Mouvement ouvrier et question nationale catalane de 1907 a 1936 par Albert BALC
Mouvement ouvrier et question nationale catalane de 1907 a 1936 par Albert BALCELLS* Les dimensions de la contribution d'A. Balcells ont empeche de la reproduire dans sa totalite'. Avec son accord, nous presentons un resume des pages qui concernent l'attitude du mouvement ouvrier face a la question nationale catalane avant la constitution de Solida- ridad Obrera. A. Balcells souligne que, non sans difficultes, des convergences se sont maintenues entre le catalanisme populaire et une partie du courant libertaire. II est significatif, d'apres lui, que le federalisme republicain recueille apres la revolution de 1868 un grand echo elec- toral. Ce courant exprime < les aspirations du particularisme demo- cratique catalan , et une bonne partie des classes populaires (y com- pris de la classe ouvriere), de la petite bourgeoisie, des professions liberales se reconnait en lui. Les ouvriers catalans re,oivent ainsi de maniere presque simultanee le fede'ralisme communaliste de Proudhon et le federalisme republicain de Pi i Margall. Certes, l'irrup- tion de la Premiere Internationale en Espagne provoque une rupture nette entre le collectivisme libertaire et le federalisme, mais des liens persistent (la figure de Pi i Margall est entouree du respect des anar- chistes). La distance grandit apres la fin de la Premiere Republique lorsque la Federation regionale espagnole de I'AIT est contrainte de se refugier dans la clandestinite puisqu'en son sein les tendances insurrectionnelles l'emportent. La vague repressive de 1883 - apres les circonstances qui en 1881 ont favorise', grdce au laxisme du gou- vernement Sagasta, la reconstitution du mouvement syndicaliste en Catalogne - aboutit a la dissolution de la Fede'ration. L'anarcho- communisme s'en trouve conforte dans le courant libertaire. Les consequences pour la comprehension des aspirations nationales n'en etaient pas forcement negatives : I'anarcho-collectivisme qui domi- nait en Catalogne avait une orientation souvent etroitement ouvrie- riste ators que l'anarcho-communisme etait plus soucieux de rassem- bler autour de l'idee de liberation sans s'en tenir a une clientele exclusivement ouvriere. C'est hors de ce clivage que se situe l'activite du typographe anar- chiste Llunas (bien que lie a la pratique syndicale), soucieux de mettre sur pied un mouvement culturel ouvrier qui s'exprime en langue catalane. Il met l'accent sur l'importance de l'instruction, sur * Traduction de Michel RALLE. A. BALCELLS la ndcessitd de la prise de conscience par les intellectuels du pro- bltme ouvrier. Outre l'organisation de concours ideologico-litteraires, Llunas publie pendant quinze ans l'hebdomadaire La Tramontana redige en catalan. Comme dans certaines publications precedentes, moins ambitieuses et moins radicales, des ecrivains y collaborent. L'episode rappelle que des anarchistes ou d'anciens anarchistes avaient collabore au Diari Catala de Almirall qui, das 1879, avait essays de former un premier front catalan pre-nationaliste. Le contexte cultu- rel, par ailleurs, n'est plus celui d'une production mineure puisque t'apogde des lettres catalanes est proche (Verdaguer, Oller, Guimerd). Dans la decennie 1890 il y a d'autres exemples plus remarquables d'une telle collaboration. L'impact croissant de l'anarcho-communis- me kropotkinien joue en sa faveur. De 1889 a 1893 le journal L'Aveng reunit intellectuels modernistes et anarchistes; plus tard, la revue Ciencia Social essaie de faire reculer les obstacles a une catatanisa- tion de la culture que constituent le prejuge favorable dont jouit le castillan, l'identification entre anticatalanisme et internationalisme, les options reactionnaires du catalanisme politique exprime par Uni6 Catalanista. La periode des grands attentats anarchistes (1893-1897) va creuser un fosse entre la gauche intellectuelle catalane et le mouvement ouvrier. C'est alors que les options politiques du nationalisme conser- vateur ddbouchent sur la creation de la Lliga Regionalista, apres I'echec de sa participation au gouvernement conservateur de Silvela en 1899. Les tensions sociates s'accentuent considerablement et le point culminant en est la greve gendrale de 1902. Les possibilitds de tier la tutte pour l'emancipation sociale et la lutte pour l'emancipa- tion nationale sont ainsi fortement reduites : le catalanisme qui est le premier a s'implanter electoralement est en rupture avec te fded- ralisme republicain; I'anarcho-syndicalisme, apres la rdpression de la greve gdnerale, essaie de retrouver sa base sociale en accentuant ses traits ouvridristes. Ces obstacles politiques ne semblent pas avoir interrompu une continuite souterraine : de nombreux ouvriers libertaires sont sensi- bles a un catalanisme populaire qui ne se reconnait pas dans la Lliga (on en trouve des dchos dans La Revista Blanca entre 1899 et 1905, dans ta revue Avenir). Le lien est plus net a partir de 1907 avec Tra- muntana qui parait t'annee des grands succes ldectoraux des redpu- blicains qui sont engages dans Solidaridad Catalana. On y retrouve l'idee, deja exprimee & quelques reprises dans La Revista Blanca et dans Avenir, que l'internationalisme collectiviste suppose l'emanci- pation de toutes les nationalitds opprimdes. La vie de Tramuntana est courte : les liens entre anarchisme et catalanisme populaire ne sont pas a toute dpreuve. Francisco Ferrer est un exemple de ces difficultes puisque L'Escuela Moderna, malgre te developpement tit- teraire du catalan, malgre une certaine presence d'ecoles catalanes, I'dcarte comme tangue de scolarisation au nom de la recherche d'un langage universel. Michel RALLE. Exemple stimulant tout autant qu'involontaire, I'existence de la r Solidarite catalane > (Solidaritat Catalana) encouragea la consti- 60 LA QUESTION CATALANE DE 1907 A 1936 tution de la a Solidarite ouvriere e (Solidaridad Obrera). Celle-ci ne fut d'abord, en juillet 1907, qu'une federation syndicale barcelonaise. En septembre 1908 elle devint federation catalane. Sur la couverture du premier numero du journal Solidaridad Obrera un dessin allego- rique montrait la a Solidarite ouvriere > en train de reveiller un ouvrier qui revait de la ' Solidarite catalane >. En fait, lopposition n'etait pas aussi evidente (meme si en 1910 Josep Prat pouvait 6crire dans La burguesia y el proletariado que c'etaient deux blocs enne- mis). Dans le journal La Publicidad du 30 juillet 1907, le socialiste Antoni Badia Matamala precisa, en effet, que Solidaridad Obrera ne devait pas etre considere comme un adversaire de Solidaritat Cata- lana puisqu'elle ne lui etait ni favorable ni defavorable (1). Cette prudence avait ses raisons : il s'agissait non seulement d'eviter que l'on puit voir dans la nouvelle federation syndicale une alliee du ler- rouxismo, qui luttait farouchement contre Solidaridad Catalana, mais encore de ne pas heurter les travailleurs catalanistes. Le courant lerrouxista comptait, bien sur, de nombreux dlecteurs ouvriers (2) et il avait meme, l'occasion, ete le porte-parole du pro- letariat. Il est significatif, cependant, qu'un libertaire comme Joan Montseny ait publie dans le journal republicain et < solidaire , La Publicidad un article intitule ( un nouveau solidario ? dans lequel il appuyait Solidaritat Catalana (3). Pour la plupart des anarcho- syndicalistes qui combattaient les republicains de Lerroux cela n'avait (1) X. CUADRAT, Socialismo y anarquismo en Catalaia (1899-1911). Los origines de la CNT, Madrid, Ediciones Revista de Trabajo, 1976, p. 187. Voir la reproduc- tion du dessin alldgorique dans ce numero. (2) Deux des leaders de la greve generale de Barcelone de 1902, Ies anarchis- tes Ignasi Claria et Joan Homedes deviennent plus tard militants du radicalisme republicain de Lerroux. Homedes ainsi qu'un autre ancien anarchiste, Enric Pu- jol, furent en juillet 1909 des agitateurs remarques de la revolte de la ( Semaine tragique? , alors que les principaux dirigeants du Parti radical eviterent de prendre la tete de l'insurrection. Ils nierent, par la suite, avoir eu la moindre responsabilitd dans les incendies d'eglises, de couvents, d'ecoles religieuses, 6vitant tout ce qui aurait pu les rapprocher de l'anarchiste Ferrer Guardia avant son execution. Malgre leur implantation ouvriere les radicaux ne r6ussi- rent pas a controler a Solidarite ouvriere , demeurant minoritaires face aux anarchistes, aux syndicalistes et aux socialistes qui les combattirent ouverte- ment avant la < Semaine tragique ). En 1907, les districts les plus ouvriers de Barcelone donnerent leurs meilleurs pourcentages aux republicains de Lerroux, mais l'abstention y fut plus elevee qu'ailleurs alors que dans la ville la parti- cipation electorale fut d'un niveauu exceptionnel : cinquante-deux pour cent des inscrits. II faut signaler que des districts essentiellement ouvriers oU la propor- tion d'immigrants etait plus faible, ofu 'analphabetisme etait moins massif, donnerent a Solidaritat Catalana la moite de ses voix. Cela apparait bien dans B. DE RIQUER, ( Les eleccions de la Solidaritat Catalana a Barcelona ?, Recer- ques, no 2, 1972. I1 n'y eut qu'un district majoritairement proldtarien, le num6- ro I, of la candidature ? antisolidaire > obtint cinquante-deux pour cent des voix. Les radicaux conserverent leur electorat en 1910, alors que l'abstention ne fut que de quarante-deux pour cent, en obtenant 22,5 % des inscrits (en 1907 ils avaient atteint 23,4 %). Cf. pour ces r6sultats A. BALCELLS, J. B. CULLA, Con- xita Mir, Les eleccions generals a Catalunya de 1901 a 1923, Barcelone, Funda- cio Jaume Bofill, 1982. En 1910, les radicaux eurent la majoritd absolue dans les districts I, V, VII et X, c'est-tadire dans tous les quartiers de Barcelone a predominance ouvriere. Aux elections d'avril 1923, les radicaux 6taient encore en tete dans ces districts, mais les pourcentages obtenus par Lerroux et Emi- liano Iglesias allaient de trente et un a quarante-deux pour cent, loin de la uploads/Politique/ mouvement-ouvrier-et-question-nationale-catalane-de-1907-a-1936.pdf
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- Publié le Fev 27, 2021
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