La monnaie est-elle neutre? Introduction C'est parfois à partir d'erreurs que l

La monnaie est-elle neutre? Introduction C'est parfois à partir d'erreurs que l'on fait des découvertes importantes. Ainsi c'est la théorie du bullionisme, selon laquelle la richesse vient de l'or accumulé, que les premières théories de la monnaie ont fait leur apparition. On pensait en effet qu'il fallait limiter ses achats à l'étranger pour obtenir le plus d'or possible, mais l'afflux de métal précieux ne fit que provoquer une augmentation généralisée des prix en Europe! Bodin, en se penchant sur ce phénomène, découvrit que la monnaie était responsable de l'inflation, et que la quantité de monnaie en circulation définissait le niveau général des prix. A partir de là, les mercantilistes découvrent que l'on peut stimuler l'économie en agissant sur les taux d'intérêts, mettant ainsi en place les prémisses de la théorie monétaire. La monnaie ne serait donc pas neutre, contrairement à ce que pensent les classiques, pour qui la monnaie n'est qu'un instrument. Aujourd'hui s'opposent encore deux écoles héritières des précédentes, les keynésiens et les monétaristes. Si l'étude de la monnaie a bien évolué, et la théorie de la monnaie progressé, ces deux écoles restent opposées. Si les keynésiens sont partisans de l'interventionnisme, les monétaristes semblent partisans du laisser-faire. Pourtant, même ces derniers restent en faveur d'une politique monétaire, ce qui peut sembler contredire l'hypothèse de la neutralité de la monnaie. En réalité, les deux écoles s'accordent pour dire qu'à court terme, la monnaie a bien un effet sur l'économie réelle. C'est à long terme que leurs vues divergent. I) A court terme, keynésiens et monétaristes semblent avoir la même approche: 1) Pour les keynésiens, la monnaie n'est pas neutre et influe sur l'économie réelle: Pour les keynésiens, les quantités de monnaie modifient le niveau de la production. En effet si la quantité de monnaie en circulation augmente, la demande s'accroît, incitant les entreprises à produire plus et à embaucher. Quand la masse monétaire s'accroît, la production augmente donc, puis l'emploi, et à nouveau la production car les individus nouvellement employés consomment davantage. Même si l'inflation augmente, une hausse de la masse monétaire a donc des effets positifs et bien réels sur l'économie. Mais les effets de la monnaie est également source d'incertitude et peut alors avoir des effets négatifs sur l'économie. Ainsi l'épargne, qui représente un pouvoir d'achat futur, pose problème: en effet les entreprises doivent décider de leur niveau de production en fonction de leurs prévisions quant aux demandes futures des acheteurs : que voudront-ils et quand le voudront-ils? Or le taux d'épargne est fonction des taux d'intérêts, qui sont fixés par les autorités monétaires. Ainsi les décisions de ces autorités influent-elles indirectement sur les entreprises. Mais l'épargne n'est pas la seule source d'incertitude: les taux d'intérêts vont également décider ou non une entreprise à emprunter pour investir et par exemple augmenter sa production ou baisser ses coûts…Il faut ajouter à cela que ce sont alors les banques qui vont décider ou non de prêter de l'argent à une entreprise, et que cette décision est très subjective. Il en résulte donc une très grande instabilité et même un risque de crise en cas de surendettement, ce qui peut entraîner des réductions brusques de la demande et donc des hausses du taux de chômage. La monnaie a donc selon les keynésiens des conséquences sur l'économie réelle. 2) Les monétaristes partagent à court terme l'analyse des keynésiens: Pour eux, les imperfections dans le fonctionnement des marchés et la lenteur des agents à percevoir les correctement l'inflation provoquent à court terme des effets sur l'économie réelle. Comme les keynésiens, ils admettent aujourd'hui que le retour de la Grande- Bretagne a l'étalon or en 1925, qui a obligé la Bank of England à mener une politique monétaire très étroite pour maintenir le taux de la livre par rapport à l'or stable, a eu pour conséquence un chômage élevé car les prix ne se sont pas suffisamment ajustés. De même, la faiblesse de l'Euro aujourd'hui a des conséquences indéniables sur la balance commerciale européenne, qui voit son excédent commercial augmenter: ainsi les entreprises exportatrices européennes sont-elles favorisées, alors que par exemple la facture énergétique s'alourdit. Difficile de nier l'influence de la monnaie sur l'économie dans ce cas. Toujours dans le cadre de l'Europe, le ralentissement de la croissance dans les années 1990 sans contestation possible due en partie à ce que les Etats devaient respecter les critères de Maastricht, qui restreignaient leurs marges de manœuvre en rendant quasiment impossible toute politique de relance budgétaire. La politique monétaire a donc bien un effet sur l'économie réelle, à court terme tout au moins. La politique monétaire a donc une grande importance, et des changements brutaux de la masse monétaire disponible ont des effets déstabilisants. A long terme cependant, les avis des keynésiens et des monétaristes divergent totalement. II) A long terme en revanche, la monnaie semble neutre, contrairement aux dires des keynésiens: 1) L'inutilité à long terme de l'interventionnisme keynésien: Il est donc vrai, comme on vient de le voir, qu'une augmentation de la masse monétaire peut relancer l'économie et faire baisser le chômage. Néanmoins il y a un décalage entre le changement de politique monétaire et son effet dans l'économie réelle: ainsi l'effet sur les prix vient en moyenne un an après l'effet sur les salaires et la production qui vient lui-même quasiment un an après le changement de politique, d'où une inflation retardée de près de deux ans. Or avec la montée générale du niveau des prix, les salariés réalisent que seuls leurs salaires monétaires se sont améliorés et pas leurs salaires réels. L'offre de travail et le chômage reviennent donc progressivement à leur niveau initial, et la production régresse alors elle aussi. Au final, les prix et les salaires ont augmenté, mais la situation reste la même. A long terme, la monnaie est donc neutre. Sans qu'il y ait dans ce cas création de monnaie, on peut s'intéresser à l'exemple de Hong Kong au cours de la crise asiatique: au lieu de laisser sa monnaie flotter comme la plupart de ses voisins (Thailande, Malaysie, Singapour…), la Hong Kong Monetary Authority, qui joue le rôle de la banque centrale, décida de maintenir le peg qui lie le dollar de Hong Kong au dollar US. Dans le contexte de crise, les prix se mirent à baisser, et finalement cette baisse générale des prix combinée à l'augmentation des prix des produits étrangers eut exactement l'effet d'une dévaluation, preuve que la monnaie est bien neutre. Certains iront même jusqu'à affirmer que la monnaie est neutre même à court terme: en effet selon la théorie des anticipations rationnelles, mise au point dans les années 1970, les individus anticipent correctement l'inflation dès l'annonce par le gouvernement d'une politique monétaire expansionniste. Les salariés ne sont alors plus dupes et refusent de croire que leurs salaires réels augmentent. Néanmoins, comme son nom l'indique, cette théorie s'adresse à des individus rationnels… Il est donc inutile d'intervenir étant donné qu'à long terme les résultats sont les mêmes. Pire, une intervention de l'Etat dans la politique monétaire risque de créer des déséquilibres qui ne seront que plus longs à se résorber! 2) Le renouveau actuel des thèses monétaristes: Il semblerait que la crise des années 1970 ait favorisé le retour sur le devant de la scène des économistes monétaristes. En effet on a généralement estimé qu'une des causes de la crise était justement la mauvaise politique monétaire conduite au cours des années 1960, l'Etat finançant une partie de ses dépenses par la production de monnaie, d'où une inflation importante source d'instabilité. Pourtant, on peut avoir des doutes sur la nécessité de mener des politiques monétaires plus ou moins expansionnistes si la monnaie est neutre! La seule raison valable serait donc de chercher à réduire l'instabilité à court terme, ce que proposent les Keynésiens avec des méthodes totalement opposées! Toujours est-il que la plupart des gouvernements (cf. critères de convergence) semblent aujourd'hui adhérer à ces idées, davantage à cause de l'échec des politiques keynésiennes ces dernières années que par véritable conviction. Ces politiques semblent néanmoins porter leurs fruits: même s'il est difficile de dire qu'elles ont permis le retour de la croissance, on peut néanmoins penser que nos économies repartent sur des bases plus saines, après une cure d'austérité. Conclusion Il est finalement difficile de contester l'idée selon laquelle à court terme la monnaie peut avoir des effets sur l'économie réelle. Néanmoins à long terme la monnaie est neutre et n'influe pas sur la croissance. Ceci peut justifier une politique monétaire restrictive, mais tout autant une politique de type keynésien: en effet si à long terme rien ne change, pourquoi se priver d'une relance budgétaire, si celle-ci peut atténuer les coûts sociaux d'une crise par exemple? La monnaie peut alors devenir un moyen de lisser la courbe de la croissance, et ainsi d'éviter une croissance du type stop and go aux conséquences sociales lourdes. uploads/Politique/ la-neutralite-de-la-monnaie.pdf

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