COMPTES RENDUS Presses de Sciences Po | « Revue française de science politique
COMPTES RENDUS Presses de Sciences Po | « Revue française de science politique » 2004/5 Vol. 54 | pages 859 à 867 ISSN 0035-2950 ISBN 2724629876 DOI 10.3917/rfsp.545.0859 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2004-5-page-859.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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En effet, cet objet est devenu essentiel dans la compréhension des situations de guerre et de paix par la sociologie militaire 1 ; la notion de configuration y apparaît centrale – bien qu’elle mérite d’être affinée – et rend compte d’une tendance épistémologique à laquelle l’histoire reste encore largement étrangère. Cette « timidité » historienne pourrait relever également d’un choix épistémologique encore à l’œuvre quinze ans après les imprécations de Marcel Gauchet 2. En effet, si les historiens se saisissent désormais largement du politique, ils n’envi- sagent pas encore le politique dans l’extension que lui donne la science politique, pas plus qu’ils ne sortent réellement d’une « épistémologie idiographique » privilégiant les singularités historiques 3. Les synthèses historiques traitent ainsi des interactions entre le militaire et le politique, dans l’objectif assez classique de rendre compte des conséquences politiques d’une défaite militaire ou d’évaluer les relations entre les deux pouvoirs pendant les deux guerres mondiales 4. La question centrale semble demeurer celle de la responsabilité de la guerre, par exemple, lors de la défaite française de juin 1940, et elle est mise en scène, en grande partie, dans les mémoires des responsables d’état-major. Là encore, ce sont les historiens anglo- saxons qui ont imposé un changement de perspective 5 pour sortir l’histoire militaire de son statut marginal d’« histoire bataille », en abandonnant la lecture biographique du militaire et, donc, une dimension purement événementielle du politique. Mais les logiques de la décision militaire demeurent encore trop souvent envisagées sur ce mode biographique 6, au détriment de la configuration collective, soulignant que la logique chronologique confirme une lecture dans laquelle le kairos, l’instant décisif, constitue la pièce centrale, en même temps qu’une trace facilement lisible du fait d’arme, qui, malheureusement, occulte la complexité du pro- cessus décisionnel 7. Alexandre BOZA Institut d’études politiques de Paris BAYART (Jean-François) – Le gouvernement du monde. Une critique poli- tique de la globalisation. – Paris, Fayard, 2004. 448 p. À la suite des récents ouvrages de Zaki Laïdi et de Samy Cohen, le livre de J.-Fr. Bayart, intitulé Le gouvernement du monde. Une critique politique de la globalisation, s’inscrit dans une série de publications de chercheurs du CERI sur la globalisation, avec comme toile de fond – implicite ou explicite – les travaux de Bertrand Badie, dont ces essais prennent volontiers le contre-pied. Dans cette perspective, Le gouvernement du monde souligne la dialectique de la globalisation, synonyme non pas d’uniformisation ou d’anomie, mais de « glocalisation », du fait de modes locaux spécifiques d’appropriation de ce phénomène de compression du monde en un seul lieu. Saupoudrée de renvois à Michel Foucault, l’argumentation de J.-Fr. Bayart est nourrie par une connaissance de terrain exceptionnellement riche, même si, surtout dans la deuxième © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 18/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 88.8.215.109) © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 18/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 88.8.215.109) 860 Revue française de science politique moitié de l’ouvrage, le lecteur est noyé dans une profusion de détails rappelant davantage un reportage journalistique qu’une enquête à vocation savante. Cette argumentation a également le mérite de rappeler que la globalisation n’est pas exclusivement un phénomène économique, même si, là encore, l’assimilation du libéralisme au seul consensus de Washington laisse à désirer. Il n’est pas sûr cependant, comme l’annonce la quatrième de couverture, que l’analyse proposée est susceptible de renouveler la théorie politique en général et celle des relations internationales en particulier, grâce à la vision « radicalement » nouvelle du phénomène de la globalisation qui y serait présentée, critique à la fois du discours néo-libéral, qui y voit le vec- teur de la fin de l’histoire, et du discours alter-mondialiste, qui y voit le dernier avatar du capi- talisme triomphant et aliénant. En effet, la vision proposée n’innove pas par rapport aux global studies et à la théorie des relations internationales que J-. Fr. Bayart caricature plus que de raison. Au sein de la théorie des relations internationales ou, mieux, des théories des relations internationales, tant celles-ci sont plurielles, concurrentes, l’État continue d’être considéré comme l’acteur prédo- minant par la grande majorité des internationalistes, et pas seulement les réalistes. Seule l’approche transnationaliste, par ailleurs marginale du point de vue de son importance quanti- tative au sein de la discipline, privilégie les relations autres qu’interétatiques, sans pour autant affirmer le délitement de l’État : en la matière, Susan Strange, citée par J.-Fr. Bayart, est l’arbre qui cache la forêt, car quiconque maîtrise la littérature concernée sait que de l’interdépendance complexe chère à Keohane aux turbulences post-internationales de Rosenau, en passant par la société mondiale de Burton, le monde est considéré comme tout à la fois interétatique et multi- centré. Quant aux global studies, loin de voir dans la globalisation un phénomène univoque quant à son impact sur la souveraineté des États et l’identité des individus et groupes sociaux, elles soulignent, depuis une bonne quinzaine d’années, la capacité transformatrice de la multi- plication des flux transsociétaux. Dario BATTISTELLA Institut d’études politiques de Bordeaux TAGUIEFF (Pierre-André) – Le sens du progrès, une approche historique et philosophique. – Paris, Flammarion, 2004. La signification des mots employés dans le langage courant pour désigner la complexité des phénomènes sociaux n’est pas une donnée naturelle, mais une production philosophico- historique, construite à partir d’un ensemble de représentations et de croyances. La remise en cause de ces définitions s’imposant à nous sur le mode de l’allant de soi constitue l’une des principales préoccupations de P.-A. Taguieff. C’est à l’historien des idées de « repenser » les attributions de sens apposées arbitrairement sur certaines notions, en clarifiant leurs compo- santes conceptuelles et en examinant leurs usages idéologico-politiques au cours de l’histoire. Après avoir développé ce type d’approche dans La force du préjugé en analysant la complexité de l’expression « racisme » 1, P.-A. Taguieff s’est attaqué à celle de « progrès », dont il sou- haite étudier le sens à la fois d’un point de vue historique (suivre l’orientation du concept à tra- vers son émergence, ses utilisations et ses métamorphoses) et philosophique (penser l’une des significations adéquates pour désigner le terme et le rendre opératoire au cœur de la réflexion que l’on souhaite développer). Tout en présentant la manière dont le mot a été utilisé par un certain nombre d’auteurs, allant de Francis Bacon à Georg Simmel, P.-A. Taguieff sait se montrer critique dans le cadre du travail généalogique (nietzschéen) qu’il est en train d’effectuer. Dans l’analyse de certains textes du 18e siècle, notamment les écrits de Condorcet, il montre les apories d’un « progressisme naïf ». Les visions optimistes vis-à-vis du progrès espéraient voir évoluer l’humanité vers un état de perfectibilité où règnerait le bonheur de tous. L’une des plus grandes dérives de ces croyances prométhéennes se trouve dans les conceptions eugénistes (universa- listes ou particularistes) qui avaient imaginé une société parfaite caractérisée par l’existence 1. La force du préjugé, essai sur le racisme et ses doubles, Paris, Gallimard, 1999 (Tel) (1re éd. : 1987). © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 18/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 88.8.215.109) © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 18/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 88.8.215.109) Comptes rendus 861 d’une « race pure » ou bien par des individus expurgés de toutes anomalies (maladies, mixité, perversions, etc.). Depuis les variations sur l’évolution de l’espèce humaine élaborées par Spencer jusqu’à la proclamation moderne de l’inégalité des « races » humaines dans des dis- cours tels que ceux de la féministe libérale Clémence Royer, P.-A. Taguieff montre que des visions progressistes combinées aux préjugés incorporés au sein d’une époque peuvent débou- cher sur un anti-humanisme scientiste provoquant le malheur des catégories sociales jugées indignes de faire partie de cette uploads/Politique/ rfsp-545-0859.pdf
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- Publié le Apv 19, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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