: https://www.msn.com/fr-xl/afrique-centre-et-est/republique-democratique-du-congo-actualite/rdc-%C3%A9lections-2023-le-budget-de-640- millions-usd-propos%C3%A9-par-denis-kadima-n-est-pas-r%C3%A9aliste-gouvernement/ar-AATRKvP?quantity=1&variation=45525781371. 2 Réflexion faite par Dr. Roger-Claude Liwanga (Chercheur, Université d’Harvard ; Professeur de droit et de négociations internationales, Université Emory, USA) Dans le contexte actuel en RDC, l’une des uploads/Politique/ risque-de-crise-electorale-en-rdc-quelques-scenarios-pour-eviter-le-chaos.pdf
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- Publié le Apv 28, 2022
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