Délégation du pouvoir et fétichisme Dans un premier temps, Bourdieu part de cet

Délégation du pouvoir et fétichisme Dans un premier temps, Bourdieu part de cette question : si c’est nous qui déléguons une partie de notre pouvoir aux hommes et aux femmes politiques, comment se fait-il qu’ils apparaissent comme ayant du pouvoir sur nous ? Il demande : “Mais s’il est vrai que déléguer, c’est charger quelqu’un d’une fonction, d’une mission, en lui transmettant son pouvoir, on doit se demander comment il peut se faire que le mandataire puisse avoir du pouvoir sur celui qui lui donne son pouvoir.” (Ligne 259). Du coup, c’est bien une forme de “fétichisme“, au sens où Marx parlait de “fétichisme de la marchandise” dans Le Capital : lorsque des choses produites par l’Homme acquièrent une vie propre au point qu’on oublie qu’elles aient été produites par l’Homme. Et tout comme chez Marx le “fétichisme de la marchandise” (et de sa valeur) est au principe de l’aliénation, Bourdieu peut dire que : “C’est le travail de délégation qui, étant oublié et ignoré, devient le principe de l’aliénation politique.” (Ligne 261). Donc toutes les institutions, les partis, les fonctions politiques ne sont que des choses que nous avons créées, et les dirigeants sont simplement des gens que nous avons décidé de mettre dans ces institutions, ces partis, ces fonctions. Rien de plus finalement. Ce sont “nos créatures”. Mais on en vient à l’oublier au point qu’ils peuvent se présenter à nous comme ayant toujours existé. Mieux : comme s’il n’était pas possible de se passer d’eux. L’usurpation du pouvoir Dans Délégation et fétichisme politique, Bourdieu analyse l’acte de délégation par lequel une personne donne pouvoir à une autre. Il qualifie cet acte de magique et précise qu’il permet de faire exister ce qui n’était qu’une collection de personnes plurielles, sous la forme d’une personne fictive, « un corps mystique incarné dans un corps social. ». Pour pouvoir s’identifier au groupe et dire « je suis le groupe », « je suis donc le groupe est », le mandataire, nous dit Bourdieu, doit en quelque sorte s’annuler dans le groupe, faire don de sa personne au groupe, clamer et proclamer : « je n’existe que par le groupe.» Il dira plus tard que « c’est lorsque je deviens Rien et parce que je suis capable de devenir rien, de m’annuler, de m’oublier, de me sacrifier, de me dévouer que je deviens Tout. ». Et donc nous dit Bourdieu l’usurpation du mandataire suppose la modestie et donc la dissimulation de l’usurpation (en s’affirmant comme simple ministre par exemple). En effet, pour lui, le détournement au profit de la personne des propriétés de la position n’est possible que pour autant qu’il se dissimule. Il y voit la définition même du pouvoir symbolique qui suppose la reconnaissance c'est-à-dire la méconnaissance de la violence qui s’exerce à travers lui. Par-là, la violence symbolique du ministre ne peut s’exercer qu’avec la complicité que lui accorde ceux sur qui cette violence s’exerce « par l’effet de la méconnaissance qu’encourage la dénégation ». L’effet d’oracle Dans la troisième partie du texte, Bourdieu s’appuie sur les travaux de Nietzsche dans « l’antéchrist » qui d’après lui est moins une critique du christianisme qu’une critique du mandataire. Il nous dit que les délégués ramènent à eux des valeurs universelles, ils s’approprient les valeurs ils accaparent donc les notions de dieu, de vérité, de sagesse, de peuple, de message, de liberté etc. « je suis la vérité », selon la formule de Nietzsche. Ils se font sacré, se consacre et du même coup, ils tracent les limites entre eux et les simples profanes ; ils deviennent ainsi pour reprendre Nietzsche « la mesure de toute chose ».C’est ce que Bourdieu, cette fois, appelle « l’effet d’oracle » qui est pour lui un véritable détournement de la personnalité en ce sens que la personne individuelle, le moi, s’annule au profit d’une personne morale transcendante (« je fais don de ma personne à la France ») l’individu ordinaire doit donc mourir pour qu’advienne la personne morale ; c’est ce que font les rites d’institution. Bourdieu nous dit que toute une série d’effets symboliques qui s’exercent tous les jours dans la politique repose sur cette sorte de « ventriloquie usurpatrice ». Celle-ci consiste à faire parler ceux au nom de qui on parle, à faire parler ceux au nom de qui on a le droit de parler, à faire parler le peuple, au nom de qui on est autorisé à parler. Il prend un exemple et nous dit que lorsqu’un homme politique dit « le peuple, les masses populaires… ect, il fait effet d’oracle, c'est-à-dire le coup qui consiste à faire croire que « je est un autre », que le porte-parole, simple substitut symbolique du peuple est vraiment le peuple au sens où tout ce qu’il dit est la vérité et la vie du peuple. Au risque d’être incompris, l’auteur précise que « l’imposture légitime ne réussit que parce que l’usurpateur n’est pas un calculateur cynique qui trompe sciemment le peuple, mais quelqu’un qui se prend en toute bonne foi pour autre chose que ce qu’il n’est. » Les fétiches politiques sont des gens, des êtres qui ne semblent devoir qu'à eux-mêmes une existence que les agents sociaux leur ont donnée. Bourdieu s’appuie sur Marx pour définir le fétichisme comme ce qui advient lorsque « des produits de la tête de l’homme apparaissent comme doués d’une vie propre ». L’ouvrage de Pierre Bourdieu s’avère être une contribution précieuse à la compréhension du système politique actuel et à la déconstruction des choses qui paraissent évidentes en matière de politique, notamment la délégation politique et tout ce qui va avec, tel que la particratie. Selon Bourdieu, le fétichisme politique réside précisément dans le fait que la valeur du personnage apparaît comme charismatique, mystérieuse propriété objective de la personne, charme insaisissable, mystère innommable. La professionnalisation de l'activité politique et l'autonomisation du champ politique induisent une conséquence paradoxale qui est, pour Bourdieu : la dépossession politique. Les individus privés de capital culturel et économique vont déléguer. Cette délégation va conduire au fétichisme politique. L’acte de délégation et le fétichisme politique L’auteur analyse ensuite l’acte de délégation par lequel une personne donne pouvoir à une autre. Il qualifie cet acte de magique et précise qu’il permet de faire exister ce qui n’était qu’une collection de personnes plurielles, sous la forme d’une personne fictive, « un corps mystique incarné dans un corps social. » Pour pouvoir s’identifier au groupe et dire « je suis le groupe », « je suis donc le groupe est », le mandataire nous dit Bourdieu doit en quelque sorte s’annuler dans le groupe, faire don de sa personne au groupe, clamer et proclamer : « je n’existe que par le groupe .» Il dira plus tard que « c’est lorsque je deviens Rien et parce que je suis capable de devenir rien, de m’annuler, de m’oublier, de me sacrifier, de me dévouer que je deviens Tout. » Et donc nous dit Bourdieu l’usurpation du mandataire suppose la modestie et donc la dissimulation de l’usurpation (en s’affirmant comme simple ministre par exemple). En effet, pour lui, le détournement au profit de la personne des propriétés de la position n’est possible que pour autant qu’il se dissimule. Il y voit la définition même du pouvoir symbolique qui suppose la reconnaissance c'est-à- dire la méconnaissance de la violence qui s’exerce à travers lui. Par là, la violence symbolique du ministre ne peut s’exercer qu’avec la complicité que lui accorde ceux sur qui cette violence s’exerce « par l’effet de la méconnaissance qu’encourage la dénégation ». Bourdieu s’appui sur les travaux de Nietzsche dans « l’antéchrist » qui d’après lui est moins une critique du christianisme qu’une critique du mandataire. Il nous dit que les délégués ramènent à eux des valeurs universelles, ils s’approprient les valeurs ils accaparent donc les notions de dieu, de vérité, de sagesse, de peuple, de message, de liberté etc. « je suis la vérité », selon la formule de Nietzsche. Ils se font sacré, se consacre et du même coup, ils tracent les limites entre eux et les simples profanes ; ils deviennent ainsi pour reprendre Nietzsche « la mesure de toute chose ». C’est ce que Bourdieu, cette fois, appelle « l’effet d’oracle » qui est pour lui un véritable détournement de la personnalité en ce sens que la personne individuelle, le moi, s’annule au profit d’une personne morale transcendante (« je fais don de ma personne à la France ») l’individu ordinaire doit donc mourir pour qu’advienne la personne morale ; c’est ce que font les rites d’institution. Bourdieu nous dit que toute une série d’effets symboliques qui s’exercent tous les jours dans la politique repose sur cette sorte de « ventriloquie usurpatrice ». Celle-ci consiste à faire parler ceux au nom de qui on parle, à faire parler ceux au nom de qui on a le droit de parler, à faire parler le peuple, au nom de qui on est autorisé à parler. Il prend un exemple et uploads/Politique/ philo.pdf

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