La rhétorique est à la fois la science théorique et la science appliquée de l’e
La rhétorique est à la fois la science théorique et la science appliquée de l’exercice public de la parole avec pour but ultime d’imposer une façon de voir les choses et surtout d’orienter l’action de l’autre dans la mesure du possible. Au centre de cette discipline se trouve la pratique de la parole. Celle-ci s’appréhende du point de vue de sa production, de ses effets possibles sur l’auditoire. Cela ramène clairement à la problématique de l’efficacité de la parole en situation. Les réflexions sur ces questions ne datent pas d’aujourd’hui. Mieux, des penseurs et des chercheurs de plusieurs disciplines ont consacré certains de leurs travaux importants à la parole. La rhétorique figure au nombre des disciplines qui ont fait de la parole publique un objet d’étude et de réflexion. Depuis le début du XXème siècle, l’intérêt pour la rhétorique n’a fait qu’accroître. Cette bonne fortune s’explique par le développement des moyens de communication, du marketing et de la nécessité de persuader qui domine tous les secteurs de notre société. « Aujourd’hui, dans la presse, dans les discours politiques, religieux et autres, le discours persuasif est le sésame efficace pour prendre l’ascendant sur les autres. Mais pour comprendre l’empire rhétorique, ses concepts épistémologiques et son rapport avec l’analyse du discours, il faut remonter à l’Antiquité où la rhétorique s’est constituée comme pratique. Alors, qu’est-ce que la rhétorique ? Dans quel contexte se situe sa naissance formelle ? Quelle est son histoire ? Quels penseurs lui ont donné ses lettres de noblesse ? Quels sont les cadres de la rhétorique ancienne ? Autant de questions qui sont au cœur de la rhétorique et auxquelles nous essaierons de trouver des réponses dans les chapitres qui vont suivre. Pour comprendre l’histoire de la rhétorique, il est important de se référer aux grandes périodes qui constituent cette histoire. I- Effervescence politique et intellectuelle Les ix, viii, vii, vi et v siècles avant notre ère sont marqués par la mise en place des cités dans la Grèce antique. Il s’agit d’une organisation politique et sociale unitaire d’un territoire qui comprend une ville et sa campagne. Elle est composée de citoyens qui jouissent de droits civiques. C’est à cette époque que l’on voit la rédaction de constitutions qui organisent la vie des citées. Les premiers législateurs connus sont Solon et Dracon (rappelez-vous le terme draconien). Sur les bases de textes proposés par ces législateurs, les citées sont indépendantes et fonctionnent comme un Etat avec ses institutions, ses dieux, sa monnaie, sa constitution etc. Chaque cité à une assemblée du peuple, un conseil et des magistrats en charge de l’exécution des décisions de l’assemblée. C’est aussi l’époque des tyrans. Les cités sont administrées par les tyrans qui sont des réformateurs différents de ce que l’on entend par ce mot de nos jours. Il s’agit de la prise du pouvoir par un individu qui a tous les pouvoirs mais qui l’exerce avec une attention bénéfique pour tous. Au milieu du 6ème siècle, ils furent décisifs pour la naissance de la démocratie. Ils ont mis hors-jeu l’aristocratie qui gérait les cités pour établir un système démocratique connu sous le nom « isonomia », rendant égaux tous les citoyens devant la loi. L’exemple emblématique de ces citées reste Athènes. Selon l’historien Hérodote, Pisistrate est le premier tyran réformateur de la cité d’Athènes de 561 à 528. Il sera suivi de son fils Hypias qui sera chassé du pouvoir au profit de Clisthène qui connaitra l’exil puis la restauration. Clisthène est considéré comme le fondateur de la démocratie par la mise en place d’un système de gouvernance basée sur le vote selon les principes de la citoyenneté telle que la conçoive les athéniennes/athéniens. L’histoire a également retenu Périclès sous la gouvernance duquel Athènes a atteint son apogée. Est citoyen toute personne née d’un père et d’une mère athéniens. Tout citoyen a le droit d’élire (par tirage au sort) ses représentants. Il a également le droit d’accéder aux charges (magistrature, tribunal). La société comprend aussi les métèques (n’ayant aucun droit politique mais des obligations fiscales) et les esclaves. Comme on peut le constater, la vie politique athénienne est organisée autour d’institutions et de responsabilités qui exigent la prise de parole : l’assemblée, le Conseil, la boulè1 etc. L’usage 1 Les citoyens siègent à l’assemblée du peuple pour délibérer et prendre des décisions relatives à la vie de la cité. Le travail de l’assemblée est préparé par des commissions techniques. Outre l’assemblée, il y a la boulè. C’est un conseil composé de 500 citoyens, âgés de plus de 30 ans et désignés par tirage au sort. La boulè doit siéger tous les jours. La boulè prépare les projets de loi qui seront soumis à l'ekklesia. politique du langage est prépondérant. Les institutions ont donc consacré le règne de l’orateur : le maître de la parole. Cette dynamique politique trouve un écho favorable chez les intellectuels. Jusque-là, la vie intellectuelle dans la Grèce Antique est dominée par le travail des philosophes qui consacrent leurs réflexions à l’explication du monde. Il a d’abord été question d’une explication par les mythes. Il s’agit de la mythologie. Selon Mathilde Brémond M. (2019) En effet, dans les mythes, tous les phénomènes survenant dans la nature comme dans les vies humaines sont mis en relation avec l’un des dieux d’un riche panthéon, qui prend des décisions diversement justifiées. Les causalités y sont donc à la fois multiples et irrégulières et dépendent d’une volonté des dieux conçue sur le modèle de la volonté humaine. L’exemple le plus représentatif de ce type d’explications se trouve chez le poète Hésiode, auteur de la Théogonie et Les Travaux et les jours. Celui-ci explique l’origine du monde et des dieux de manière mythologique et traditionnelle, en présentant des histoires où les passions et les rivalités des dieux jouent un grand rôle2 Contrairement à cette explication attribuée aux mythologues, les philosophes de l’époque d’avant Socrate communément appelés les pré-socratiques, proposent une explication des phénomènes Les magistrats. Tous les magistrats athéniens exercent leurs fonctions en collège et ne sont en charge que pendant un an. Ce système qui vise à associer le plus grand nombre de citoyens à la gestion des affaires publiques. Ceux dont les fonctions exigent des aptitudes spéciales, comme les stratèges militaires et les trésoriers, sont élus en fonction de leurs compétences par une assemblée extraordinaire du peuple. Les autres, qui n'ont pas besoin de posséder des connaissances spécialisées, sont nommés par tirage au sort. Archontes et stratèges Parmi les magistrats les plus importants d'Athènes, se trouvent les neuf archontes et les dix stratèges. Les dix stratèges sont élus par l'assemblée du peuple et sont les seuls magistrats athéniens à être rééligibles. Outre leur fonction de chef des armées, ils interviennent aussi dans toutes les questions de politique intérieure et extérieure. Le plus célèbre des stratèges athéniens, Périclès 28, a exercé ses pouvoirs de - 444 à - 429. Il est à l'origine de nombreuses réformes dont celle restreignant la citoyenneté à ceux qui sont nés de père et de mère athéniens. À côté des magistrats proprement dit, il faut noter l'importance dans la vie politique athénienne des orateurs, qui n'ont pas obligatoirement de charges officielles. En raison de leur notoriété et de leur art de la parole, ils interviennent devant l'assemblée du peuple et inspirent bien souvent les options politiques de la cité. 2Mathilde Brémond « les Présocratiques », version académique, dans M. Kristanek (dir.), l’Encyclopédie philosophique, URL: http://encyclo-philo.fr/les-presocratiques-a/ de la nature fondée sur l’existence de lois naturelles. Brémond souligne cela dans les lignes suivantes : À l’inverse, les premiers penseurs que nous considérons comme des philosophes ont plutôt cherché à expliquer le monde par une causalité unifiée et non multiple, et systématique plutôt que dépendante des caprices divins. Les principes ne sont plus des divinités anthropomorphiques, mais des éléments naturels comme l’eau ou le feu : ils ne sont plus situés à l’extérieur à la nature, mais en son sein. Un exemple de cette nouvelle approche réside dans l’explication des phénomènes météorologiques à partir de modifications au sein des éléments naturels plutôt que d’une décision divine. Le monde est donc, selon les présocratiques, régulier, régi par des règles immuables qu’ils ont pour but d’identifier : il est un cosmos, un ensemble ordonné. Une autre différence avec leurs prédécesseurs réside dans le fait que les présocratiques présentent des explications originales qu’ils assument en tant qu’individus, contrairement aux poètes qui ne prétendaient que transmettre une tradition3. On peut dire ici que les présocratiques s’intéressent principalement à la matière et à ses origines. Il s’agit de tout ce qui nous entoure. Trois écoles occupent cette période. L'école ionienne (s’attache aux phénomènes et aux principes qui les dirigent ; à expliquer les phénomènes naturels par-delà les apparences immédiates ou les explications religieuses traditionnelles) dont Thalès est le plus illustre, l’école Italique ou pythagoricienne (l’intérêt est porté sur les rapports entre les phénomènes) et l’école Eléatique qui s’inscrit dans la dynamique de l’école pythagoricienne. L’objet de leurs travaux c’est la nature. Après les présocratiques, la tendance va uploads/Politique/ initiation-a-la-rhetorique-2022.pdf
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- Publié le Jan 25, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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