Du même auteur Obama. Les secrets d’une victoire, Fayard, 2008. Obama face au p
Du même auteur Obama. Les secrets d’une victoire, Fayard, 2008. Obama face au pouvoir, Fayard, 2012. Rien n’est joué d’avance, avec Patrick Bourdet, Fayard, 2014. Wa$hington. Comment l’argent a ruiné la démocratie américaine, Fayard, 2016. L’Affaire La Fayette, Robert Laffont, 2018. À Stacey, Vivienne et Margaux, mes trois Américaines qui ne portent pas Donald Trump dans leur cœur. To Lonnie and David, who believe this President is making America great again! Pour comprendre l’Amérique, il faut comprendre les républicains. Avertissement Je dois l’avouer. Stacey, mon épouse, américaine de naissance et démocrate de conviction, déteste Donald Trump. Elle le considère comme une hérésie politique et une honte pour son pays. Largement influencées par leur mère, nos filles, Vivienne et Margaux, se pincent le nez dès que leur regard se pose sur une photo de lui. Mes beaux-parents, eux, sont des farouches partisans du président américain et revendiquent fièrement leur adhésion à la « révolution Trump ». Comptable à la retraite, mon beau- père, David Pavesi, admire Trump autant par fascination pour le milliardaire que par détestation de la classe politique. « Lui au moins est différent », me répète-t-il sans cesse, comme si le fait que Trump n’appartienne pas à l’establishment suffisait à faire de lui un défenseur de la classe moyenne. Fils d’un syndicaliste du Midwest d’origine italienne, David est le premier de sa famille à avoir décroché un diplôme universitaire. Il est aussi le premier à voter républicain. Comme beaucoup de ses concitoyens, il estime que Washington a depuis longtemps tourné le dos à l’Amérique du milieu. Séduit par son discours musclé, ses saillies anti- migrants et sa rhétorique anti-élite, il voit en Donald Trump le seul homme politique capable de redonner aux États-Unis leur puissance et leur fierté. L’élection de Trump a décomplexé cet homme discret, affable et religieux. Lui qui refusait de parler politique n’hésite plus à clamer ses opinions, comme si la victoire de Trump avait légitimé ses convictions. À lui seul, David Pavesi incarne les contradictions des électeurs de Trump. Il applaudit sa politique migratoire, alors qu’il est marié à une Taïwanaise. Il soutient son protectionnisme pour sauver l’industrie automobile américaine, alors qu’il n’achète, depuis vingt ans, que des Toyota ou des Mercedes ! En 2020 David et Lonnie Pavesi voteront pour Trump une deuxième fois, sans hésiter. Leur fille, elle, soutiendra le candidat démocrate pourvu qu’il batte le président sortant. À la table des Pavesi, j’ai assisté à l’approfondissement du fossé qui sépare l’Amérique progressiste de l’Amérique conservatrice. Il y a longtemps que ces deux Amériques ne s’entendent plus. Depuis l’élection de Donald Trump, elles semblent ne plus se comprendre, et quand elles tentent de se parler, cela finit souvent en pugilat. Chez les Pavesi, comme dans beaucoup de familles américaines, Trump a augmenté la température politique. Méthodiquement, ce président semble avoir arrosé chaque sujet d’une couche de kérosène politique qui rend les débats inflammables. Les Pavesi symbolisent ces divisions qui travaillent la société américaine. Je les remercie d’avoir nourri ce livre et je vous laisse imaginer les discussions dans le salon familial ! Introduction « Un génie mentalement très stable » Samedi 6 janvier 2018, 7 h 19. Washington se lève à peine et les nouvelles sur CNN sont plutôt calmes. Soudain, un bandeau Breaking News s’affiche sur les écrans. Donald Trump vient de twitter ! @realDonaldTrump Maintenant que l’enquête sur l’influence des Russes a montré, après un an d’intense investigation, que tout ça n’était qu’une farce, les démocrates et leurs chiens de garde, les médias traditionnels et leurs « Fake News », ressortent Ronald Reagan et m’accusent d’être mentalement instable et débile… Six minutes plus tard, il envoie un deuxième tweet : En fait, toute ma vie, mes deux atouts ont été ma stabilité mentale et le fait que j’étais, genre, vraiment intelligent. « Hillary Clinton la Pourrie » a essayé de faire croire le contraire et, comme chacun sait, ça s’est retourné contre elle. Je suis passé de businessman qui a TRÈS bien réussi à star de la télé… Puis un troisième : à président des États-Unis (j’ai été élu du premier coup). Je pense que cela fait de moi non seulement un type intelligent, mais aussi un génie… et surtout, un génie mentalement très stable ! Un génie mentalement très stable… Quelle étrange pulsion a poussé Donald Trump à poster ces messages ? Fanfaronnade ? Délire narcissique ? Une chose est sûre : jamais dans l’histoire américaine un président n’avait osé gloser sur sa santé mentale ou vanter ses capacités intellectuelles ! Si déroutants qu’ils soient, ces tweets sont à l’image de la présidence de Donald Trump. Ils résument le rapport complexe que le milliardaire entretient avec la fonction qu’il occupe. Ce trublion électoral se révèle difficilement saisissable. Ses supporters le décrivent comme une bête politique, habile et instinctive. Ses adversaires le disent instable et impulsif. Il est assurément vulgaire et truculent. Donald Trump reste avant tout un président hors norme. Depuis le bureau ovale, il manie l’injure et le mensonge, jongle avec le scabreux et le salace, et se délecte de la controverse et du pugilat. À coups de tweets incendiaires, il insulte, vilipende, menace, attaque et admoneste sans aucune retenue. Avec ses deux pouces et en 280 signes (140 avant que Twitter ne permette d’en doubler le nombre en novembre 2017), Donald Trump terrorise la planète. « Crétin », « psycho », « petit gros », « dingo », « poids plume », « menteur », « pourri » font partie du nouveau lexique de la Maison-Blanche. Un par un, Trump transgresse tous les interdits politiques. Il distord la réalité, outrepasse ses pouvoirs et se joue en permanence des grands équilibres institutionnels. Aucun de ses quarante-quatre prédécesseurs n’avait osé tester la fonction présidentielle de cette manière. Adepte de la sulfateuse autant que du lance-flammes, Donald Trump semble enclin à tout faire sauter. La modération comme la modestie lui sont totalement étrangères, et la moindre escarmouche peut facilement dégénérer. Depuis son investiture, le président américain n’a eu de cesse de diviser son pays en soufflant sur les braises de la discorde. Appartenance religieuse, inclination sexuelle, avortement, couleur de peau, immigration, Donald Trump semble vouloir creuser les lignes de fractures qui segmentent la société américaine. Par ses tweets hautement inflammables, il a multiplié les bombes à fragmentation politique comme s’il voulait pulvériser le corps électoral pour en récolter les miettes. À l’évidence, Donald Trump ne conçoit pas le président des États-Unis comme le garant de l’unité du pays. Sa présidence a pris des allures de mauvaise sitcom hollywoodienne où se mêlent stars du porno, procureurs spéciaux, avocats véreux et conseillers corrompus. Entre scandales, enquêtes et contre-enquêtes, entre révélations obscènes et détails lubriques, ce soap opera politique défraie la chronique depuis le premier jour. Plus chef de bande que commandant en chef, Donald Trump s’est montré incapable de mettre de l’ordre dans son gouvernement. Partisan de l’humiliation publique, le Président a limogé plusieurs de ses ministres sur Twitter. Il a déjà usé quatre conseillers à la sécurité nationale, trois secrétaires à la Défense, trois attorneys general et trois porte-parole. Ravagé par les luttes intestines, l’exécutif américain ressemble à une foire d’empoigne où chacun règle ses comptes par médias interposés. Le plus surprenant est que Donald Trump semble lui-même organiser cette catalepsie gouvernementale, comme s’il admirait le spectacle morbide de l’affaissement programmé de sa propre administration. À moins qu’il ne veuille mettre en scène sa singularité en structurant l’image d’un président disruptif, qui s’oppose à la manière dont l’élite politique, républicaine ou démocrate, gère l’exécutif depuis des décennies. Malgré ses défaillances, son électorat le soutient solidement. Donald Trump apparaît comme un homme politique d’un genre nouveau qui dit ce qu’il pense et qui fait ce qu’il dit. Un président qui tourne le dos au politiquement correct et à la tiédeur idéologique de l’establishment washingtonien. À cet égard, son action gouvernementale contribue à renforcer cette perception. Les institutions américaines ont, jusque-là, réussi à contenir la « déflagration Trump ». La prééminence du Congrès et les contre-pouvoirs ont évité que Trump ne fragilise les fondements de l’édifice constitutionnel américain. Mais pour combien de temps ? Il faut pourtant l’admettre, mieux qu’aucun autre, Trump a compris la colère collective qui traverse l’Amérique. Il a saisi l’impact électoral de l’insécurité culturelle dans laquelle est plongée une partie de la classe moyenne. En brandissant l’étendard d’une Amérique musclée, fière et véhémente, il a tenté d’injecter une grande dose d’antidépresseur dans une nation en perte de repères. Face à une élite politique hors sol, incapable de forger un consensus national, Trump a tenté, à sa manière, de donner du sens à une mondialisation de plus en plus inquiétante. Une fois élu, ce président outrancier a réussi le pari d’incarner le rejet de Washington… depuis la Maison-Blanche ! * « L’homme que [le parti] a choisi ne ressemble à aucun autre politicien qui s’est présenté à la présidence dans l’histoire de ce pays, et s’il est élu, il accédera au pouvoir à un moment où l’Amérique court le danger uploads/Politique/ guillaume-debre-je-twitte-donc-je-suis.pdf
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- Publié le Nov 04, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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