1 RAPPORT DE CORRECTION DE DISSERTATION LITTÉRAIRE Programme ULM-LYON Conceptio

1 RAPPORT DE CORRECTION DE DISSERTATION LITTÉRAIRE Programme ULM-LYON Conception ESSEC BS Le sujet 2 Attentes du jury 3 Remarques de correction 3 Conseils aux futurs candidats 8 2 3 La citation de Claude Habib fait mention de « la littérature », la réflexion des candidats était donc autorisée à considérer le champ littéraire en général. Et, dans la mesure où le programme du concours comportait l’axe « littérature et politique », le problème pouvait être posé avec cette amplitude. Cependant, à bien lire le propos de Claude Habib, et au-delà de la première phrase qui oppose clairement « la littérature » à « l’ordre politique », on est amené à constater que l’analyse s’attache à préciser la portée de l’influence du politique sur notre vie pour affirmer qu’en fin de compte, quelque chose précisément de nos vies lui échappe, qu’elle désigne par le mot « privé ». On peut alors se demander si tous les genres littéraires rendent indifféremment justice à ce « privé » dont il est question. Le « roman individuel » tissé par chaque individu prend forme littéraire aussi bien dans la poésie, le théâtre, l’essai que dans le roman et les autres genres narratifs. Il est cependant, par sa nature de récit spontané, plus naturellement porté à s’actualiser dans les genres narratifs, particulièrement dans le roman, qu’il préfigure justement par sa structure narrative. L’axe générique du programme et les œuvres choisies conduisaient d’ailleurs à penser le problème du sujet à partir de la différence entre les trois romans et le discours poétique autobiographique d’Aragon. Ajoutons que le titre de l’article, « Les fictions et la vie commune », orientait la réflexion vers ces « histoires qui ne sont pas vraies », comme l’écrit Claude Habib, que sont le conte, la nouvelle ou le roman. Le jury a donc accueilli également les copies qui restreignaient leur réflexion au roman et celles qui l’étendaient à la littérature en général. Dans l’ensemble, l’expression des copies est correcte. Rares sont celles qui comportent d’inadmissibles fautes de langue. On peut cependant déplorer une certaine lourdeur de style chez certaines, et, trop souvent, des négligences à l’égard de l’orthographe (les règles élémentaires d’accord sont oubliées). La lecture et l’analyse de la citation, sauf dans les meilleures copies, restent trop souvent superficielles. On s’attarde volontiers sur la métaphore de la jachère, parfois avec un raffinement qui fait sourire, mais on n’éclaire absolument pas la relation entre ce désordre du « privé » (opposé à l’ordre politique) et le « roman individuel », varié à l’excès dans ses modes, ses tons, ses valeurs, que chacun « tisse autour de soi » comme un milieu, une bulle, une émanation, une toile d’araignée ou un texte. Rares sont les copies qui ont réussi à penser ce que dénotait l’expression « roman individuel », et plus rares encore celles qui sont parvenues à inscrire ce point dans la construction du problème et dans l’élaboration d’une problématique. 4 La notion de « politique » comme organisation de l’existence en commun n’a généralement pas été exploitée dans toute sa portée. Il faut rendre justice aux candidates et candidats : ils ont travaillé les œuvres mises au programme et les mentionnent volontiers. On aimerait cependant que les analyses de ces œuvres fussent moins fades, qu’il y eût un peu d’originalité, voire de la hardiesse, dans les commentaires qui leur sont affectés. Rappelons enfin que la dissertation française exige aussi bien de la rigueur dans la réflexion que de la clarté et de l’élégance dans l’expression. Les meilleures copies répondent parfaitement à ces attentes. Elles développent avec souplesse une pensée en acte, loin des plans mécaniques, une pensée qui s’efforce de poser le problème fermement et de construire une problématique consciente des enjeux du sujet. Remarques sur le traitement du sujet : De quoi s’occupe la littérature ? Quel est son lieu d’élection ? Claude Habib indique à la fois son objet et son milieu d’exercice : le « privé », qui se définit par opposition à « l’ordre politique ». Selon l’axiologie de Claude Habib, le politique ne serait qu’un pôle négatif, un contrepoint du pôle positif constitué par la littérature. C’est elle qui est l’objet de son intérêt et il s’agit prioritairement de la retirer du domaine d’influence de « l’ordre politique ». Le verbe « ressortir » (transitif indirect) relève proprement du droit (" être du ressort de…", relever de la compétence de …") avant de signifier au figuré : "être du domaine de …", "relever de …". La littérature et la politique sont deux domaines propres et Claude Habib, pour des raisons qu’il faut préciser, soustrait la littérature de la juridiction du politique. Pourquoi recourir à la métaphore de la « jachère » pour figurer la différence de régime entre « l’ordre politique », orienté vers la production, l’efficacité, l’économie, et la littérature qui, elle, est hors du circuit de l’utilité, de la gestion des ressources sociales, de l’organisation de « l’existence en commun ». Le politique veille à cultiver l’organisation de la société, à assurer son développement interne et externe. En conséquence, Claude Habib en déduit qu’il n’a nulle prise sur ce qui échappe au « commun » et relève des individus. « Ici », c’est le domaine de la littérature. Il faut préciser en quoi consiste ce domaine privé, cette « jachère », car c’est un point important de la thèse de Claude Habib. La « vie » soustraite à la « vie politique », ce n’est pas la vie « nue », c’est la multitude des « romans individuels » que chacun d’entre nous réalise en fictionnalisant sa vie, c’est-à-dire en vivant sa vie déjà comme une histoire. Ces « vies en train de se dire (des vies-récits qui se vivent en se disant dans la continuité de la conscience » (comme l’écrit Marc Augé), conçues par chaque individu, forment une sorte de toile d’araignée autour de lui ; elles sont un quasi-texte. Comprenons bien que ces « romans individuels », ébauches pré-littéraires (d’où la série hétérogène des qualificatifs renvoyant à des réalisations primaires, spontanées, non encore inscrites dans le cadre de la littérature), pourront constituer la substance du roman réalisé (et aussi bien du poème, de l’autobiographie…) quand ils seront transposés dans l’ordre littéraire. Ainsi, ce que le propos de Claude Habib met en évidence, c’est l’indépendance de nos existences individuelles par rapport au politique, à qui elles n’ont aucun compte à rendre, selon elle. Chacun de nous a une part inaliénable d’existence, qu’il vit comme une histoire, sur laquelle l’ordre politique ne saurait en principe avoir de prise. 5 Si Claude Habib souligne cette inaliénabilité, c’est pour récuser toute prétention du pouvoir politique à exercer une autorité sur les Lettres. Claude Habib prend bien sûr le cas Rushdie comme illustration de l’abus de pouvoir dont se rend coupable le politique lorsqu’il prétend assujettir l’écrivain à sa loi. On voit par là qu’il n’est nullement question pour Claude Habib de nier que littérature et politique soient en relation, que la première porte traces de la seconde et que celle-ci puisse tenter de régenter celle-là. Il s’agissait surtout de poser avec fermeté le principe de l’hétérogénéité juridique et morale des deux champs. La littérature s’occupe des vies individuelles, du « privé » ; l’ordre politique s’applique à organiser le « commun ». Le second n’a pas lieu de prétendre dominer le premier. Voilà le principe. Il fonde la liberté de la littérature en régime démocratique, à la différence de ce qui se passait lorsqu’on parlait des Belles-Lettres. Encore une fois, cela ne signifie pas que littérature et politique soient sans rapport. Il est bien évident que, dans les faits, nous voyons tout le contraire. La littérature parle du politique, le met en scène et en intrigue, parfois le pose en thèse avec autorité ; le politique, lui, s’octroie le droit d’autoriser ou non les discours littéraires ; ils tombent en effet sous le coup de la loi. En ce cas, où est le problème ? Non pas tant dans l’évaluation de la part d’indépendance et de dépendance des deux champs l’un par rapport à l’autre que dans ce que signifie exactement ce partage entre « privé » et « commun » que soutient Claude Habib et dans ce que cela implique pour notre compréhension de la littérature et du politique. Que le roman s’occupe de la vie privée des individus, trois des œuvres mises au programme nous le confirment. Les passions --- l’amour, la cupidité, le désir de domination, le désir de savoir, la passion politique, entre autres --- , les sentiments et les expériences individuelles nourrissent l’imaginaire du roman occidental. Bien souvent, si la politique figure dans le tableau, c’est comme toile de fond, décor d’un drame affectant des destinées singulières, qui sortent de l’ordinaire, du commun, et qui ont une intensité, une signification autrement plus captivante que les vies communes. Cela, d’ailleurs, n’est plus aussi vrai au regard du roman contemporain. A la différence de ce qui se passait dans le uploads/Politique/ rapport-de-correction-de-dissertation-ulm-lyon.pdf

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