1 LE PARLEMENT AUX MAINS DES BANQUES PAUL RASSINIER Éditions de l’AAARGH 2004 2
1 LE PARLEMENT AUX MAINS DES BANQUES PAUL RASSINIER Éditions de l’AAARGH 2004 2 Numéro spécial de la revue CONTRE-COURANT, Octobre 1955. LE PARLEMENT AUX MAINS DES BANQUES1 I.– [A PROPOS DE P. MENDÈS-FRANCE] AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR L'auteur s'était d'abord proposé d'élever au niveau des principes, le débat qui prend pour thème l'expérience de M. Mendès-France et se poursuit au niveau de ses intentions. Puis il lui est apparu qu'un Essai sur le Pouvoir était une entreprise audacieuse : sur ce sujet, de Platon à Karl Marx et de Montesquieu à Proudhon et Bakounine, tout ou presque avait été dit déjà dans la forme du traité ou de l'essai, lorsque parut le philosophe Alain qui l'épuisa au niveau de nos connaissances actuelles. Il restait la compilation. Mais, si les anthologies ont des mérites indiscutables, elles sont généralement as- sez peu prisées des intellectuels et quant aux autres qui ne sont pas initiés, elles ne les atteignent que très difficilement. C'est à partir de ces considérations que l'auteur a choisi de faire une leçon de choses et de parler de l'expérience de M. Mendès-France, au niveau de son histologie. P.R. Mâcon, Juin 1955 1 Note de l’AAARGH : l’ouvrage est constitué de trois parties, publiées en 1955 et 1956 dans la revue Contre-Courant et réunies en volume en 1956: la première, intitulée simplement Le parlement aux mains des banques, traite de P. Mendès-France ; la seconde, Les Preuves, est une réponse aux réactions et la troi- sième, Épilogue, contient des mises au point 3 I.– LA CONJONCTURE ET L'HOMME De droit divin ou de droit populaire, d'un seul ou de quelques-uns, l'exercice du Pouvoir suppose des Élus et donc une hiérarchie. Le Chef d'État, ses satrapes, ses pa- chas ou ses caïds, ses parlementaires ou ses conseillers sont la réplique terrestre de la pyramide des Dieux gréco-latins et de celui qui trône dans son Paradis entouré de ses anges et de ses archanges. C'est à l'intention des non-prédestinés et des anges déchus que les Tables de la Loi ont été données à Moïse sur le Mont Sinaï et à sa postérité sur l'Agora, le Forum, dans l'Eglise Saint-Pierre de Rome, la Cathédrale de Reims et les Parlements. Les guerres et les révolutions ne sont, à leur tour, que la réplique ou le pendant de la foudre et des éclairs du Mont Sinaï. C'est dire que la notion de Pouvoir est une mystique. On ne discute pas les mystiques : ni ceux dont elles emportent l'adhésion tou- jours enthousiaste, ni ceux qu'elles écrasent n'entendent jamais la voix de la raison. Leur cheminement et leur évolution en peuvent seuls porter condamnation. Au stade de l'individu, elles font les anachorètes, les cénobites et les apôtres. Par les apô- tres, elles gagnent les foules. Au stade grégaire, elles se dégradent en politique. « Tout commence en mystique, tout finit en politique », a dit Péguy. C'est pas ce biais de la hiérarchie que la mystique du Pouvoir s'est dégradée en politique : dans l'esprit des foules peu préparées à la spéculation, celle des valeurs s'est effacée au point de ne laisser subsister que celle des individus qui prétendent les représenter, des catégories d'individus, puis des classes sociales. Or, on discute les politiques. On ne fait même que cela : épiloguer sur celle du Pouvoir est aujourd'hui la seule gymnastique intellectuelle de quarante-trois millions de Français. Épiloguer sur ses effets, non sur son essence. Et c'est ainsi que le seul aspect de la politique du Pouvoir qui leur soit sensible est devenu le problème de son transfert d'une catégorie d'individus à une autre ou d'une classe à une autre classe. * * * Sur le transfert du Pouvoir, la référence par excellence est la Révolution fran- çaise de 1789. Ici encore, les cartes sont biseautées. En parlant de Révolution à propos des événements qui ont trouvé en France la conclusion que l'on sait en 1789, l'Histoire officielle a d'abord péché par confusion des termes : le Pouvoir étant officiellement passé des féodaux aux bourgeois, tout au plus s'agissait-il d'une translation. La Révolution est une ligne fermée : le Pouvoir exis- tant, la ligne ne pouvait être fermée qu'à partir du moment où il n'existait plus. Mais c'est dans l'image qu'elle a donnée du phénomène que l'Histoire officielle a commis son plus grave méfait. A la lire, on acquiert très vite la certitude que des foules étant descendues dans la rue ont réussi à s'y imposer par la violence, puis à guillotiner un roi devenu impos- sible par ses excès, et à transférer son pouvoir au peuple par l'entremise d'institutions 4 conçues au niveau de la justice. Ainsi présenté, l'événement court sur quelques mois - quelques saisons au plus - aux yeux des mieux avisés, et il suffit d'une prononciation correcte pour mettre en évidence, entre l'ancien et le nouveau régime, un contraste frappant, des oppositions fondamentales ou, pour le moins, des différences substan- tielles. Dans la réalité, les choses se sont passées tout autrement et ont une toute autre signification. Ce que la bourgeoisie a conquis en 1789, c'est seulement le Pouvoir poli- tique, c'est-à-dire la reconnaissance de jure, du Pouvoir économique qu'elle détenait depuis fort longtemps, qu'elle exerçait de facto mais très discrètement, dans des conditions d'insécurité fort inquiétantes en ce qu'elles n'étaient pas consacrées par le Droit. Ainsi présentés, les événements de 1789 ne sont plus que le couronnement d'une longue suite de transformations dans les rapports économiques des classes so- ciales entre elles et la translation du Pouvoir un peu hâtivement baptisée Révolution - à des fins, aujourd'hui visiblement intéressées - court non plus sur quelques mois ou quelques saisons, mais sur plusieurs siècles. Si difficile qu'il soit de situer le point de départ d'une évolution historique, on n'est sans doute pas très éloigné de la vérité, lorsqu'on dit que le mouvement de tran- slation du Pouvoir résolu par les événements de 1789-1793, amorcé par les Croisades, a pris toute son ampleur avec la découverte de l'Amérique, les progrès scientifiques qui l'ont précédée, le développement des relations commerciales qui l'a suivie. Ces faits sont à l'origine d'un transfert de la richesse nationale qui s'est opéré au long du temps, des féodaux à une nouvelle classe sociale née dans leur ombre, qui s'est développée en faisant tout bêtement sa petite pelote à ramasser leurs dépouilles et qui en est progressivement arrivée à prendre en main les leviers de commande d'une vie économique, à l'époque essentiellement commerciale, artisanale et agricole. En 1789, la plupart des membres de la noblesse et du clergé n'étaient plus des privilé- giés que politiquement : économiquement, ils étaient tous plus ou moins dans la dé- pendance du marchand auquel ils avaient vendu leurs terres ou emprunté de l'argent pour vivre dans le faste à la Cour du Roi, leurs ancêtres ayant déjà très sensiblement écorné le patrimoine en accordant différentes franchises, soit au départ pour les Croi- sades, soit au retour, contre monnaie sonnante ou sous la contrainte. Bien avant 1789, en effet, les féodaux ont dû compter avec les Jacques ou les bourgeois des cités, et la Royauté avec les marchands de Paris. Jusqu'en 1789, il y avait toujours eu des possibilités de compromis, les uns ayant quelque chose à don- ner, les autres quelque chose à espérer : Colbert assit l'autorité du Roi-Soleil sur la prospérité des artisans et des marchands. Si Necker, ni Turgot n'ont pu renouveler l'opération qui avait si bien réussi à Colbert, c'est que les féodaux, s'étant comportés pendant des siècles comme la cigale de la fable, n'avaient plus rien à offrir en contre- partie aux bourgeois-fourmis, lesquels, possédant en fait la presque totalité de la ri- chesse nationale, ne pouvaient plus désirer qu'en disposer en droit. La fourmi ne prête pas volontiers à la cigale : à plus forte raison ne la laisse-t-elle pas administrer ses biens. Les premiers qui eurent cette claire vision des choses furent Gracchus Babeuf, qui voulut transformer le mouvement de la translation du Pouvoir en une véritable révolution - ce pourquoi les bourgeois vainqueurs l'envoyèrent à l'échafaud ! - et, cin- quante ans après lui, Karl Marx qui, ayant fort bien décelé que le transfert du Pouvoir politique des féodaux aux bourgeois n'avait été possible que parce qu'il avait été pré- 5 cédé d'un transfert du Pouvoir économique, n'en mit pas moins l'accent sur le carac- tère violent des événements de 1789-1793 et, posant en principe que la lutte des clas- ses, moteur de l'Histoire, en pouvait être l'accélérateur, prêcha la conquête du Pouvoir politique par la violence, sa possession devant permettre la conquête du Pouvoir éco- nomique. Nous payons l'erreur de Marx. A la violence près, cette thèse était la même que celle de Louis Blanc qui, dans le même dessein, lui donna la réplique en prêchant la conquête du Pouvoir politique par les voies parlementaires. La thèse de Louis Blanc l'a finalement emporté sur celle de Marx qui lui avait frayé la voie et, conjointement, elles ont toutes deux étouffé celle de Gracchus Babeuf que n'ont uploads/Politique/ rassinier-paul-le-parlement-aux-mains-des-banques 1 .pdf
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- Publié le Fev 04, 2021
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