MOHAMED CHÉRIF ILMANE Réflexions sur la politique monétaire en Algérie : object

MOHAMED CHÉRIF ILMANE Réflexions sur la politique monétaire en Algérie : objectifs, instruments et résultats (2000-2004) INTRODUCTION La problématique de la politique monétaire en Algérie est à envisagée dans le cadre d'une problématique plus générale celle de la transition de l'économie algérienne d'une économie planifiée du centre vers une économie orientée par le marché. Un des aspects les plus importants du processus de transition est la mise en place d'institutions compatibles avec les mécanismes et les exigences d'une économie de marché. Parmi ces dernières, les institutions monétaires et financières se positionnent au premier rang; tandis que la politique monétaire en constitue un des instruments privilégiés de commandement. Dans cette optique, la politique monétaire, étant elle-même une catégorie institutionnelle de l'économie de marché, doit être progressivement mise en place en même temps que les autres institutions. C'est ce processus qui est entamé, de manière systématique, avec la promulgation de la loi 90-10, du 14/04/1990, relative à la monnaie et au crédit. Dans le même temps, elle constitue un instrument de politique économique, en matière de régulation macroéconomique conjoncturelle. La double caractéristique que revêt la politique monétaire, durant cette phase de transition, implique qu'elle doit être à la fois une politique conjoncturelle et une politique structurelle (agissant par modifications et/ou mise en place de structures). C'est à l'aune de cette double exigence qu'il est pertinent, à mon avis, d'analyser et d'évaluer la politique monétaire, en Algérie, telle qu'elle est conçue et conduite depuis 1990. Dans le cadre de ce projet, je me propose d'étudier, dans le présent papier, la politique monétaire mise en oeuvre par la Banque d'Algérie au cours des années 2000/2004. Ce choix est fondé sur la nécessité de rester dans la conjoncture actuelle dont le contexte est radicalement différent de celui d'avant 2000. De même, il me semble que c'est surtout durant cette période que la politique monétaire a été élaborée et conduite de manière suffisamment autonome et consistante. Je me dois de souligner, d'emblée, qu'il est loin de moi de sous estimer l'importance de ce qui est réalisé durant période 1990–2000. En fait, c'est au cours des années 90 que l'essentiel des institutions, dans le domaine monétaire et bancaire (réglementation et structures), sont mises en place ou du moins initiées et ce, en application de la loi 90-10. Cette période mérite de faire l'objet d'une étude spécifique approfondie; c'est ce à quoi je consacrerai un prochain article. Par ailleurs, un aspect intégrant de la politique monétaire : le taux de change ne sera pas abordé ici. Son importance justifie que lui soit accordée une attention particulière. Ce sera l'objet d'un article approprié. Enfin, un aspect institutionnel intimement lié à l'élaboration et la conduite de la politique monétaire, à savoir l'indépendance de la Banque centrale, a fait l'objet d'un article à part, Ilmane (2005), qui sera publié dans le prochain numéro de la Revue Algérienne de Sciences Juridiques, Economiques et Politiques. La présente contribution concernera donc la période allant de 2000/2001 à fin 2004 dont le contexte macroéconomique est marqué notamment, par : • une inflation modérée et relativement stable ; • une balance des paiements courants significativement excédentaire; • une croissance économique positive, bien que relativement modeste mais progressive ; • un système bancaire en excédent structurel de liquidités ; • une forte aisance des finances publiques dégageant une importante épargne budgétaire ; • un taux de chômage trop élevé et persistant. Ce contexte est radicalement différent de celui qui a prévalu durant toute la décade précédente. Il aurait été meilleur sur toute la ligne n'était-ce l'importance du chômage qui vient noircir le tableau. L'approche que j'adopte pour mener à bien ces réflexions est essentiellement institutionnelle et empirique, basée sur l'analyse des textes juridiques et la pratique algérienne en matière de politique monétaire. Ainsi, la loi 90-10 et l'ordonnance 03-11 qui la remplace, de même que les textes réglementaires subséquents, seront conséquemment mis à contribution puisqu'ils contiennent et les objectifs et les instruments de la politique monétaire. A cette occasion, il sera fait appel à des éléments de comparaison, notamment en matière d'objectifs et d'instruments, avec des expériences internationales comme celle de la Federal Reserve Bank américaine, de la Bundesbank et, actuellement, de la Banque Centrale Européenne. La publication par la Banque d'Algérie, depuis 2001, de son rapport annuel, bien qu'il prenne dix à douze mois de retard avant qu'il ne soit rendu public, permet une lisibilité suffisante de la politique monétaire quant aux objectifs qui lui sont explicitement assignés et quant aux instruments effectivement utilisés pour les atteindre. Ces rapports ainsi que les notes de conjoncture semestrielles me seront d'un appui appréciable. Les principaux fondements théoriques sous jacents : que ce soit ceux relevant de la théorie de la politique économique ou ceux relevant de la théorie économique seront juste évoqués, et en temps utile, avec des renvois aux principales références y relatives. Ceci pour laisser les différents développements accessibles au public le plus large, tout en permettant aux lecteurs avertis d'en repérer les filiations théoriques. Les réflexions que je m'efforcerai de formuler concernent essentiellement: • les objectifs de la politique monétaire selon la loi bancaire et tels que définis et pris en charge, effectivement, par la Banque d'Algérie (I) ; • les instruments, prévus (ou non) par cette même loi et mis pratiquement en oeuvre pour atteindre ces objectifs (II) ; • les résultats concrets réalisés au cours de cette période (III) ; • le financement de l'économie par le crédit bancaire qui constitue, à juste titre, un des sujets majeurs de préoccupation du moment (IV). En guise de conclusion (V), je reviendrai sur l'aspect structurel de la politique monétaire qui aura été quelque peu négligé dans les développements précédents parce qu'il y est également négligé, me semble t-il, dans la pratique de la politique monétaire de ces dernières années. I – LES OBJECTIFS L'élaboration d'une politique économique optimale consiste à définir d'une part, la «fonction de préférence», qui n'est autre que la fonction de préférence des responsables de la politique économique sensée représenter, en partie du moins, les préférences ou les choix collectifs qui se résument en la recherche du maximum de bien- être de la collectivité; et d'autre part, les objectifs que l'on souhaite atteindre, Tinbergen (1952). Au plan macroéconomique ces derniers sont : un taux de croissance du Produit Intérieur Brut, un niveau d'emploi ou un taux de chômage, la stabilisation des prix ou un taux d'inflation et l'équilibre de la balance extérieure courante. Quant à la réalisation de ces objectifs, la théorie générale de la politique économique met en avant deux principes de base : le principe de cohérence, Tinbergen (1952), qui consiste à faire correspondre à chaque objectif un instrument ; et le principe d'efficience, Mundell (1962) et Fleming (1962), qui consiste à affecter à chacune des composantes de la politique économique un objectif pour la réalisation duquel elle serait la plus efficace. La politique monétaire est une des principales composantes de la politique économique; plus précisément de la politique de régulation macroéconomique. L'autre composante est la politique budgétaire et secondairement la politique des revenus. Parmi les quatre objectifs primaires sus cités, a politique monétaire se voit généralement affecter celui relatif à la stabilisation des prix, mais pas seulement. C'est ce que je tenterai de montrer en commençant par le cas algérien. C'est dans l'alinéa premier de l'article 55 de la Loi 90-10 que l'on peut dériver les objectifs de la politique monétaire. Ce texte stipule ce qui suit : «La banque centrale a pour mission de créer et de maintenir dans le domaine de la monnaie, du crédit et des changes les conditions les plus favorables à un développement ordonné de l'économie nationale, en promouvant la mise en oeuvre de toutes les ressources productives du pays, tout en veillant à la stabilité interne et externe de la monnaie». De cette mission très large, on peut extraire les objectifs suivants : • le développement ordonné de l'économie nationale ; • la mise en oeuvre de toutes les ressources productives du pays ; • la stabilité interne et externe de la monnaie. Ces objectifs, outre leur caractère large et, pour certains, imprécis souffrent surtout, d'une hiérarchisation claire. Il convient de proposer une interprétation et une hiérarchisation. Les trois objectifs précédents peuvent être interprétés et hiérarchisés comme suit : • «le développement ordonné de l'économie nationale» constitue une sorte de fonction de préférence (ou de finalité) du décideur politique formulée par le législateur. Il s'agit d'un objectif stratégique de long terme pour la réalisation duquel la Banque centrale doit contribuer et ce, par la création et le maintien, dans son domaine (la monnaie, le crédit et les changes) et à l'aide de son outil (la politique monétaire), de conditions les plus favorables, conditions contenues dans les deux autres objectifs finals ; • «la mise en oeuvre de toutes les ressources productives» qui correspondrait à l'objectif de plein emploi ; • «la stabilité de la valeur interne et externe de la monnaie», ce qui correspondrait à la stabilité des prix et du taux de uploads/Politique/ mohamed-cherif-ilmane.pdf

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