1. PRESENTATION GENERALE DE LA PENSEE DE FOUCAULT. A. LE SAVOIR. « Le niveau du

1. PRESENTATION GENERALE DE LA PENSEE DE FOUCAULT. A. LE SAVOIR. « Le niveau du savoir, c’est le niveau de la formation historique, celui de l’ « archive » que doit décrypter le « nouvel archiviste », l’ « archéologue » : comment s’agencent, dans une société donnée, à une époque donnée, ce qui peut être dit et ce qui peut être vu, la façon de dire et la manière de voir. Non pas les mots et les choses mais ce qui, plus profondément, les rend possibles : le dicible et le visible, ou plus exactement les « visibilités » et les « énoncés » d’une époque. Par exemple, au 19ème siècle, les énoncés du droit pénal et la prison comme nouvelle manière de voir et faire voir les délinquants ; ou au 17ème siècle, la médecine qui invente un nouveau régime d’énoncés concernant la déraison et l’asile comme nouvelle manière de voir et de faire voir les fous. Mais Deleuze y insiste : le dire et le voir d’une époque sont radicalement séparés, ils ne coïncident pas. Ce ne sont pas les énoncés du droit pénal qui produisent la prison, pas plus que les énoncés de la médecine n’avaient produit l’asile. Les origines sont différentes, ne se recouvrent pas. C'’st cette hétérogénéité que doit comprendre l' « archiviste ». Cette scission, cette faille. » B. LE POUVOIR. « Ce qui opère la liaison, ce sont les « rapports de forces » qui bouillonnent, dans des compositions différentes à chaque époque, et constituent le pouvoir. Le pouvoir ne vient pas d’en haut, il n’est pas une forme (l’Etat), il est partout, sous la formation historique : c’est le « grondement de la bataille » dont parle « Surveiller et punir ». Le pouvoir traverse les corps pour les « discipliner » et les « assujettir ». Pour Deleuze, le concept de société disciplinaire est l’une des plus importantes élaborations de Foucault. Le champ social est traversé de « stratégies ». Il « stratégise », dit Deleuze, qui rapproche ici Foucault de la sociologie de Bourdieu. » C. LE SOI. « Enfin, troisième niveau : dans ce jeu où les forces s’opposent à des forces, les Grecs avaient inventé un mode d’existence où l’on applique la force à soi-même : se gouverner soi-même pour gouverner les autres. Cette manière de façonner son rapport à soi est propre aux Grecs, bien sûr, mais à chaque époque un tel « processus de subjectivation » essaie de se faire jour, un rapport à soi 1 essaie de se modeler et de se reconquérir contre les pouvoirs qui travaillent inlassablement à le capturer. La philosophie de Foucault est une philosophie de la résistance. » 2. SURVEILLER ET PUNIR. A. LE SUPPLICE. a) Du spectacle à la disparition du supplice.  Le 1er chapitre du livre commence par décrire, par le détail un supplice infligé en 1757 ; un peu plus loin Foucault nous livre le règlement rédigé pour «la Maison des jeunes détenus à Paris », 75 ans plus tard ; ce règlement décrit essentiellement un emploi du temps.  On constate bien une évolution, une redistribution de « toute l’économie du châtiment » ; on constate surtout la disparition du supplice. Pourquoi ? Parce que progressivement les supplices publics sont perçus comme de nouveaux foyers de violence : désormais juges et bourreaux, autant que les politiques (le roi) au nom desquels la justice est ainsi rendue, apparaissent eux- mêmes comme des assassins légitimes ; le supplicié devient objet de pitié, voire d’admiration.  « On soupçonne ce rite qui « concluait » le crime d’entretenir avec lui de louches parentés : de l’égaler, sinon de le dépasser en sauvagerie, d’accoutumer les spectateurs à une férocité dont on voulait les détourner, de leur montrer la fréquence des crimes, de faire ressembler le bourreau à un criminel, les juges à des meurtriers, d’inverser au dernier moment les rôles, de faire du supplicié un objet de pitié et d’admiration. » (Michel Foucault, Surveiller et punir, page 14)  La disparition du supplice signifie deux choses : 1) L’effacement du spectacle punitif : le côté cérémonial de la peine entre dans l’ombre pour subsister seulement sous la forme d’un acte juridique ou administratif ; la justice devient pudique. 2) Elle signifie aussi le dénouement d’une prise sur le corps ; certes le nouveau système pénal continue de s’exercer sur le corps mais à présent la souffrance physique n’est plus une fin en soi ; le corps est compris comme instrument ou intermédiaire : à travers l’enfermement ou les travaux forcés, c’est la privation de liberté qui est visée, liberté considérée à la fois comme un droit et comme un bien. « Le châtiment est passé d’un art des sensations insupportables à une économie des droits suspendus » (Surveiller et punir, page 16). 2  Ce n’est donc plus le corps qui est désormais visé, comme au temps des supplices ; c’est plutôt l’âme. Au procès ce n’est pas seulement un acte qui est jugé en référence à un code pénal, mais également une âme faite de passions, d’infirmités,... Le tribunal en appelle à une batterie d’hommes de science, à tout un savoir pour juger de la normalité d’une âme et aussi de la possibilité de prendre en charge sa normalisation dans la punition : la justice se veut correctrice des âmes. Ce caractère non juridique atténue également la perception des magistrats dans leurs rôles de juges et de châtieurs.  « Et la sentence qui condamne ou acquitte n’est pas simplement un jugement de culpabilité ; elle porte avec elle une appréciation de normalité et une prescription technique pour une normalisation possible . Le juge de nos jours – magistrat ou juré – fait bien autre chose que juger. Et il n’est plus seul à juger. Le long de la procédure pénale, et de l’exécution de la peine, fourmillent toute une série d’instances annexes. De petites justices et des juges parallèles se sont multipliés autour du jugement principal : experts psychiatres ou psychologues, magistrats de l’application des peines, éducateurs, fonctionnaires de l’administration pénitentiaire morcellent le pouvoir légal de punir ; (...) » (Surveiller et punir, pages 25-26). b) La technologie politique du corps.  Selon Foucault il faut replacer les systèmes punitifs dans une « économie politique du corps » ; l’investissement politique sur le corps est lié à son utilisation économique comme force productive ; cette détermination du corps comme force productive n’est cependant possible que dans le cadre d’un système d’assujettissement.  Cet assujettissement du corps n’est pas nécessairement obtenu par la violence ; bien au contraire il peut être subtilement calculé, organisé, réfléchi. Il y a, dit Foucault un savoir particulier du corps, diffus et rarement systématisé : c’est la « technologie politique du corps ».  Cette technologie n’appartient pas en propre à un type particulier de pouvoir ; elle sert d’instrument à différentes formes de pouvoir ; seule une « microphysique » du pouvoir peut la révéler car elle opère entre les divers appareils de pouvoir et les corps eux-mêmes.  Le pouvoir dont il est ici question ne peut être conçu comme une propriété, mais plutôt comme une stratégie ensemble de tactiques, de techniques, de manœuvres, de fonctionnements. Ce 3 pouvoir s’exerce bien plus qu’il ne se possède ; il n’est pas un privilège acquis puis conservé par une classe dominante ; il est plutôt un effet d’ensemble de ses différentes positions stratégiques.  Il faut aussi cesser de concevoir le pouvoir et le savoir comme exclusifs l’un de l’autre ; bien au contraire le pouvoir produit du savoir ; il n’y a pas de relation de pouvoir sans la constitution corrélative d’un champ de savoir ; et le savoir constitue, tout en les supposant, des relations de pouvoir. Bref il y a une circularité du pouvoir et du savoir.  Finalement le système punitif doit être compris à partir du politique : « Il s’agit de replacer les techniques punitives – qu’elles s’emparent du corps dans le rituel des supplices ou qu’elles s’adressent à l’âme – dans l’histoire de ce corps politique. Prendre les pratiques pénales moins comme une conséquence des théories juridiques que comme un chapitre de l’anatomie politique. » (Surveiller et punir, page 33) c) L’âme comme corrélat du pouvoir.  Il serait illusoire de voir dans l’âme désignée par cette nouvelle justice, une réminiscence de quelque idéologie usée ; l’âme est le corrélat du pouvoir : elle surgit à la surface du corps par le fonctionnement du pouvoir s’exerçant sur ceux que l’on punit.  Cette âme-là a une réalité, est produite en permanence par le pouvoir : elle est l’effet d’une procédure : « L’histoire de cette « microphysique » du pouvoir punitif serait alors une généalogie ou une pièce pour une généalogie de l’ « âme moderne ». Plutôt que de voir en cette âme les restes réactivés d’une idéologie, on y reconnaîtrait plutôt le corrélatif actuel d’une certaine technologie du pouvoir sur le corps. Il uploads/Politique/ surveiller-et-punir-ok.pdf

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