Novembre 2015 Idriss J. ABERKANE NOOPOLITICS: THE POWER OF KNOWLEDGE LA NOOPOLI

Novembre 2015 Idriss J. ABERKANE NOOPOLITICS: THE POWER OF KNOWLEDGE LA NOOPOLITIQUE : LE POUVOIR DE LA CONNAISSANCE 지식 지정학: 지식의 힘 www.fondapol.org LA NOOPOLITIQUE : LE POUVOIR DE LA CONNAISSANCE Idriss J. ABERKANE 4 La Fondation pour l’innovation politique est un think tank libéral, progressiste et européen. Président : Nicolas Bazire Vice Président : Grégoire Chertok Directeur général : Dominique Reynié Présidente du Conseil scientifique et d’évaluation : Laurence Parisot La Fondation pour l’innovation politique publie la présente note dans le cadre de ses travaux sur les valeurs. 5 FONDATION POUR L’INNOVATION POLITIQUE Un think tank libéral, progressiste et européen La Fondation pour l’innovation politique offre un espace indépendant d’expertise, de réflexion et d’échange tourné vers la production et la diffusion d’idées et de propositions. Elle contribue au pluralisme de la pensée et au renouvellement du débat public dans une perspective libérale, progressiste et européenne. Dans ses travaux, la Fondation privilégie quatre enjeux : la croissance économique, l’écologie, les valeurs et le numérique. Le site www.fondapol.org met à disposition du public la totalité de ses travaux. Sa nouvelle plateforme « Data.fondapol » rend accessibles et utilisables par tous les données collectées lors de ses différentes enquêtes et en plusieurs langues, lorsqu’il s’agit d’enquêtes internationales. Par ailleurs, notre média « Trop Libre » offre un regard quotidien critique sur l’actualité et la vie des idées. « Trop Libre » propose également une importante veille dédiée aux effets de la révolution numérique sur les pratiques politiques, économiques et sociales dans sa rubrique « Renaissance numérique ». La Fondation pour l’innovation politique est reconnue d’utilité publique. Elle est indépendante et n’est subventionnée par aucun parti politique. Ses ressources sont publiques et privées. Le soutien des entreprises et des particuliers est essentiel au développement de ses activités. 6 7 RÉSUMÉ La géopolitique est l’interaction du pouvoir et de la terre. La noopolitique est l’interaction du pouvoir et du savoir. Cette interaction est réflexive et disruptive : elle change profondément la géopolitique et l’art de gouverner, car elle s’intéresse à l’art de faire régner le savoir sur le pouvoir, et surtout pas à celui de faire régner le pouvoir sur le savoir, qui est la situation actuelle, et pour laquelle les esprits les plus brillants ont concédé leurs sciences aux États et aux guerres alors qu’ils auraient dû les concéder à l’humanité et à la paix. La noopolitique reconnaît l’existence d’une noosphère, océan de savoirs autour duquel tous les États possèdent un littoral, grâce auquel ils peuvent compenser une défaite dans leur kinésphère, c’est-à-dire la sphère de leur liberté de mouvement. Ainsi les États contraints sont forcés d’innover, car les États sont cognitifs mais leur immaturité cognitive fait qu’ils attendent d’être contraints pour innover – comme la Chine aujourd’hui. Par ailleurs, les États, de même que les individus, ne connaissent pas leurs intérêts et agissent selon une rationalité très limitée. Si la géopolitique classique déclare que les États sont motivés par l’acquisition de pouvoir sur les autres, la noopolitique déclare que toute source de pouvoir est le pouvoir sur soi-même, ce qui fonde un stoïcisme d’État. Enfin, toute guerre ne peut exister que par la coexistence de connaissance et d’ignorance : il faut la connaissance de nuire à son ennemi et l’ignorance de nuire au conflit lui-même. Dans la connaissance absolue, les guerres n’existeraient plus. 8 9 INTRODUCTION La géopolitique est l’interaction du pouvoir et de la terre. La spatiopolitique est l’interaction du pouvoir, de l’espace et du temps : dans l’espace, les distances sont des fonctions du temps. La noopolitique est l’interaction du pouvoir et du savoir, du pouvoir et de la sagesse. Elle est la politique et la géopolitique de la connaissance. Ses implications sont profondes. Elles expliquent le comportement des princes du passé, leurs erreurs et leurs biais, et permettent aux dirigeants du futur de dépasser ces erreurs. De plus, dans notre monde globalisé, n’importe qui est souverain dans une certaine mesure, ce qui commence déjà par la souveraineté sur soi-même. La noopolitik déclare que cette souveraineté est, à toutes les échelles des organisations humaines, la source de tout bien et la source de tout pouvoir. En cela, elle transcende la Realpolitik, et nous décrirons de quelle manière. On définira le pouvoir comme l’empire sur les autres. Le savoir comme la connaissance de l’extérieur, la sagesse comme la connaissance et l’empire de soi. Originellement, le terme « noopolitik » appartient à un vocabulaire plus restreint, qui décrit une politique nationale par laquelle le pouvoir doit contrôler le savoir. Le parti de ce traité est à la fois d’étendre, de renverser puis de transcender ce principe : si la noopolitique est l’interaction du pouvoir et du savoir,: nous voulons codifier l’art de faire régner le savoir sur le pouvoir et non l’inverse. LA NOOPOLITIQUE : LE POUVOIR DE LA CONNAISSANCE Dr. Idriss J. ABERKANE Chercheur affilié au Kozmetsky Global Collaboratory de l’université de Stanford, professeur chargé de cours en économie de la connaissance à l’École centrale Paris et ingénieur d’étude en neuroergonomie et biomimétique à l’École polytechnique-Université Paris-Saclay, ancien interne du département de psychologie expérimentale de l’université de Cambridge, ambassadeur du Campus numérique des systèmes complexes Unesco-Unitwin, professeur d’économie de la connaissance à la Mazars University dans le programme « Next MBA ». idriss.aberkane@polytechnique.edu fondapol | l’innovation politique 10 Initialement popularisée par John Arquilla et David Ronfeldt à la RAND Corporation, l’un des organes de recherche et développement du complexe militaro-industriel américain, avec la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), la noopolitik se définissait comme la politique nationale du savoir, l’art du contrôle du savoir et des données à des fins de prévention et, donc – inévitablement –, de domination, illustré pas trop clairement aujourd’hui par la National Security Agency. Déjà, cependant, cette noopolitik se définissait aussi comme l’art d’être « dans le camp d’Athéna » c’est-à-dire dans le camp du savoir et de la sagesse. Il y a donc une continuité entre la première noopolitique, qui est en fait étroitement contemporaine de l’émergence du premier World Wide Web, et celle que nous codifions dans ce traité. Cette continuité qui est une mise en perspective est comparable à celle qui existe entre la tactique et la « grande tactique » chez Antoine de Jomini. Car si Ronfeldt et Arquilla explorent l’interaction entre le pouvoir et le renseignement de toute sorte, ils n’explorent pas du tout l’interaction entre le pouvoir et la sagesse, malgré donc leurs vœux de placer leur travail « dans le camp d’Athéna ». Or nous savons aujourd’hui que si la NSA, qui, en violation des droits humains 1, s’est fixé l’objectif d’intercepter absolument toute forme de communication dans le monde, ne manque nullement de renseignements, elle manque cruellement de sagesse. La grande noopolitique explore cette interaction et nous l’appellerons ici simplement noopolitique. Dès lors, nous définirons la noopolitik comme la politique de la connaissance, et la noopolitique comme la géopolitique de la connaissance. La noopolitique étudie l’interaction entre la noosphère, la sphère de tous savoirs, la géosphère, dans laquelle par commodité nous inclurons la démosphère, la sphère des peuples, et, enfin, la plus importante de toutes en géopolitique classique et réaliste, la kinésphère, la sphère de toutes les actions possibles. La kinésphère d’un être humain est l’ensemble de ses mouvements possibles, et nous étendons simplement cette notion aux États, de même que nous en étendrons d’autres (en particulier les notions de sagesse et de stoïcisme) parce que la noopolitique est un humanisme. Nous pouvons aussi exprimer la kinésphère avec Xénophon : « La stratégie c’est l’art de conserver sa liberté d’action », et l’on peut déjà observer de la lecture de l’Histoire que les États cherchent constamment à augmenter leur capacité d’action, et que la science et la technologie donnent des leviers 1. Article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa ré­ putation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. » Les preuves apportées par Edward Snowden démontrent clairement la violation routinière de cet article par l’Agence. Vers la noopolitique 11 disruptifs formidables – ce que les anglophones appellent game changers – à ces capacités sans pour autant altérer leur sagesse. En augmentant leur liberté d’action aussi, les États, parce qu’ils sont au coude à coude, désirent réduire celle des autres. Il est une équation simple dans le rapport des États à la technologie : un État immature et une technologie immature sont moins dangereux qu’un État immature et une technologie avancée. Les périls immenses qu’encourt aujourd’hui l’humanité viennent de ce que ses États sont immatures mais que leur technologie est relativement avancée. En tant que paradigme, la noopolitique est à la fois riche et simple, moderne et classique. Elle est moderne parce que le xxie siècle, siècle de la connaissance et de notre nouvelle Renaissance, sera noopolitique ou ne sera pas, mais classique car son expression rappelle, étend, uploads/Politique/ idriss-j-aberkane-la-noopolitique-le-pouvoir-de-la-connaissance.pdf

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