3,00 € Première édition. No 12270 Samedi 21 et Dimanche 22 Novembre 2020 www.li
3,00 € Première édition. No 12270 Samedi 21 et Dimanche 22 Novembre 2020 www.liberation.fr IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 3,70 €, Andorre 3,70 €, Autriche 4,20 €, Belgique 3,00 €, Canada 6,70 $, Danemark 42 Kr, DOM 3,80 €, Espagne 3,70 €, Etats-Unis 7,50 $, Finlande 4,00 €, Grande-Bretagne 3,00 £, Grèce 4,00 €, Irlande 3,80 €, Israël 35 ILS, Italie 3,70 €, Luxembourg 3,00 €, Maroc 33 Dh, Norvège 45 Kr, Pays-Bas 3,70 €, Portugal (cont.) 4,00 €, Slovénie 4,10 €, Suède 40 Kr, Suisse 4,70 FS, TOM 600 CFP, Tunisie 8,00 DT, Zone CFA 3 200 CFA. daron noir «Libération» a recueilli les témoignages d’anciens élèves de l’association Avenir lycéen, créée de toutes pièces fin 2018 pour soutenir le ministère de l’Education natio- nale. Ils racontent avoir été «instrumentalisés». pages 2-5 Jean-Michel Blanquer, en 2017. Photo Joël Saget. AFP Montagne, supplément massif 16 pages en cahier central WEEK-END Images Un ouvrage tout photos tout femmes Pages 21-23 samedi 21 Novembre Une saison en hiver Rando alpine avec l’écrivain Cédric Gras, les stations de ski face au coronavirus, les dernières tendances, cinq recettes pour cinq massifs, notre sélection livres… Tour d’horizon vertical. MONTAGNES Cédric Gras, début novembre. Photo Pascal Tournaire L’ultime jour du procès Daval Pages 12-13 Livres Rencontre avec Pascal Quignard Pages 35-37 Radar Mode de vie : la fripe, c’est chic Pages 46-47 Memorial Archive, Ryerson Image Centre 2 u Libération Samedi 21 et Dimanche 22 Novembre 2020 C es derniers jours, sa rancœur a atteint un nouveau palier. Un mélange d’aigreur, de co- lère et de désillusion. «C’est dégueu- lasse. On nous a utilisés, brossés dans le sens du poil en nous filant plein d’argent. Sans contrôle, enca- drement, ni rien. Et aujourd’hui, des mineurs sont suspectés de détourne- ment de fonds. Cette histoire est folle.» Clairanne Dufour, l’une des fondatrices d’Avenir lycéen, une or- ganisation lycéenne peu connue qui revendique 400 adhérents, avait pourtant fait un long travail sur elle-même, pour couper, s’éloi- gner de tout ça. Plusieurs de ses ca- marades de l’époque ont fait de même, «dégoûtés de voir comment les choses se passent en vrai». Avec cette douloureuse prise de cons- cience, «quand tu mesures que tu as été instrumentalisé». Les récentes révélations de Mediapart les ont tous fait replonger. La semaine der- nière, le site d’investigation démon- trait, relevés bancaires à l’appui, la façon dont cette structure, officiel- lement apolitique, a touché 65 000 euros de subventions publi- ques du ministère en 2019 pour or- ganiser un congrès qui n’a jamais eu lieu, préférant flamber l’argent en bouteilles de champagne, chambres d’hôtel à 300 euros et autres régala- des… Le cabinet du ministre, alerté cet été selon le site, a laissé faire, en leur accordant même 30 000 euros supplémentaires pour 2020. Premiers blocus Après la publication de l’enquête de Mediapart, le ministère de l’Educa- tion a pédalé dans la semoule pour se justifier, lançant une enquête ad- ministrative avec l’espoir d’enterrer l’affaire. Raté. Libération s’est pro- curé d’autres pièces du puzzle, et nous sommes en mesure de démon- trer comment l’idée de créer cette organisation lycéenne a germé Rue de Grenelle, dans l’entourage pro- che de Jean-Michel Blanquer, pour servir la communication du minis- tre, et surtout rompre tout dialogue avec les syndicats lycéens. Retour en décembre 2018. A l’épo- que, le mouvement des gilets jaunes est à son apogée et la mobilisation gagne les lycées. Jean-Michel Blan- quer, ministre de l’Education natio- nale depuis plus d’un an, découvre ses premiers blocus. Il n’est pas habi- tué à la contestation, jusqu’ici ses ré- formes passent comme des lettres à la Poste, à l’image de Parcoursup. Il est aidé aussi par un alignement des planètes : l’Unef, syndicat étudiant englué dans des scandales internes, est hors-service. Mais à l’approche de l’hiver 2018, la situation se com- plique pour le ministre. Sa réforme du bac chamboule l’organisation des lycées. Un peu partout, des profs ral- lient les cortèges des gilets jaunes. Des lycéens leur emboîtent le pas. Le 6 décembre, le ministère annonce 360 lycées bloqués en France par des amas de poubelles. Louis Boyard, 18 ans à l’époque, représentant de l’UNL, syndicat lycéen qui revendi- quait 7 000 adhérents, se retrouve propulsé sur tous les plateaux télé. «A partir du moment où on a appelé les lycéens à rejoindre les gilets jau- nes, j’ ai été invité partout. Je me suis retrouvé un peu porte-parole du mouvement du jour au lendemain. Ça m’a dépassé.» Le voilà convié, fissa, Rue de Grenelle, dans le cabi- net du ministre. «Ils voulaient qu’on discute. J’ai répondu que des points de la réforme étaient à revoir.» Il sera reçu deux autres fois, coup sur coup, les 10 et 17 décembre. Puis, rideau. L’UNL ne sera plus conviée Rue de Grenelle pendant des mois. «La com du rectorat» Au même moment, en décem- bre 2018 donc, dans plusieurs aca- démies, une même scène, éton- nante, se répète. Des représentants lycéens, sortes de «superdélégués de classe» élus au Conseil académi- que de la vie lycéenne (CAVL), «une instance de dialogue entre lycéens et rectorat» (dixit le site du ministère), publient sur les réseaux sociaux des communiqués quasi identiques dans le ton et les mots employés, Par Charles Delouche- Bertolasi et Marie Piquemal éditorial Par Paul Quinio Magouille Toute ressemblance avec des personnages ayant existé n’est… pas fortuite. La tentation est forte de sourire et d’imaginer Kad Merad adapter son rôle dans la série télévisée Ba- ron noir au personnage de Jean-Michel Blanquer. Dans un épisode, l’acteur, hiérarque socialiste du Nord, joue au grand frère qui chaperonne un respon- sable étudiant, lui explique comment tenir une AG, en- traîner l’adhésion, tirer les ficelles d’un vote. Il lui ex- plique la vie… politique. Un rôle inspiré de situa- tions réelles, Julien Dray ayant dans les années 90 joué ce rôle auprès de l’Unef-ID. Cette histoire, le scénariste de la série, Eric Benzekri, la connaît par cœur, puisqu’il militait à l’époque dans le syndicat étudiant. Blanquer, comme le révèle notre enquête, postule donc au même rôle, avec cette fois l’instrumen- talisation d’un syndicat ly- céen, monté de toutes piè- ces pour être à sa main. Si le parallélisme est tentant, il existe des différences. Dray était un cadre militant d’un parti politique. Blanquer exerce, lui, des fonctions ministérielles. Bien sûr, il n’apparaît pas en première ligne dans cette tambouille. Mais on a peine à croire qu’il pouvait ignorer les manœuvres du directeur de la Direction générale de l’enseignement scolaire. Sorte de bras droit du mi- nistre, ce haut fonction- naire est mis en cause pour avoir piloté une opération de manipulation de lycé- ens. Des recteurs auraient aussi trempé dans la ma- gouille. Autrement dit, c’est l’appareil d’Etat, Rue de Grenelle ou dans les admi- nistrations déconcentrées, qui a été mis au service d’une instrumentalisation partisane. Le ministre a re- fusé de s’en expliquer au- près de Libération. Dom- mage. Outre ce mélange d’un mauvais genre, notre enquête souligne deux au- tres choses. D’abord, ce vide sidéral en termes de relais d’opinion dont dispo- sent Emmanuel Macron, la majorité et LREM pour sou- tenir leur politique. Elle confirme ensuite un défaut persistant de la macronie : l’amateurisme.• Enquête Événement Avenir lycéen, un syndicat modèle modelé pour Blanquer Après les révélations de «Mediapart» sur des dérives financières, «Libération» a interrogé d’anciens adhérents de l’organisation lycéenne. Ils décrivent comment la structure, officiellement apolitique, a été créée fin 2018 et pilotée depuis la Rue de Grenelle pour servir les intérêts du ministère et contrecarrer la mobilisation contre la réforme du bac. Libération Samedi 21 et Dimanche 22 Novembre 2020 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 3 Jean-Michel Blanquer entouré des membres du Conseil national de la vie lycéenne, le 5 avril 2019 Rue de Grenelle. Parmi eux, une dizaine de membres d’Avenir lycéen. Photo PATRICK GELY. SIPA appelant les élèves à descendre de leurs barricades et à retourner en cours. Zoée Perochon-de-Jametel, 18 ans à l’époque, venait d’être élue au CAVL de Créteil : «C’était le tout début de notre mandat. Le rectorat nous a proposé d’écrire un commu- niqué pour apaiser le climat tendu. On se met d’accord avec les autres élus, on lit notre texte devant le rec- teur lors d’une réunion, qui nous de- mande de l’envoyer juste pour corri- ger les fautes d’orthographe. Et là… le texte qu’on nous renvoie est tout réécrit, avec une opposition ferme aux blocus, ce qui n’est pas du tout l’idée initiale !» Sur WhatsApp, son interlocutrice à l’académie lui ré- pond avec autorité : «Nous avons re- pris le communiqué avec la com du rectorat. C’est ce texte qui devra être énoncé.» Dans l’académie d’Orlé- ans-Tours, Teddy Wattebled, 17 ans à l’époque, raconte la même chose : «Le rectorat nous a proposé d’écrire un communiqué. Sur le moment, je n’ai pas vu le problème. Je venais d’être élu, je ne savais pas exacte- ment quel était mon rôle.» Ayant lui- même organisé la mobilisation dans son lycée, et militant uploads/Politique/ lib-ration-du-samedi-21-et-dimanche-22-novembre-2020-pdf.pdf
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- Publié le Aoû 24, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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