Bilqîs, Reine de Saba, une reine démocrate… Qui lit le Coran et s’arrête sur le

Bilqîs, Reine de Saba, une reine démocrate… Qui lit le Coran et s’arrête sur les versets de la Sourate « Les fourmis ; An-Naml » peut se demander pourquoi Dieu a donné en exemple la reine de Saba ? Les historiens lui ont attribué le nom de Bilqîs1 et affirment qu’elle régnait sur le peuple de Saba dont le royaume se trouvait au Yémen. Le peuple de Saba et sa souveraine étaient connus pour leur idolâtrie et l’histoire raconte que Bilqîs vivait dans un palais doté de trois cent soixante fenêtres afin de laisser passer la lumière du soleil pour lequel elle se prosternait chaque matin2. Bilqîs reçoit un jour une missive du prophète et non moins roi Salomon afin de se soumettre au Créateur de ce monde… Ce qui est intéressant dans cette histoire racontée par le Coran c’est la description que fait Dieu de cette femme… En effet, alors que la majorité des rois et gouvernants hommes cités par le Coran sont des despotes comme c’est le cas de Pharaon, de Néron et d’autres… Le modèle de Bilqîs, souveraine – femme, est, comme le décrit le Coran, celui d’une monarque certes, mais une monarque juste et éclairée. Le portrait est donc celui d’une dirigeante apparemment très à cheval sur les principes politiques d’équité et de justice. Les versets coraniques sont en effet très explicites quant à la manière de gouverner de cette illustre femme. Dès la réception du message envoyé par Salomon elle convoque immédiatement un conseil de dignitaires, leur fait part du contenu de la lettre et leur demande de réfléchir sur la décision politique à prendre… Voilà ce que le Coran lui fait dire :« Dignitaires ! dit la reine, conseillez moi dans cette affaire ; je ne prendrai aucune décision avant de connaître votre avis. » Coran 27 ; 32 Une femme dirigeante d’un des plus riches royaumes de l’époque et qui prend la peine de « consulter » les élus de son peuple ! Ces derniers vont d’ailleurs lui faire savoir que la décision finale lui revenait à elle seule mais qu’elle pouvait compter sur leur puissance physique et matérielle :« Nous sommes, répondirent- ils, un peuple fort et d’une puissance redoutable. Mais la décision t’appartient. Vois donc toi-même les ordres que tu veux bien nous donner ! » Coran 27 ; 34 Le célèbre exégète Azamakhchari3 explique dans son commentaire, que les élus concertés par Bilqîs, tout en lui laissant le choix de la décision finale, ont tenu à lui faire une démonstration de leur force et de leur puissance ce qui suggère qu’ils étaient plutôt en faveur d’une action belliqueuse. Cependant, Bilqîs n’était apparemment pas d’accord avec cette approche, puisqu’elle leur proposa comme première démarche, une solution pacifique à savoir celle d’envoyer à Salomon un présent dans le but de tester sa réaction… Une décision politique pondérée qui démontre la grande sagesse de cette reine qui fera d’ailleurs « en passant » une remarque pertinente sur le « despotisme » des rois… Remarque, pour le moins intrigante, étant elle-même reine, mais on peut y lire son souci justement d’éviter de telles dérives liées habituellement à tout pouvoir autocratique :« En vérité, dit-elle, lorsque les rois s’emparent d’une cité, ils y sèment la perversion et asservissent les meilleurs jusqu’à les rendrent sans dignité aucune. “C’est ainsi qu’habituellement ils se comportent ». Aussi vais-je leur envoyer un présent et attendre la réponse que me rapporteront les messagers. » Coran 27 ; 34 La lecture attentive de ces versets nous montre à quel point le constat de cette reine s’avère politiquement fondé… Le message politique qu’elle a voulu transmettre ici est on ne peut plus clair. Il s’agit d’une critique acerbe à l’encontre de tous ces despotismes qui s’inscrivent de façon récurrente dans l’histoire de l’humanité avec leur corollaire d’humiliation et d’oppression, vécues par des peuples, qui comme elle le dit si bien, vont jusqu’à « perdre leur dignité humaine » sous la gouvernance des pouvoirs politiques autoritaires. Son analyse politique, par ailleurs, est d’une incroyable actualité, pour celui qui observe la désastreuse gestion du politique en terre d’islam et nous éclaire – si besoin est – sur l’exigence de justice et d’équité du message coranique. Exigence, qui constitue sans conteste la pierre angulaire du système moral et légal islamique. Ibn Abass, le célèbre et premier exégète musulman surnommé « l’interprète du Coran » ou« turjuman al Qur’an » attribue le verset suivant “C’est ainsi qu’habituellement ils se comportent » à Dieu Lui-même, qui répond au commentaire de Bilqîs et confirme donc son analyse préalable sur le système politique dictatorial. Quel témoignage plus parlant que celui-ci pourrait-on rajouter pour illustrer le jugement et la perspicacité politique de cette femme ? ! ! Bilqîs faisait donc preuve de sagesse politique mais aussi d’intelligence, car en adressant le présent à Salomon elle prenait soin d’abord d’écarter judicieusement la proposition précipitée de ses conseillers afin d’éviter une guerre inutile puis par la même occasion elle se donnait un délai de réflexion qui lui permettait d'étudier la personnalité de ce roi. Bilqîs voulait donc tester Salomon et voir ce qu’il y avait derrière ce message où il l’exhortait à se soumettre à « Dieu l’Unique »Si ce roi acceptait son cadeau c’est que sa missive était révélatrice d’une ambition terrestre, par contre tout refus signifierait que la motivation de Salomon était plus profonde autrement dit d’ordre spirituel… Une véritable stratégie diplomatique ! Sayd Qotb perçoit à travers le personnage de cette reine, celui de la femme dans toute sa féminité… La femme qui par son instinct et son intuition féminine innée refuse les guerres et les conflits et préfère la paix et le dialogue4. N’est-il pas dit que la femme personnifie une part quoique infime de l'infinie clémence ou « Rahma » de Dieu sur terre ?… Cette qualité, que certains interprètent comme un signe de faiblesse chez la femme, est bien au contraire symbolisée par le Coran comme un signe d’intelligence et de grande force morale chez cette femme reine… Une souveraine qui règne politiquement avec raison et sagesse tout en gardant son humanité de « femme » comme un don de Dieu… C’est comme si elle humanisait en quelque sorte son action politique par cette sensibilité féminine qui la rend plus proche des réalités humaines quotidiennes… La description que nous fait le Coran de cette femme « chef d’état » est à elle seule une preuve indéniable contre toutes les allégations supposées de « l’hyperémotivité »des femmes qui « raisonnent » moins bien que les hommes du fait de l’ascendant affectif de leur personnalité et qui, suivant la même logique, ne peuvent diriger politiquement parlant, tout un peuple ! ! C’est l’explication retrouvée dans le discours de pratiquement la majorité des savants musulmans et ce quelle que soit leur époque… La femme serait très sensible, excessivement sentimentale et donc vulnérable du point de vue affectif ce qui la rend incapable d’utiliser sa raison et dans la gestion des affaires d’état, nulle place aux sentiments ni aux émotions, c’est la raison qui prime… Or, avancer ce genre d’argumentaire qui supposerait que la femme« raisonne moins »ou que sa « raison » est assujettie à ses sentiments, équivaut à dire qu’elle serait « moins humaine ». En effet, si l’on devait distinguer l’être humain des autres créatures terrestres l’on constaterait que c’est bien la « raison », cette capacité essentiellement « humaine » qui le différencie du reste de la création divine et qui lui permet d’accéder à cette dimension privilégiée de l’être humain avec ses capacités de raisonnement et de discernement… En présumant donc que la femme ait des « carences »dans ce domaine-là on la prive tout simplement d’une partie de sa raison et par là de son humanité… Dans la littérature islamique, entériner ce genre de thèses, du point de vue religieux, a toujours été une tâche facile vue l’ancrage de telles traditions dans l’imaginaire populaire qui stipule la suprématie de l’homme quelque soit le contexte ou l’environnement social… Concernant les affaires politiques et la gouvernance, l’homme étant supposé plus fort, moins émotif et donc plus raisonnable, il est définitivement plus apte que la femme, à gérer ce genre de situations… Il est à noter cependant que ce genre de postulats machistes ne sont pas spécifiques aux seuls peuples musulmans, loin de là, on les retrouve dans toutes les sociétés même celles dites les plus avancées… En France, par exemple, pays des droits de l’homme et berceau du « féminisme », le parlement est composé à 89 % d’hommes et la lutte des femmes pour l’égalité politique a encore un long chemin à parcourir5. Néanmoins, il reste vrai que dans notre contexte musulman, l’accès des femmes aux postes de responsabilité politique est souvent si ce n’est toujours interdit au nom de l’islam… Et il est tout aussi étonnant de voir comment la soit disant interdiction pour la femme d’accéder aux hautes sphères de gouvernance politique est justifiée islamiquement parlant par un seul hadith – un seul uploads/Politique/ reine-de-saba.pdf

  • 24
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager