PHILOSOPHIE RURALE, 17 ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET POLITIQUE DE L'AGRICULTURE. PHILOSO

PHILOSOPHIE RURALE, 17 ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET POLITIQUE DE L'AGRICULTURE. PHILOSOPHIE RURALE U É C O N O GÉNÉRALE ET POLITIQUE DE L'AGRICULTURE, RÉDUITE à l'ordre immuable des Loix phyjiques & morales , qui ajjiirent la profpérité des Empires. (2 A AMSTERDAM, Chez LES LIBRAIRES ASSOCIÉS. M. DCC. LXIII. ) PRÉFACE. Hoc opus y hoc Jludium parvi properemus & ampli Si patria volumus , fi nobis vivere cari. Horace, Epît. 3, Liv. 1. - UN homme a imaginé & expliqué le Tableau qui peint aux yeux la fource , la marche & les effets de la cir- culation , & en a fait le précis & la baie de la Science éco- nomique, & la bouffole du Gouvernement des Etats. Un autre a développé le fruit de l'arbre de vie , & l'a préfenté aux humains. Ce dernier les a invités en ces termes à le fé- conder dans fon travail : qu ils faffent une épreuve , qu'ils tentent de faire une explication à leur manière, C'eft en effet ce qu'un troifiéme ofe tenter 3 il s'eft échafaudé du travail de fes Devanciers , il s'eft approprié leurs Ouvrages , il y a joint fes propres études , & du tout enfemble il a fait une nouvelle explication , non par un effort de l'amour propre qui tireroit ici {es armes de bien loin , mais par refpe6t pour cet immortel & recommandable Ouvrage , & par devoir pour fes Contem- porains. Il n'y a certainement rien à ajouter à la première explica- tion du côté de l'étendue des réfultats , & du lumineux des vues qui embraffent tout le Régime économique & toute la Science politique. Mais on peut, je crois, développer les uns & corroborer les autres , fi propres à embraffer en un même faifceau toutes les notices qui no-us font furvenues depuis. La vérité une fois faifie a cela d'avantageux , que chaque nouveau a ij PRÉFACE. développement lui prête plus de clarté & plus de luftre. Cha- que rejet eft une nouvelle branche qui décore la tige & qui facilite la récolte de fes fruits. Dirai-je plus , un trait de lumière préfenté d'abord conru- fément à mon ame , nourri enfuite & développé par l'étude & l'application à ne point perdre de vue ce fanal univerfel , m'a fait concevoir la pofîibilité de réfoudre, par le moyen de cette règle confiante , toutes les incertitudes des opinions dont l'efprit humain eft combattu , d'arriver au port de la Vérité morale par le développement des Vérités Phyfiques , de dé- couvrir enfin l'excellence entière & démontrée des loix de l'Eternel, par l'infpeélion feule du cannevas de fes œuvres matérielles. Et pourquoi un tel efpoir feroit-il téméraire ; puif- que le terme en eft d'être plus fournis & plus reconnoilTant ? Cette idée feule m'a donné des ailes , la fidélité à cette impulfion première m'a valu , je Fofe dire , la vue du Sphinx. J'ai vérifié que notre bon Maître , notre InfKtuteur ne nous ordonnoit que la fidélité , le confentement & l'acceffion aux loix phyfiques de la nature , aux loix de la jouhTance , de la renaiffance & de la profpérité. Ainfî le grain de bled , miroir auffi parlant de la fageffe , de la grandeur & de la bonté di- vine , que les aftres & les mondes à l'infini , peut ouvrir à qui le confidére humblement , avec fagacité & confiance , la carrière des merveilles de la nature & de fon auteur, tandis que l'efprit humain , livré à fes propres forces & perdant de vue fon feul & digne guide, la nature, n'enfante que des idées abftraites & générales , & fe perd dans la foule des phantômes de fon imagination. Tel fut le principe des erreurs de l'efprit humain , fource • •( PREFACE. Uj féconde de tous les malheurs de l'humanité. Au milieu d'une nuée de preftiges fans ceffe renaiflans-, l'homme toujours avide de bonheur , s'en écarte d'autant plus qu'il prend un efîor plus imaginaire ; il croit chercher la vérité , il n'enfante , il ne fuit que des menfonges ; incertain 6k vacillant dans fa route , il s'épuife , il fe lafTe , 6k quand le découragement l'arrête , fon orgueil le flatte encore d'avoir préfidé au choix de fon enfer. Il s'enveloppe 6k fe noyé dans la mer ténébreufe ck inconf- tante du Pirrhonifme , il renonce à l'ufage de fes fens , il veut s'épargner les recherches de détail , 6k fon imagination l'en- traîne dans le vuide immenfe des vifions métaphyfiques. Au milieu de cet océan de preftiges qui ont plus défiguré le culte fpirituel , que tous les menfonges duPaganifme ne dé- figurèrent autrefois le culte pofîtif , il a paru de grands 6k lumi- neux météores extraits de la lumière naturelle 6k inextinguible que l'Etre Suprême verfa ck entretient dans nos cœurs. Les hommes ont toujours fenti par leurs vertus ck par leurs cri- mes , par leurs affections & par leurs remors , que le bien ck le mal moral exiftoient 6k étoient étroitement liés avec le bien ck le mal phyfique. De grands ck forts génies ont ana- lyfé ce fentiment , en ont développé les principes ck les régies ; mais en inftruifant les hommes , ils n'ont guidé qu'un petit nombre de Sénateurs. Pourquoi cela? C'eft qu'ils ont peu étudié eux-mêmes d'après nature , ils ont raifonné à parte mentis & non à parte rei ; ils n'ont cave , conçu , inftruit que félon la marche de leur efprit , 6k non félon les objets réels j ils n'ont parlé qu'à l'âme 6k à fes defirs , ck non à l'homme & à fes befoins réels. Non-feulement ils ne pouvoient attacher à demeure les hommes à la ficlion du défintéreffement 6k de l'apathie , mais encore ils ne pouvoient être alfurés de tenir la a ij iv PREFACE. bafe inébranlable de leurs fpéculations $ ear le bon fens & l'expérience leur prouvent fans ceffe , que le fanatifme du dé- tachement & de l'infenfibilité mal conçus eft très-répréhen- fible. Vous penfez & vous fentez ainfî que vous dites , peut-on répliquer à un Philofophe moral , à Socrate lui-même j mais je fens & je penfe autrement : la force , la prudence , la généro- fité , la gratitude , vous femblent des vertus j & moi , je ne vois dans la force qu'une exubérance des efprits vitaux , qui doit échouer d'autant plus fûrement contre ce qu'elle ne connoît pas , qu'elle fe croit plus fupérieure à toute oppofïtion habi- tuelle ; dans la prudence , qu'un contrepoids tiffu d'afpe£ts d'inconvéniens , & un empêchement à la décifion , qui eft ce qui agit ici bas ; dans la générofité, qu'enflure & bravade -, dans la gratitude faftueufe, que duperie qui oublie fon intérêt préfent pour fe fouvenir de fon intérêt paffé. Ainfi tout homme peu délicat au mentir à foi & aux autres , peut embrouiller & obfcurcir les matières les plus décidées au fentiment d'un cœur pur , au réfultat d'un entendement fain. Quel parti pren- dre donc avec l'humanité pour l'enrôler & la retenir fous les étendarts de la raifon : c'eft de l'arrêter par des liens puirTans à la découverte de la vérité phyfique. Ou je me trompe fort ? ou c'eft-là le moyen de l'empêcher de s'échaper. L'ordre a été long-tems confideré par tous les vrais Philo- fophes comme le point central & de ralliement de la vraye fa- gelTe. Je n'ai pu lire fans émotion & admiration , ce qu'un de nos plus beaux génies , le P. Malebranche , a penfé & écrit fin- cette matière -, & quelque défavantageufe que puirTe être la comparaifon de la beauté de fon ftyle avec la négligence du PRÉFACE. v mien , le motif qui me fait agir eft trop au-defïus de ces peti- tes affections , pour que je me refufe à l'opportunité de mettre fous les yeux de mes Lecteurs , Pexpofition des connoiffances fublimes de ce grand homme. Ecoutons-le parler lui-même. Traité de Morale , première Partie , Chapitre IL « L'amour de l'ordre n'eft pas feulement la principale des » Vertus Morales , c'eft l'unique Vertu : c'eft la Vertu mère , » fondamentale , univerfelie. Vertu qui feule rend vertueufes » les habitudes, ou les difpofitions des efprits. Celui qui donne » fon bien aux pauvres , ou par vanité , ou par une compaf- » (ion naturelle , n'eft point libéral , parce que ce n'eft point » la raifon qui le conduit , ni l'ordre qui le régie j ce n'eft » qu'orgueil , ou que difpofition de machine. Les Officiers » qui s'expofent volontairement aux dangers , ne font point » généreux , fi c'eft l'ambition qui les anime ; ni les foldats , >» fi c'eft l'abondance des efprits & la fermentation du fang. » Cette prétendue noble ardeur n'eft que vanité ou uploads/Politique/ francois-quesnay-philosophie-rurale-ou-economie-generale-et-politique-de-l-x27-agriculture-1763.pdf

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