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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 En Bolivie, le gouvernement intérimaire est pris dans la tourmente du Covid-19 PAR ALICE CAMPAIGNOLLE ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 4 AOÛT 2020 Alors que la Bolivie est dirigée depuis huit mois par un gouvernement intérimaire, non élu, le pays vit une crise sanitaire sans précédent et les autorités semblent dépassées. La colère sociale augmente, l’économie est aux abois, et l’exécutif prend le parti de la fermeté. La Paz (Bolivie).– On se demande bien quand les Boliviens pourront voter. Le 23 juillet, le président du Tribunal suprême électoral (TSE) bolivien, Salvador Romero, l’a assuré, ce sera le 18 octobre. «Cette nouvelle date – définitive – d’élection offre de meilleures conditions pour la protection de la santé publique », a-t-il déclaré, alors que le pays est confronté à la pandémie de coronavirus. Le scrutin avait été d’abord annoncé en mars, puis en juin, puis en septembre… Si les Boliviens votent effectivement en octobre, ils auront passé plus d’un an gouvernés par des autorités non élues, issues d’un parti qui avait obtenu 4,24 % des voix aux dernières présidentielles et à l’origine d’un coup d’État, selon les accusations de l’ancien président Evo Morales, qui surveille la situation depuis son exil argentin. Le report a été annoncé après des semaines de débats et de tensions. Pour le président du TSE, « si cette nouvelle date n’est idéale pour aucune candidature, elle devrait être cependant acceptable pour tous ». Ce n’est pas l’avis d’Evo Morales. « Un report de la date des élections ne fera que prolonger la souffrance du peuple bolivien en maintenant au pouvoir un gouvernement incapable », a-t-il tweeté. Le Mouvement vers le socialisme (MAS), qu’il dirige toujours, considère que cela fait déjà trop longtemps que le pays est gouverné par un pouvoir « non légitime ». Des partisans d'Evo Morales manifestant à El Alto, près de La Paz, le 28 juillet. © Aizar Raldes/AFP Ce sont ces mots que l’on entendait lors de manifestations organisées mardi 28 juillet. À l’appel du MAS et de la Centrale ouvrière bolivienne, des milliers de personnes se sont réunies dans tout le pays afin de protester contre le report des élections, ce qui a valu une plainte pénale du gouvernement de la présidente Jeanine Áñez contre les responsables de ces rassemblements – notamment contre Evo Morales – pour « atteinte à la santé publique ». « Ces gens du gouvernement m’attaquent alors qu’ils ne représentent rien, moi j’ai été élue par le peuple, j’ai une légitimité qu’ils n’ont pas », a réagi pour sa part Betty Yañiquez, cheffe du groupe parlementaire du MAS, également poursuivie. Face à la situation sanitaire catastrophique, les autorités électorales affirment qu’elles n’avaient pas le choix. Pour elles, la tenue d’élections en plein pic de l’épidémie (prévu en août et jusqu’en septembre selon les experts) serait criminelle. Le nombre de malades a plus que doublé en un mois : alors que le 3 juillet dernier le pays comptait 37 000 cas, aujourd’hui on en dénombre plus de 80 000. À La Paz, les files devant les hôpitaux sont de plus en plus longues, il faut attendre plusieurs heures, parfois la journée entière, pour obtenir un rendez- vous. L’attente est parfois tellement longue que des personnes meurent devant les établissements de santé, des images qui rappellent tristement celles de la ville de Guayaquil en Équateur. Les hôpitaux sont débordés, les cimetières trop remplis, et les pharmacies sont vides. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 Le gouvernement actuel a hérité d’un système de santé déjà bien mal en point, c’était d’ailleurs le reproche majeur que l’on faisait à la politique d’Evo Morales. Jusque-là, les autorités n’ont pas fait beaucoup mieux. Parmi tous les scandales de corruption mettant en cause le gouvernement intérimaire, le plus retentissant a été l’affaire dite « des respirateurs » en mai dernier, qui a abouti à l’emprisonnement du ministre de la santé. Le ministère avait validé l’achat de respirateurs à une entreprise espagnole à 28 000 dollars pièce, quasiment deux fois le prix initial. Finalement, ils ne correspondaient pas aux appareils recherchés et destinés à des unités de thérapies intensives. La présidente se voit également reprocher d’avoir renvoyé, lorsqu’elle a accédé au pouvoir, des brigades de médecins cubains présents sur le territoire, puis d’avoir refusé leur aide en mars dernier. Le vice- ministre de la santé de l’époque, Erwin Viruez, avait assuré de son côté : « Les médecins boliviens ont tout à fait la capacité de répondre à cette urgence ou à n’importe quelle autre. » Les personnels de santé sont très nombreux à avoir été contaminés, tout comme ceux qui travaillent dans les laboratoires qui analysent les tests Covid-19. Les membres du gouvernement ne sont pas non plus épargnés. Outre la présidente Jeanine Áñez elle-même qui a été déclarée positive, ils sont sept à avoir été touchés. Mais l’opposition, Eva Copa en tête, la présidente du Sénat, appartenant au MAS, a mis en doute la réalité de ces contagions, s’interrogeant sur la véracité de la contamination des ministres et de la présidente. En réponse, Arturo Murillo, le provocant ministre de l’intérieur, a ciblé le candidat du parti d’Evo Morales à la présidentielle en expliquant que « tout indique que M. Arce Catacora a le Covid et que cette information est gardée secrète ». Or, si toute la lumière n’a pas été faite sur le scrutin d’octobre dernier, où Evo Morales avait été accusé d’être à l’origine d’une fraude électorale, une chose est certaine : le MAS est toujours le premier parti de Bolivie. D’où les tentatives pour lui faire obstruction : douze plaintes, dont une déposée par l’alliance menée par l’actuelle présidente, ont été déposées devant le TSE demandant la suspension de la personnalité juridique du Mouvement vers le socialisme, ce qui empêcherait la candidature de Luis Arce Catacora. Ces derniers jours, cette campagne qui n’en finit pas a été dominée par une polémique concernant un prêt du Fonds monétaire international (FMI) : tandis que l’exécutif demande un crédit de 327 millions de dollars, l’Assemblée, toujours dominée par le MAS, refuse de donner son aval, nourrissant une tension croissante. L’annonce, dimanche 2 août, de la fin de l’année scolaire, à cinq mois du véritable terme, affole les parents d’élèves, les professionnels de l’éducation et les organismes internationaux comme l’Unicef. Mais dans les écoles publiques, les méthodes virtuelles n’ont jamais été réellement mises en place, manque de moyens, d’organisation, et beaucoup de familles n’ont pas d’ordinateur à la maison. Les classes sont suspendues depuis le 11 mars dernier et ne reprendront pas avant janvier prochain. Pour María Galindo, figure féministe bien connue dans le pays, « la pauvreté, la corruption dans la gestion de cette crise, le fait que Jeanine Áñez endette le pays, tout cela est un tas d’explosifs et le Covid est le détonateur ». Et il se pourrait que la détonation ait lieu très bientôt, car des blocages ont débuté sur toutes les routes du pays lundi 3 août pour protester contre le report de la date des élections. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. Actionnaires directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie- Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des Amis de Mediapart, Société des salariés de Mediapart. 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- Publié le Dec 16, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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