1 Document 1 Le retour des politiques keynésiennes par Jacques ADDA. Le dogmati
1 Document 1 Le retour des politiques keynésiennes par Jacques ADDA. Le dogmatisme des années 80 a fait place, dans le domaine budgétaire comme dans le domaine monétaire, à un pragmatisme qui tend à se généraliser dans les pays développés. Keynes est de retour. Il suffit de prêter attention aux débats de politique économique des deux côtés de l'Atlantique et du Pacifique pour sentir que quelque chose a changé. L'activisme budgétaire, décrié depuis plus de vingt ans, est clairement à l'ordre du jour aux Etats-Unis, où l'expansion budgétaire programmée pour 2002 pourrait être la plus forte depuis 1983. Quant à l'Europe, elle cherche par tous les moyens à desserrer les contraintes du pacte de stabilité (qui borne le déficit public à 3 % du PIB) pour laisser jouer les stabilisateurs économiques. Autrement dit, pour laisser l'accroissement spontané du déficit public jouer sont rôle d'amortisseur conjoncturel en période de crise. Le Japon, qui n'a pas hésité à manier l'arme budgétaire à des fins conjoncturelles au cours des dix dernières années, s'interroge sur les moyens de maximiser l'effet expansif de la dépense publique. De façon significative, la persistance de la crise npas mise sur le compte d'une politique budgétaire trop active, mais sur l'orientation inadéquate de la dépense publique et sur les changements de cap inopportuns, comme la décision de relever les impôts en 1997, qui a étouffé dans l'oeuf la reprise engagée un an plus tôt. Lorsque l'instrument budgétaire a été utilisé avec détermination et efficience, comme en 1995, les résultats ne se sont pas fait attendre(1). Une orientation contracyclique... Dans le domaine monétaire, le tableau est plus clair encore. L'orientation contracyclique de la politique monétaire est devenue évidente aux Etats-Unis dès la fin des années 80, dès l'entrée en fonction d'Alan Greenspan à la tête de la banque centrale américaine, en 1987. A quatre reprises - à la suite du krach boursier d'octobre 1987, lors du retournement conjoncturel du second semestre 1990, lors de la crise financière de l'automne 1998 et depuis la fin 2000 -, la politique monétaire a été délibérément et systématiquement mise au service de la stabilisation conjoncturelle, parfois à titre clairement préventif, comme fin 1987 et fin 1998. La dernière phase d'assouplissement monétaire est particulièrement impressionnante. Au cours de l'année 2001, la Fed, la Réserve fédérale américaine, a fait passer son taux d'intérêt de 6 % à 1,75 %, dont trois points de baisse avant le 11 septembre. Jamais la Fed n'a été aussi agressive dans un tel soutien de l'activité. A moins de 2 %, les taux courts américains sont à leur plus bas niveau depuis le début des années 60. Ils sont aussi négatifs en termes réels pour la première fois depuis le milieu des années 70. En Europe, les réticences de la Banque centrale européenne (BCE) à utiliser l'arme monétaire à des fins conjoncturelles n'ont pas résisté au retournement de la conjoncture, et notamment à l'entrée en récession de l'économie allemande au printemps 2001. A la suite du 11 septembre, la BCE mettait un peu de côté son discours stéréotypé sur la nécessité de ramener l'inflation en dessous de l'objectif officiel de 2 % et baissait à deux reprises son taux directeur d'un demi-point, de façon à enrayer la dégradation rapide de l'activité. Bien que timide au regard de l'action déterminée de la Fed, la lente acceptation par la BCE de ses responsabilités en matière conjoncturelle témoigne d'un changement de cap par rapport à l'orthodoxie quantitativiste en vigueur pendant ses deux premières années d'activité. La Banque d'Angleterre, de son côté, faisait preuve, de moins de timidité, abaissant son taux d'intérêt de deux points en 2001, soit à 4 %, son plus bas niveau depuis 1964, malgré un taux de croissance qui place le Royaume-Uni en tête du G7(b) en 2001. Le cas du Japon est, là encore, particulier. Avec un taux d'intérêt ramené pratiquement à zéro depuis 1995, le Japon fait figure, en apparence, de cas extrême en matière d'activisme monétaire. Les choses sont toutefois plus complexes qu'elles n'y paraissent. Confrontée à des tendances déflationnistes marquées, la Banque du Japon a épuisé ses marges de manoeuvre en matière de taux, sans réussir à relancer l'offre de crédit bancaire. Les bilans des banques sont en effet encombrés d'une masse considérable de créances douteuses, qui va en grossissant 2 avec la chute de la Bourse, et les dissuade de prêter à des entreprises elles-mêmes surendettées(2). Ne pouvant aller jusqu'à rémunérer les emprunts par des taux négatifs, la banque centrale n'a d'autre choix, pour élever la liquidité de l'économie, que de monétiser le déficit public, c'est-à-dire de le financer par la création monétaire, un pas qu'elle n'a pas encore osé franchir. ... après trente ans d'orthodoxie libérale Au total, la récession aidant, la politique économique a pris en 2001 une orientation contracyclique dans les trois pôles de la Triade (Etats-Unis, Europe, Japon). Cette évolution témoigne d'un revirement profond des conceptions macroéconomiques, à l'issue d'un long règne quasiment sans partage de l'orthodoxie libérale. Comment comprendre un tel aggiornamento ? Il faut pour cela se remémorer les conditions de la crise du modèle keynésien de régulation conjoncturelle dans les années 70. Cette crise s'est développée, à l'époque, au niveau empirique et au niveau théorique. Au niveau empirique, le modèle n'a pas résisté à la double mutation que constituaient l'irruption de la stagflation - combinaison d'un chômage et d'une inflation élevés - et l'accélération du processus de globalisation. L'irruption de la stagflation a fait voler en éclats, au moins dans un premier temps, l'idée de l'existence d'un arbitrage inflation-chômage, qui fondait l'action conjoncturelle depuis les travaux de Phillips. Les tentatives de relance budgétaire menées à l'issue du choc pétrolier dans différents pays, dont les Etats-Unis et la France, n'ont pas toujours réussi à résorber le chômage, tandis que l'inflation demeurait élevée et que la dette publique gonflait dangereusement. L'intensification de l'effort à l'exportation, nécessaire au règlement de la facture pétrolière, révéla par ailleurs l'existence d'une contrainte de compétitivité, largement négligée jusque-là, que la concurrence nouvelle des pays à bas salaires exacerba. Les économies s'ouvrant rapidement, la gestion de la demande devint plus hasardeuse, comme la France en fit l'expérience amère en 1981-1982. Faute de pouvoir canaliser le surcroît de demande vers l'offre intérieure, la relance budgétaire n'avait pour effet que de creuser le déficit extérieur. Quant à la politique monétaire, elle faisait l'apprentissage des limites posées à son autonomie par les progrès d'une intégration financière internationale dynamisée par le recyclage des excédents pétroliers et les premiers pas de la libéralisation financière aux Etats-Unis. Au niveau théorique, le modèle keynésien fut soumis à une attaque en règle par des économistes classiques revigorés par l'impasse dans laquelle se trouvait désormais la politique conjoncturelle. La courbe de Phillips fut déconstruite par Milton Friedman, qui, en réintroduisant des hypothèses classiques sur la formation de l'offre et la demande de travail, montra que le taux de chômage était indépendant du taux d'inflation à long terme. Selon cette analyse, l'existence d'un arbitrage apparent entre inflation et chômage à court terme ne résulterait que d'une information imparfaite des agents économiques et du caractère adaptatif des anticipations d'inflation. Plus radical, Robert Lucas développait un modèle d'anticipations rationnelles qui ôtait toute efficacité à la politique monétaire en matière de lutte contre le chômage, y compris à court terme. Dans le domaine budgétaire, Robert Barro présenta son fameux théorème d'équivalence(c), qui prétend démontrer que, quel que soit son mode de financement, l'accroissement du déficit public n'a aucune incidence sur la demande agrégée, donc sur la production et l'emploi. Parce que, dans tous les cas, que le déficit soit financé par l'emprunt ou par la création monétaire, les agents privés relèveront leur taux d'épargne de façon à se prémunir contre l'érosion monétaire de leur patrimoine financier ou à se protéger des impôts qui seront vraisemblablement levés à l'avenir pour rembourser l'accroissement de la dette publique. Plus simplement, l'idée s'imposait à la fin des années 70 que l'inefficacité des politiques de relance budgétaire découlait de l'importance des effets d'éviction de la demande privée, dans la mesure où la demande de financement émanant du secteur public suscite une hausse des taux d'intérêt à long terme qui exerce un effet dépressif sur la demande privée. Loin de prendre le relais de la demande privée dans les phases de creux conjoncturel, la demande publique se substitue à elle. La politique monétaire se borne à résorber l'inflation Ayant vidé de sa substance le modèle keynésien de régulation de la demande, les nouveaux classiques 3 réorientèrent l'analyse de la politique économique vers les conditions d'offre dans le cadre de modèles parfaitement dichotomiques, où la sphère réelle de l'économie (production, emploi, salaires réels, profits, etc.) et la sphère monétaire évoluent de façon complètement indépendante l'une de l'autre. La politique monétaire se vit assigner la tâche exclusive de résorber l'inflation par une politique de contrôle de l'offre de monnaie, l'incidence des variations du taux d'intérêt nominal sur la demande agrégée étant jugée insignifiante. De façon logique, l'accent fut progressivement mis sur la nécessaire indépendance institutionnelle des banques centrales, uploads/Politique/ politiques-e-co-articles.pdf
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- Publié le Aoû 25, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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