Présidentielle : pourquoi la Ve République est-elle critiquée ? Jean-Luc Mélenc
Présidentielle : pourquoi la Ve République est-elle critiquée ? Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon ont fait du renouvellement complet des institutions une promesse de campagne. Explications de leur projet. LE MONDE | 11.04.2017 à 17h20 • Mis à jour le 15.04.2017 à 07h43 | Par Eléa Pommiers Peu de sujets mettent les candidats à l’élection présidentielle d’accord, mais il en est un qui ne fait pas débat : la « crise démocratique ». A la question de savoir si la Ve République peut y résister, deux candidats répondent par la négative : Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon. La VIe République est la principale promesse du candidat de La France insoumise, qui prévoit de se retirer une fois la nouvelle Constitution promulguée. Pour lui, l’enjeu est d’« abolir la monarchie présidentielle » et de « restaurer le pouvoir de l’initiative populaire ». Son adversaire socialiste est moins virulent dans sa critique des institutions mais n’en promet pas moins la tenue d’une « conférence pour la VIe République » dans l’optique de « remettre le citoyen au cœur de la décision publique ». L’idée n’est pas nouvelle, la journaliste Michèle Cotta écrivait en 1974 un ouvrage intitulé VIe République, Simone Veil disait en 1991 « en rêver », Arnaud Montebourg créait en 2001 une « Convention pour la VIè République » et Jean-Luc Mélenchon, qui milite pour sa mise en œuvre depuis 1992, en faisait déjà une proposition phare en 2012. Pourquoi veulent-ils changer de Constitution ? S’ils proposent le passage à une VIe République, c’est avant tout parce qu’ils pensent que la crise démocratique prend racine dans les institutions de la Ve République, qui, selon eux, « négligent la volonté du peuple ». Cette critique s’explique par l’esprit général de la Constitution actuelle. Le président occupe une place centrale dans les institutions La Ve République a été instaurée en 1958, alors que la IVe République était paralysée par la décolonisation. Le général de Gaulle, rappelé au pouvoir en plein conflit algérien, impose la rédaction d’une nouvelle Constitution, adoptée par référendum, avec plus de 80 % de oui, le 28 septembre 1958. Elle a effectivement pour particularité de donner un pouvoir important à l’exécutif (président de la République et gouvernement) par rapport au pouvoir législatif (Sénat et Assemblée nationale). Le président de la République occupe une place considérable, encore renforcée en 1962 par son élection au suffrage universel direct (sous la IVe, il était élu par les parlementaires). Il a par exemple le droit de dissoudre l’Assemblée, alors que celle-ci ne peut pas le renverser. Cette situation est source de critiques depuis la naissance de la Ve République. En 1964, François Mitterrand publiait Le Coup d’Etat permanent, dans lequel il dénonçait déjà un régime dans lequel « seul le président gouverne et décide ». C’est cette même idée que Jean-Luc Mélenchon reprend lorsqu’il fustige la « monarchie présidentielle ». Pour la comprendre, il faut remonter aux origines du régime républicain en France. La Ire République a vu le jour en 1792 en opposition à un régime monarchique incarné par la figure omnipotente du roi, qui concentrait les pouvoirs et privait les citoyens de toute capacité de décision. Ce régime monarchique, qu’il soit absolu ou parlementaire comme au Royaume-Uni, a été définitivement rejeté sous la IIIe République (1870-1940). Sous la IIIe et la IVe République, le pouvoir revenait à l’Assemblée élue par le peuple, tandis que le « gouvernement » (le conseil à l’époque) était une émanation de cette Assemblée. Le président de la République (reliquat de la figure royale) n’avait presque aucun pouvoir. Lire le tchat avec Bertrand Mathieu, professeur à l'université Paris-I, et président de l'Association française de droit constitutionnel, en 2007 : « Avant de changer de Constitution, il faut savoir pourquoi » Pourquoi la Ve République fonctionne-t-elle comme cela ? Si la Ve République a rompu avec ce modèle, c’est avant tout pour mettre fin à l’instabilité de la IVe République (1946-1958). L’élection de l’Assemblée à la proportionnelle obligeait les députés à former des alliances pour dégager des majorités, puis à les rompre au gré des événements politiques. Les gouvernements, qui n’avaient aucun moyen de passer outre l’Assemblée, étaient fréquemment renversés ou contraints de démissionner. La IVe République a ainsi vu se succéder 24 gouvernements en douze ans, dont certains ne sont restés en place que quelques semaines. Une instabilité exacerbée par le contexte de décolonisation, qui l’a rendue problématique : l’immobilisme suscité par les changements incessants de majorité ne permettait pas de trouver d’issue au conflit algérien qui a débuté en 1954. Lorsqu’il exige la rédaction d’une nouvelle Constitution en 1958, le général de Gaulle veut assurer une stabilité et permettre une certaine « efficacité » des institutions. C’est pourquoi certaines dispositions de la Constitution contournent le pouvoir législatif ou le limitent. La plus connue est l’article 49, alinéa 3 (49.3), qui permet au gouvernement de faire adopter une loi sans vote de l’Assemblée nationale, à moins que celle-ci ne vote une « motion de censure » qui renverse le gouvernement. Il a été massivement utilisé dans les années 1980 puis, dernièrement, par le premier ministre Manuel Valls pour les lois Macron et El Khomri. Lire aussi : Qu’est-ce que l’article 49.3 ? Que proposent les partisans d’une VIe République ? Pour Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, la VIe République doit donner du pouvoir aux citoyens dans l’élaboration des lois, condition nécessaire, selon eux, au retour de la confiance entre le peuple et ses représentants. Rendre du pouvoir aux citoyens dans l’élaboration des lois Le candidat de La France insoumise promet de convoquer une Assemblée constituante (Assemblée destinée exclusivement à la rédaction d’une Constitution) dès son élection pour rédiger une nouvelle Constitution. Sa VIe République assurerait une meilleure représentativité de l’Assemblée nationale, qui serait élue à la proportionnelle (comme sous la IVe République), supprimerait le Sénat, reconnaîtrait le vote blanc, rendrait le vote obligatoire, instaurerait un droit de révocation des élus en cours de mandat par référendum, un référendum d’initiative citoyenne ou encore le droit pour les citoyens de proposer des lois. Par ailleurs, il souhaite inscrire la protection de l’environnement dans la Constitution, ainsi que le droit au logement et au travail. Lire aussi : La proportionnelle à l'Assemblée, qu'est-ce que ça changerait ? Benoît Hamon promet de convoquer non pas une Assemblée constituante mais une « conférence pour la VIe République ». Parmi les mesures souhaitées, l’élection de l’Assemblée nationale à la proportionnelle, le retour à un septennat présidentiel non renouvelable, la création d’un « collège citoyen » au Sénat, la limitation de l’utilisation du 49.3 et du cumul des mandats dans le temps. Il compte également mettre en place un « 49.3 citoyen », qui permettrait à une partie du corps électoral de demander, sous certaines conditions, à soumettre au référendum une loi qui a déjà été votée par le Parlement, ou de faire inscrire à l’ordre du jour une proposition de loi citoyenne. Comme Jean-Luc Mélenchon, il compte inscrire la préservation de l’environnement dans le texte. Pourquoi changer de Constitution plutôt que de la modifier ? En réalité, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon veulent rompre avec la pratique du pouvoir sous la Ve République plus qu’avec la Constitution. Si l’on regarde ce que prévoit strictement le texte fondateur de la Ve République, les institutions sont déjà proches de ce que les candidats promettent. Par exemple, Jean-Luc Mélenchon propose d’instaurer « un régime parlementaire stable dans lequel le gouvernement détient le pouvoir exécutif et est responsable devant le Parlement ». C’est en réalité déjà le cas sous la Ve République. Dans la Constitution, il est bien écrit que c’est au gouvernement de déterminer et conduire la politique de la nation, et que l’Assemblée a la possibilité de le renverser. D’ailleurs, lors des cohabitations (périodes où la majorité à l’Assemblée n’est pas du même bord politique que le président), le gouvernement correspond bien la majorité à l’Assemblée nationale et mène sa politique tandis que le président se cantonne à ses prérogatives internationales. En revanche, dans la pratique, le président est omniprésent. Le gouvernement n’a été renversé qu’une seule fois (en 1962) et en représailles, le président avait dissous l’Assemblée nationale. Plus aucune majorité ne s’y est risquée depuis. Rien n’oblige à un changement de la Constitution Par ailleurs, rien n’oblige à changer de République pour mettre en œuvre leurs propositions. D’autres candidats annoncent des mesures similaires (reconnaissance du vote blanc, modification du mandat présidentiel, démocratie directe, réduction du nombre de parlementaires, etc.) sans vouloir changer de République. Quant au scrutin proportionnel, proposé par cinq autres candidats, il ne nécessite pas de modification de la Constitution pour être mis en place. Lire aussi : Ve ou VIe République ? Le texte actuel prévoit la possibilité d’être révisé ; il l’a d’ailleurs été à vingt-quatre reprises depuis 1958, parfois de manière considérable. La dernière révision en date est celle de Nicolas Sarkozy, en 2008, qui avait modifié plus de la moitié des articles de la Constitution dans le but de renforcer le pouvoir législatif avec, notamment, la limitation uploads/Politique/ droit-article-3-pre-sidentielle.pdf
Documents similaires










-
46
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 17, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1201MB