Péan et les diamants de Giscard Valéry Giscard d'Estaing est propulsé par De Ga
Péan et les diamants de Giscard Valéry Giscard d'Estaing est propulsé par De Gaulle ministre des Finances à 36 ans en 1962. Mais il s'affirme assez vite comme un partenaire critique des gaullistes (« oui, mais ») et appelle à voter non au référendum de 1969, à la suite duquel De Gaulle quittera le pouvoir. « Jamais les gaullistes de la première heure comme Foccart ne lui avaient pardonné cette "trahison", et tant d'autres après1. » Après quelques hésitations, Giscard finit tout de même par rallier Georges Pompidou et redevient ministre des Finances jusqu'à l'élection présidentielle victorieuse de 1974, où, soutenu par le néo-gaulliste Chirac, il évince son principal rival Jacques Chaban-Delmas. Giscard demande à Jacques Foccart2, inamovible homme de l'ombre du gaullisme, de faire ses valises. Jacques Chirac sera Premier ministre jusqu'en 19763. Chirac se pose dès lors en nouvel héritier du gaullisme4, fustige l'UDF5 en tant que « parti de l'étranger » et devient pour Giscard le principal concurrent à droite. Devant la poussée électorale de la gauche en 1978, le constat est simple : si Valéry Giscard d'Estaing remporte malgré tout l'élection présidentielle de 1981, le PS a toutes ses chances pour celles de 1988, et reporte le retour au pouvoir des gaullistes aux calendes grecques. Pour faire barrage à Giscard, les gaullistes vont donc s'allier en sous-main aux socialistes. Chirac n'appellera pas ses troupes à voter pour Giscard au deuxième tour de l'élection présidentielle. Une quinzaine d'années plus tôt, l'affaire Ben Barka, du nom du célèbre opposant marocain enlevé en plein Paris et dont le corps n'a jamais été retrouvé, a fait couler beaucoup d'encre Elle a peut-être contribué à ce que De Gaulle soit mis en ballotage lors de l'élection présidentielle de 1965. Mais De Gaulle s'en sort bien : il nie en bloc, déclarant que ni le contre-espionnage ni la police n'étaient au courant de l'opération, réduite à un « niveau vulgaire et subalterne ». Vers la fin du septennat de Giscard d'Estaing, deux affaires sont de véritables coups de semonce pour le pouvoir en place : les affaires Boulin et de Broglie. Mais elles n'atteignent pas directement la personne du chef de l'État. Alors que le pays s'enfonce dans la crise économique et que sonne la fin des Trente glorieuses, le Canard enchaîné va sortir l'une de ses plus grosses affaires de la décennie 70 : les diamants de Giscard. Diamants que le dictateur centrafricain Jean-Bedel Bokassa aurait offert au président Giscard d'Estaing. « (...) des faits qui à l'époque ont eu un retentissement politique et médiatique considérable, tant en France qu'à l'étranger.6 » « C'est Pierre Péan qui, le premier, (...) va dénicher l'affaire. » « A l'inverse des journalistes du Canard, qui prennent exceptionnellement l'avion pour partir en reportage, Péan, lui, est un baroudeur7. » Peut-être ne sait-il pas, au moment où il part enquêter en Centrafrique, qu'il va être le puissant détonateur d'une intrigue qui va ébranler le pouvoir du troisième président de la Vè république. Il se trouve que les destins des familles Giscard et Bokassa sont inextricablement liées, et ce depuis la colonisation jusqu'à la Françafrique. Le père de Bokassa, en lutte contre le travail forcé, fut exécuté sous les yeux de sa femme et de Jean-Bedel, alors âgé de 6 ans. La jeune veuve meurt de chagrin quelques jours plus tard. La tante est fouettée à mort. Tout ceci sous les ordres de la Compagnie forestière Sanga-Oubangui (CFSO), qui n'était autre qu'une filiale de la société coloniale SFFC et dont le dirigeant était un certain Edmond Giscard d'Estaing – le père de Valéry. 1 Géraldine Faes, Stephen Smith, Bokassa 1er, un empereur français, Calmann-Lévy, 2000, p. 155. 2 Foccart est sous de Gaulle et Pompidou le tout puissant secrétaire général de l'Elysée et maître d'oeuvre de la Françafrique, cette décolonisation en trompe-l'oeil. 3 Les « affaires africaines » son dès lors gérées par l'ancien adjoint de Foccart, René Journiac. Quant à Chirac, il sera, durant sa primature, en lien constant avec Foccart et « le consulte pour tout ce qui touche à l'Afrique » cf. Claude Faure, Aux services de la République. Du BCRA à la DGSE, fayard, 2004, p. 457. 4 L 'appel de Cochin, en 1978, sera sa profession de foi. 5 Union pour la démocratie française, parti nouvellement créé par Giscard. 6 Jugement de la cour d'appel de paris en 1991 sur l'affaire Delpey contre Giscard. Cité par Roger Faligot et Jean Guisnel, Histoire secrète de la Ve République, La Découverte, 2007, p. 173. 7 Karl Laske et Laurent Valdiguié, Le vrai Canard, op. cit. p. 172. Avant de gravir un à un les échelons de l'armée française pendant les guerres de décolonisation, l'orphelin Jean-Bedel s'engage dans les troupes africaines de la « France libre », De Gaulle faisant figure d'autorité paternelle. Le 17 novembre 1966, Bokassa déclare à la presse à propos du général de Gaulle : « Je le considère comme mon père adoptif8. » « Une bonne part de ses bizarreries comportementales tient sans doute à cette double filiation paradoxale, difficilement gérable. Elle va ressurgir tout au long du règne de Bokassa.9 » Son cousin, Barthélémy Boganda, père de l'indépendance centrafricaine, meurt dans un accident d'avion plus que douteux en 1959. Peu après, l'officier de transmission français Bokassa est placé à la tête de l'armée centrafricaine par de Gaulle et Foccart. Il est au pouvoir en 1965. Très rapidement, le jeune ministre des Finances Giscard va donc se retrouver nez à nez avec Jean-Bedel Bokassa. Ce sera le temps des parties de chasse mémorables. Bokassa appelle Giscard « Cher parent ». Mais les relations entre Paris et Bokassa sont cyclothymiques : Foccart, de Gaulle et Pompidou le qualifient tour à tour de « brave bougre », « couillon », « soudard » « crapulard extraordinaire »... Bokassa est parfois effronté (il s'essaie au chantage, quoiqu'il s'agit peut-être de ce qu'on pourrait appeler la dramaturgie nécessaire du néocolonialisme), parfois si outrageusement zélé dans son admiration pour de Gaulle ou la France que cela en devient gênant pour les anciens colonisateurs. L'arrivée de Giscard à l'Elysée se fait dans la continuité d'une politique néocoloniale mais elle provoque un certain nombre de changements de postes. Foccart est congédié au profit d'un ancien adjoint, René Journiac. « Journiac, magistrat de formation, connaît ses dossiers mais il n'a pas, loin s'en faut, l'envergure de son ancien patron. C'est exactement ce que recherche Giscard d'Estaing : l'héritage mis à sa dispositon10. » Août 1977. Pierre Péan prépare une biographie de Jean-Bedel Bokassa à paraître en novembre de la même année, au moment où le dictateur centrafricain s'auto-intronise empereur lors d'un sacre grotesque et grandiloquent. Son livre dresse le portrait d'une sorte d'Idi Amin Dada de la sphère francophone, sanguinaire et mégalomane. Le dessin en couverture est équivoque : on peut y voir Bokassa sur un trône baignant dans une mare de sang, entouré d'autant de décorations militaires que de cadavres. « Bokassa 1er n'hésite pas à frapper, à torturer et tuer lui-même11. » Un empereur « paranoïaque » qu'il décrit en train d'achever au rasoir un concurrent en plein conseil des ministres. Pierre Péan critique la France du temps colonial, et notamment l'agitation gaulliste qui règne dans les années 50. Il retrace le parcours de Barthélémy Boganda, le père de la nation centrafricaine : « Boganda et ses amis trouvèrent les gaullistes sur leur chemin. Les représentants du R.P.F. soutenaient, en effet, les milieux d'affaires de la Chambre de commerce, si bien que le sigle R.P.F. et la Croix de Lorraine étaient synonymes, pour les Africains, de colonialisme et d'exploitation12. » Il donne même une version plausible de l'assassinat de Boganda : « Il est communément admis aujourd'hui que l'explosion de l'avion n'était pas accidentelle. Juste avant le départ de l'avion, un jeune noir demanda au pilote de prendre un paquet contenant des pièces pour réparer la radio de Nola. Celle-ci, en fait, n'était pas en panne. Le messager noir ne fut jamais retrouvé. Mais on murmure, presque officiellement, que le colis était une bombe préparée par des colons français et belges qui redoutaient l'arrivée de Bokassa au pouvoir. On dit même que Guérillot, l'ancien ministre de Boganda, aurait joué un rôle important dans la préparation de ce complot. Fait troublant, Madame Boganda aurait souscrit plusieurs polices d'assurance sur la vie dont elle était bénéficiaire en cas de son mari13. Cette "précaution" avait été prise quelques jours avant l'accident fatal. La mort de Boganda devait changer le cours de l'histoire centrafricaine14. » 8 Cité par Pierre Péan, op. cit. p. 46. 9 François-Xavier Verschave, Noir silence, Les arènes, 2000. 10 Faes, Smith, op. cit. p. 155. 11 Pierre Péan, Bokassa 1er, Alain Moreau, p. 28. 12 Pierre Péan, op. cit. p. 52. 13 Note de bas de page de péan : « Les relations entre Boganda et sa femme Michèle Jourdain – ex-secrétaire parlementaire du M.R.P – étaient très mauvaises. (...)» 14 Pierre Péan, op. cit. p. 56. Arrive enfin Giscard d'Estaing et son discours ampoulé du uploads/Politique/ pean-et-les-diamants-de-giscard-bruno-boudiguet.pdf
Documents similaires










-
35
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 03, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
- Taille du fichier 0.5019MB