Le bouddhisme japonais. INSTITUT GÉOPOLITIQUE ET CULTUREL JACQUES CARTIER – POI
Le bouddhisme japonais. INSTITUT GÉOPOLITIQUE ET CULTUREL JACQUES CARTIER – POITIERS | 1 Au Japon, hormis quelques brèves périodes, bouddhisme et shintoïsme ne se sont pas opposés en de quelconques guerres de religions, mais au contraire, ont toujours constitué les deux composantes majeures d’une même culture. Des syncrétismes ont vu le jour, soit que les bouddhas apparaissent comme des Kami particulièrement bienveillants, soit que les kami sont considérés comme des avatars de Bouddha. Ce regard porté sur le bouddhisme japonais, séparé du shintoïsme, a donc quelque chose d’un peu artificiel, mais de nécessaire à la compréhension européenne. Cette dernière s’est d’ailleurs emparée d’un vocabulaire issu du bouddhisme, zen notamment, mais avec des glissements sémantiques majeurs. L’ « être zen » tel qu’il est exprimé familièrement en France, n’a rien à voir avec la pratique de cette voie bouddhiste au Japon. Qu’en est-il de la spécificité japonaise dans la grande famille des bouddhismes d’Asie, comment cette « religion » a-t-elle évolué, qu’elle est sa place dans un Japon contemporain qui semble plutôt voué à la consommation à outrance qu’à la méditation ? I- Une religion importée. Le bouddhisme au Japon est arrivé assez tardivement, au VIe siècle de notre ère, par l’intermédiaire immédiat de la Corée, mais en fait essentiellement de la Chine, qui avait déjà acculturé, inculturé et diversifié depuis longtemps cette voie de sagesse née en Inde au VIe siècle avant notre ère. Comme pour la Chine, la tradition relative à l’adoption du bouddhisme, mêle faits légendaires et historiques. De Chine arrivent aux mêmes périodes, également des traditions confucianistes et taoïstes, mais cet article se limitera au seul bouddhisme. Selon la tradition, au milieu du VIe siècle, vers 538 ou 552, le roi du Kudara 1(Corée) fit connaître la doctrine bouddhiste au souverain du Yamato ( au Japon, près de Nara- Kyoto) lors d’un échange diplomatique. La doctrine bouddhiste, avec ses idées de cycle de morts, de réincarnation, d’éveil, était totalement étrangère aux préoccupations « religieuses » habituelles des Japonais. La nouveauté reçut le nom de Bukkyô, ou encore Butsudô (Voie du Bouddha), voire Buppô (Loi du Bouddha). Par réaction à cette nouveauté ainsi nommée, il Le bouddhisme japonais. INSTITUT GÉOPOLITIQUE ET CULTUREL JACQUES CARTIER – POITIERS | 2 fallut trouver une appellation pour les anciennes pratiques cultuelles, les croyances originelles de l’archipel, qui reçurent ainsi le terme générique de Shintô. Durant une génération, partisans et adversaires de la nouveauté s’affrontèrent dans un conflit bien plus politique que religieux. Le camp des adeptes du bouddhisme l’emporta en 587. Assez vite, la cour et l’ensemble des notables adoptèrent le bouddhisme. Le peuple, lui, l’ignorera longtemps encore. Le véritable essor du bouddhisme au Japon date de fin du VIe, début VIIe siècles, avec l’action intense du prince Shôtuku2. Considéré comme le véritable fondateur du bouddhisme au Japon, il imposa par la force le bouddhisme, fit construire les premiers temples (dont le fameux temple en bois d’ Horyu-ji à Nara3), élabora une constitution dans laquelle le bouddhisme était favorisé : ce dernier deviendra religion officielle (décision de l’empereur Shomu au VIIIe siècle). De nombreuses ambassades envoyées en Chine rapportent alors régulièrement des textes, des coutumes, des courants bouddhistes différents. Ces influences chinoises durèrent jusqu’en plein XVIIe siècle4. Pour l’essentiel, ces apports relèvent du Mahâyâna5. Lors des premiers siècles de son introduction au Japon, le bouddhisme n’était pas considéré comme étranger aux pratiques du shinto. Ce sont ses pouvoirs magiques qui sont alors appréciés : lutte contre les maladies, lecture de sutras6 à la cour pour faire pleuvoir… nous sommes alors loin de toutes spéculations philosophiques bien étrangères à l’esprit japonais. Ainsi donc, du début jusqu’aux temps modernes, le bouddhisme japonais a toujours été vivifié par des apports chinois. L’animosité actuelle entre les deux pays ne doit pas faire oublier ce passé riche de relations. Une grande partie de la culture japonaise vient de Chine.7 – à la période de Heinan (794-1185) arrivée des sectes Shingon et Tendai – à la période de Kamakura (1185-1333), arrivée des écoles Zen vite adoptées par les guerriers admiratifs de l’autodiscipline et de la rigueur. La pratique s’opère à la fois par la méditation en position assise ( Zazen) et par la méditation sur des énigmes irrationnelles (Koan). Le bouddhisme japonais. INSTITUT GÉOPOLITIQUE ET CULTUREL JACQUES CARTIER – POITIERS | 3 Tout au long de son histoire, ce bouddhisme japonais a engendré, mais aussi éliminé, de nombreuses « sectes »8. Ce n’était que la poursuite d’un phénomène connu ailleurs, et surtout en Chine. Cela signifie que Le Bouddhisme, avec une majuscule, n’existe pas, sauf dans les manuels occidentaux, ici n’existent que des adaptations locales, qu’une diversité foisonnante. C’est la raison pour laquelle il faut éviter une approche essentialiste, cela est d’ailleurs valable pour toute religion. Comme dans toute civilisation, se pose un moment donné la question du rapport entre « religion » et politique. Dès le départ, l’État japonais souhaite utiliser cette nouveauté bouddhiste comme religion protectrice, mais à condition de la superviser, de la contrôler. Le changement de capitale, de Nara à Heian en 794, avait entre autres, comme raison d’être, ce désir de s’éloigner des grands centres monastiques devenus de plus en plus puissants, le pouvoir politique souhaitait plus de liberté. Il existe actuellement 11 écoles9 subdivisées en 58 branches. Les trois principales branches sont le zen, le nichiren et le jodo-shin. II- Le bouddhisme japonais contemporain. Au-delà des chiffres [75 % des Japonais se disent bouddhistes], il n’est pas certain que ce bouddhisme japonais institutionnel se porte bien. D’un dossier complexe, nous retiendrons trois raisons qui peuvent rendre compte, d’une certaine manière, de la crise institutionnelle du bouddhisme au Japon. Lors de la restauration impériale, à l’ère du Meiji10, le Shinto fut promu « religion » d’Etat, la politique officielle chercha à le dissocier du bouddhisme (alors que de nombreuses expériences de syncrétismes étaient pratiquées depuis les origines), voire même à éradiquer le bouddhisme comme apport extérieur. Le bouddhisme japonais a donc pâti de cette politique discriminatoire. Le bouddhisme fut par contre associé au pouvoir militaire durant la seconde guerre mondiale. Le Rinzai-Shû, par exemple, branche du bouddhisme zen, et notamment l’école Sôtô, ont été fortement critiqués pour leur soutien actif au nationalisme militariste japonais des années 30 et 40. »Depuis l’ère Meiji, notre école [Sôtô] a Le bouddhisme japonais. INSTITUT GÉOPOLITIQUE ET CULTUREL JACQUES CARTIER – POITIERS | 4 coopéré à la conduite de la guerre. » (Déclaration de Repentance de l’école Sôtô, 1992).11Le militarisme ainsi que les exactions commises ont été légitimées, au nom même du bouddhisme. Nous sommes loin de la perception occidentale actuelle du Zen, synonyme bien souvent de tranquillité et de quiétude. Les terres appartenant à ces temples ont été confisquées lors de la réforme agraire de 1946 imposée par les Américains.12 Le bouddhisme japonais, dans les faits, pour le plus grand nombre, est uniquement associé aux moments de la mort et des funérailles. D’où son surnom de bouddhisme funéraire. Tous les autres moments de la vie, de la naissance, du mariage, en passant par les examens, sont du ressort du shintoïsme. Le bouddhisme dans le Japon contemporain a peu de prise sur la vie quotidienne, hormis lors de la mort. Les rites funéraires sont à 95% bouddhistes et incluent une crémation suivie d’un enterrement de l’urne dans la tombe de famille.13 Funérailles bouddhistes. Les cimetières installés dans l’enceinte d’un temple ou, faute de place, en périphérie de ville, ont vu leur espace occupé par des tombes, d’abord réservées aux nobles, puis aux classes populaires à partir de la période d’Edo (1603-1868). La tombe classique a l’allure d’une pyramide, c’est le style Gorin-Tô. Cette « pagode à cinq cercles », est une structure verticale d’éléments géométriques qui symbolise l’univers par le biais des cinq éléments. Le mort est exposé, revêtu d’un kimono blanc fermé, sa photographie est mise en évidence, il est muni d’argent et de riz pour le « grand voyage ». La famille proche reçoit des amis qui apportent des cadeaux (argent), ils reçoivent du sel pour se purifier de ce contact avec la mort. (Dans la vie quotidienne, il faut toujours éviter d’utiliser le chiffre 4 qui se prononce Shi comme le mot mort). On brûle de l’encens en signe d’adieu. Actuellement, l’incinération est le mode le plus courant. Les cendres sont conservées dans une urne funéraire à l’intérieur d’un petit édifice nommé nôkotsudô. Lors des funérailles présidées par un moine bouddhiste, parents et amis se réunissent, partagent un repas généralement végétarien. On purifie la tombe en versant un peu d’eau. Le moine bouddhiste écrit le nom posthume du mort sur une plaquette déposée dans l’autel bouddhiste familial (le butsudan). De nombreux rites, Le bouddhisme japonais. INSTITUT GÉOPOLITIQUE ET CULTUREL JACQUES CARTIER – POITIERS | 5 variables selon la secte bouddhiste, commémorent à intervalles réguliers (3 e,7 e,13 e,25 e,33 e..années) le jour anniversaire de la mort du défunt. A l’occasion de la fête des morts ( Obon) qui se pratique soit mi juillet, soit mi août, selon les régions, chaque famille se rend sur les uploads/Politique/ le-bouddhisme-japonais 1 .pdf
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- Publié le Aoû 09, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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