1 Didier NGALEBAYE Brazzaville, le 03 novembre 2021 Maitre de conférences CAMES

1 Didier NGALEBAYE Brazzaville, le 03 novembre 2021 Maitre de conférences CAMES/Philosophie Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines Université Marien NGOUABI E-mail : otwere_ossoh@yahoo.fr Port. : 00242 05 724 07 41. Lettre ouverte A Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, République du Congo, Brazzaville. Objet : Lecture prospective de la gestion de l’état d’urgence mensuel et de l’obligation de la prise du vaccin liée à la crise induite par la pandémie du Coronavirus. Monsieur le Premier Ministre, A l’occasion de votre élévation, en qualité de Premier Ministre, Chef du Gouvernement, je vous avais adressé une lettre très ouvertement fermée, dans laquelle, je vous formulais six observations et recommandations sur les principaux dysfonctionnements de l’Etat congolais, qui rendent les Gouvernements successifs inefficaces (le paradoxe congolais, le mode ethno-tribal de composition des Cabinets ministériels, l’iniquité dans la rémunération des membres des Cabinets, l’inactualité de la grille de rémunération des agents de l’Etat en mission, le séminaire de formation des membres du Gouvernement à la culture d’Etat et le mode d’élaboration des plans d’action ministériels). Je concluais cette lettre comme suit : « Ainsi organisé, votre Gouvernement aurait toutes les chances de réussir. Autrement, la poursuite de la routine raviverait et amplifierait les manifestions socioprofessionnelles en cours, rendant le mandat agité ». De toutes ces suggestions, une seule a été prise en compte : l’organisation d’un séminaire gouvernemental, mais qui a été biaisé, par le fait que certains membres du Gouvernement y ont eu le double statut d’auditeurs et de formateurs. Aujourd’hui, après votre période de grâce, et au regard de l’insolence de l’actualité, je vous prie de vouloir bien me permettre de donner à la présente lettre un caractère très fermement ouvert, pour apporter ma modeste contribution à l’analyse prospective de la prolongation de l’état d’urgence mensuellement et de l’obligation de la prise du vaccin ‘’contre’’ le Coronavirus, auxquelles votre Gouvernement soumet les citoyens congolais, dont je fais partie. Conscient des objections que la présente lettre pourrait susciter sur la légitimité, la compétence et la crédibilité de son auteur, je voudrais juste indiquer que, mû uniquement par la mission de service à la communauté (éclairage scientifique sur les problèmes en débat dans le pays), à laquelle l’Université nous astreint, en plus de la formation et de la recherche, son seul but est de contribuer à l’amélioration du dispositif national de lutte contre le Coronavirus, afin d’obtenir le consentement éclairé des citoyens, après chaque 2 fois un bilan général de santé du candidat à la vaccination1, en face de l’affirmation claire de la responsabilité de l’Etat2, à travers une loi spécifique, en ce qui concerne les risques éventuels de l’opération sur la vie des citoyens : c’est la modeste manière du philosophe d’aider le Gouvernement à mieux nous gouverner, en solidarité avec la prescription historique qu’Edmund Husserl a formulée à ses héritiers de philosophes, ‘’fonctionnaires de l’Humanité’’, nés accidentellement quelque part : « Nous sommes devenus conscients, au moins d’une façon très générale, que le philosopher humain et ses résultats n’ont nullement, dans l’ensemble de l’existence humaine, la simple signification d’un but culturel privé », avant d’ajouter : «Nous sommes donc -comment pourrons-nous l’oublier ? -les Fonctionnaires de l’Humanité. La responsabilité tout à fait personnelle qui est la nôtre à l’égard de la vérité de notre être propre, comme philosophes, dans la vocation personnelle intime, porte en soi la responsabilité à l’égard de l’être véritable de l’humanité, lequel n’est que tendu vers un Telos et ne peut parvenir à sa réalisation, si, du moins, il le peut, que par la philosophie, que par nous, à condition que nous soyons philosophes avec sérieux »3. Toute autre lecture de ma modeste contribution épistolaire sortirait du cadrage éthique ainsi posé. Monsieur le Premier Ministre, je suis conscient des difficultés inhérentes à la gouvernance publique, complexe par essence. Au Congo, celles-ci sont amplifiées par deux traits de caractère négatifs : l’absence d’une culture citoyenne désintéressée et rivée sur l’intérêt national, se justifiant historiquement par le long règne du monopartisme, ayant affecté et inhibé la conscience individuelle, et l’histoire tumultueuse du pays (guerres civiles, coups d’Etat et Etat de coups), d’une part, et la généralisation politico-administrative du réflexe ethnocentriste, qui vide l’Etat de son âme (lois et règlements), au profit de l’ancrage ethno-tribal, dans le cadre d’un Etat (ensemble d’institutions, dont le modèle est importé d’Occident, et fonctionne en parallélité d’avec les coutumes endogènes), sans l’indispensable assise qu’est la Nation (sentiment historiquement partagé d’appartenance à une même communauté, et de destin : ainsi, à l’approche de l’élection présidentielle, on voit combien chaque Congolais redoute la division du pays en Nord/Sud, que les mariages interethniques n’ont pas conjurée, et que la langue de bois du discours et de la pratique politiques ne savent pas masquer), d’autre part. Monsieur le Premier Ministre, en ramenant les concepts philosophiques sur le terrain de l’action publique que vous conduisez, je sollicite votre haute attention sur la prorogation mensuelle de l’état d’urgence par le Parlement, sur votre proposition, et la décision gouvernementale de rendre la vaccination ‘’contre’’ le Coronavirus obligatoire, dans un contexte où les appréhensions citoyennes n’accèdent pas à vous, les élites ont démissionné, étant engluées dans les ethnopartis politiques et loges, et où 1 Dont l’absence est l’une des hypothèses pouvant expliquer l’augmentation du taux de décès post-vaccination, et non pas seulement le simple prélèvement de la tension atérienne. 2 La pratique en cours, comme chez Guenin, est de faire, signer une fiche au vacciné, dans laquelle il se déclare seul responsable de ce qui peut lui arriver de négatif. Tel ne pouvant pas être l’agissement d’un Etat de droit, civilisé, l’Etat congolais doit, en tant que ‘’garant de la santé publique’’ (article 36, Constitution du 15 octobre 2021), décliner ses responsabilités quant aux risques qui pourraient survenir de cette opération massive, en contrepartie de celles du citoyen vacciné, dans la mesure où il l’aura décidé librement, par consentement éclairé. 3 Edmund Husserl, La crise de l’humanité européenne et la philosophie, traduction de Paul Ricoeur, Paris, Aubier, 1977, p. 21. 3 le Gouvernement prend des décisions graves concernant le devenir du pays, sans consulter, ni écouter le Souverain primaire, seul dépositaire de la souveraineté, auquel il ne recourt que pendant les élections. I. Concernant la prorogation mensuelle de l’état d’urgence par le Parlement 1. Je constate que, depuis que le Congo s’est installé dans la pandémie mondiale du Coronavirus, entre le 31 mars 2020 et le 02 novembre 2021, le Parlement congolais, sur demande motivée du Gouvernement, a prorogé l’état d’urgence 28 fois, sur la base de l’article 157 de la Constitution du 15 octobre 2015 : « L’état d’urgence, comme l’état de siège, est décrété par le Président de la République en Conseil des Ministres. Le Parlement se réunit de plein droit. L’état d’urgence, comme l’état de siège, peut être proclamé sur tout ou partie de la République, pour une durée qui ne peut excéder vingt (20) jours. Dans les deux cas, le Président de la République informe la Nation par un message. Le Parlement se réunit de plein droit, s’il n’est pas en session, pour, le cas échéant, autoriser la prorogation de l’état d’urgence ou de l’état de siège au-delà de vingt (20) jours4. Lorsque, à la suite de circonstances exceptionnelles, le Parlement ne peut siéger, le Président de la République peut décider du maintien de l’état d’urgence ou de l’état de siège. Il en informe la Nation par un message. Une loi détermine les conditions de mise en œuvre de l’état d’urgence ou de l’état de siège ». 2. J’analyse que, jusqu’ici, le Gouvernement et le Parlement ont privilégié une lecture positiviste et compréhensiviste du Droit, dont le point faible reste la prospective, dans une mesure où la lettre prime sur l’esprit du texte. Qu’adviendrait-il, si la lecture de l’article 157 était faite sous l’angle économique et financier, par exemple ? En face du budget de l’Assemblée Nationale, exercice 2021, le Règlement intérieur de celle-ci prévoit trois sessions ordinaires, et que les sessions extraordinaires se tiennent à l’initiative du Gouvernement. Il en découle que les 28 sessions extraordinaires, au cours desquelles l’état d’urgence a été prorogé, ont coûté indicativement à l’Assemblée Nationale les sommes suivantes : Hypothèse 1 : 35 000FCFA, pour chacun des 150 Députés (y compris un collaborateur), et deux jours de travaux, au minimum, soit : 10 500 000FCFA x 28 sessions : 294 000 000FCFA ; Hypothèse 2 : 150 x 35 000FCFA x 15 jours de travaux (session pleine) : 78 750 000FCFA x 28 sessions : 2 205 000 000FCFA5. Avec cette somme, le plateau technique du CHU-B aurait pu être amélioré, n’eut été la diversion avec l’équipe canadienne, dont personne ne répond aujourd’hui. Financées sur les lignes de souveraineté de l’Etat, ou sur le budget propre de l’Assemblée Nationale, dans un contexte où l’économie du pays est déstabilisée et que la ressource financière devient rare, ces dépenses imprévues créent et constituent une ‘’crise financière’’ au sein de l’institution. Ainsi, en considérant, par extension, cette ‘’crise financière’’ comme 4 Cette clause uploads/Politique/ lettre-ouverte-a-monsieur-le-premier-ministre-chef-du-gouvernement-03-septembre-2021 1 .pdf

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