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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/272542875 Géographie politique, géopolitique et géostratégie: distinctions opératoires Article in L'Information géographique · January 2001 DOI: 10.3406/ingeo.2001.2732 CITATIONS 2 READS 2,817 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Border barrières studies View project Stephane Rosiere Université de Reims Champagne-Ardenne 30 PUBLICATIONS 92 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Stephane Rosiere on 25 April 2017. The user has requested enhancement of the downloaded file. 1 Propositions pour une distinction opératoire entre la géopolitique, la géographie politique et la géostratégie Stéphane Rosière, Maître de Conférence au Département de géographie de l’Université Nancy 2. Texte publié dans la revue L’Information géographique, Paris, Armand Colin, 2001, vol. 65, n°1, pp. 33-42. Les notions de géographie politique, de géopolitique, mais aussi de géostratégie sont souvent définies de manières contradictoires. Des recherches épistémologiques longues et complexes ne sont pas forcément le chemin le plus aisé pour tenter de déterminer, suivant les idées de leurs fondateurs et de leurs détracteurs, les champs respectifs de ces disciplines1. Il peut être plus simple, et plus utile, de réfléchir à la manière dont on considère l’espace pour fonder une distinction opératoire entre ces démarches. Raymond Aron rappelait utilement que l’espace peut être successivement considéré comme milieu, théâtre et enjeu2. Cette triple déclinaison avait le mérite de souligner le caractère plurivoque de l’espace, mais cette approche, alors que le but d’Aron était bien, avant tout, de développer une théorie générale des relations internationales a été laissée en friche. Elle semble pourtant une bonne piste de réflexion pour déterminer la spécificité et les liens existant entre ces disciplines pour autant que l’on reformule cette proposition initiale. D’une part, la notion de milieu (espace entourant les êtres vivants et influant sur eux) apparaît trop contraignante et déterministe alors que l’on envisage le monde d’un point de vue politique. La notion de milieu renvoie plutôt à une classification écologique (milieu naturel) ou sociologique (milieu social). C’est pourquoi, à la notion de milieu on peut préférer celle de cadre3 et plus précisément celle de « cadre politique ». Il paraît aussi nécessaire de modifier l’ordre dans lequel ont été énumérés les termes suivant lesquels on peut considérer l’espace. En effet, si l’espace est bien avant tout un cadre, il se doit d’être un enjeu avant d’être un théâtre. En effet, s’il n’y a pas d’enjeu, il n’y a pas de rivalité, ni d’affrontement, donc pas de « théâtre » au sens classique du terme. On peut donc reformuler la proposition aronienne et considérer l’espace successivement comme cadre, enjeu et théâtre. C’est sur la base de cette triple déclinaison que l’on peut poser les bases du champ d’investigation de la géographie politique qui considère l’espace comme cadre, de la géopolitique qui considère l’espace comme enjeu et, par déduction, de la géostratégie qui considère l’espace comme théâtre. Chacune de ces approches se distingue ainsi structurellement des autres, mais elles forment ensemble un raisonnement cohérent. En effet, la connaissance de la 1 Pour une vision synthétique de ces disciplines : LOROT Pascal, Histoire de la géopolitique, Economica, Paris, 1995, 110 p. 2 ARON Raymond, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 8e éd., 1984, p. 188 : “L’espace peut être considéré tour à tour comme milieu, théâtre et enjeu de la politique étrangère”. 3 Les dictionnaires de géographie ne reprennent pas la notion de « cadre » contrairement à celle de « milieu ». géographie politique apparaît nécessaire pour formuler un raisonnement géopolitique et la connaissance de la géopolitique apparaît nécessaire pour formuler un raisonnement stratégique. Ainsi, à une opposition fondamentale entre la géographie politique et la géopolitique, on pourra préférer l’idée de complémentarité de ces savoirs dans un ensemble cohérent. L’espace en tant que cadre Considéré comme un cadre, l’espace politique est divisé en territoires (le territoire étant défini comme un espace approprié) qui sont l’objet d’une description statique. Cette description permet d’établir des typologies et, éventuellement, des hiérarchies entre les différents types de territoire. Le cadre politique doit être appréhendé dans sa complexité, à des échelles différentes, par le biais d’une analyse « diatopique ». Ce cadre ne se limite pas au territoire des Etats. La géographie politique doit aussi inclure la description des frontières qui délimitent ces territoires. Une typologie des « lignes politiques » apparaît nécessaire. Enfin, la description des pôles politiques doit compléter ces deux éléments fondamentaux (pôles politiques : capitales, mais aussi centres de commandement, pôles spirituels ou symboliques). La géographie politique peut donc être considérée comme la description du cadre politique mondial. Ce cadre étant formé de territoires, de lignes et de pôles. Les territoires politiques les plus classiques sont les Etats. Dans l’approche ratzelienne, ils étaient même les seuls territoires pris en considération4. Cette approche paraît aujourd’hui obsolète. La géographie politique contemporaine doit décrire d’autres territoires politiques, elle ne peut plus être « monoscalaire » (à une seule échelle). Les autres territoires politiques sont de trois types : territoires infraétatiques (ou subétatiques), que forment les régions ou d’autres types d’entités administratives ; territoires supraétatiques, composés de réunions d’Etats en organisations (OIG) à vocation mondiale ou régionale ; territoires transétatiques, dont les limites ne correspondent pas à celles du pavage étatique. Dans cette catégorie, on peut inclure les territoires linguistiques et religieux, ou les territoires homogènes en terme de niveau de développement. Il paraît en tout cas trop restrictif (et cela induit aussi une vision trop autoritaire) de considérer l’Etat comme seul producteur d’espaces politiques. D’autres « acteurs » (notion de géopolitique) produisent des territoires, que ce soit les groupes politiques (partis), les groupes religieux (Eglises), les groupes ethniques ou nationaux, etc. Cette liste n’est pas exhaustive. Tous ces acteurs produisent un pavage socioculturel qui se superpose ou se différencie du pavage étatique. Il est fondamental de décrire ces deux types de pavage dans le cadre de la géographie politique. En effet, le seul pavage étatique n’est pas suffisant pour comprendre et analyser les problèmes géopolitiques qui naissent, au contraire, le plus souvent des décalages et distorsions entre ces différents maillages. Les lignes politiques par excellence sont les frontières (terrestres, maritimes et aériennes) mais aussi les limites administratives. On pourra aussi intégrer à cet 4 RATZEL Friedrich, La géographie politique, Concepts fondamentaux, Fayard, Paris, 1988. 3 ensemble (en conséquence du choix fait à propos des territoires) les limites linguistiques, religieuses, ou économiques (si elles existent clairement) comme des lignes politiquement significatives. Encore une fois, les limites de l’Etat ne sont pas les seules lignes intéressant la géographie politique. Les pôles politiques par excellence sont les capitales (d’Etat ou de régions), les centres décisionnels : sièges permanents d’OIG, d’ONG, d’Eglise ou d’entreprise, qui organisent et gèrent l’espace. On peut aussi inclure à cet ensemble les centres intellectuels ou spirituels à forte valeur identitaire (Peć au Kosovo pour les Serbes, La Mecque pour les Musulmans, Bénarès pour les Hindouistes, etc.). L’étude des territoires, des lignes et des pôles politiques n’est pas une fin en soi. Elle constitue plutôt un premier pas réunissant les prolégomènes géographiques nécessaires à l’analyse géopolitique. L’espace en tant qu’enjeu Lorsque l’espace est envisagé de manière dynamique, en tant qu’enjeu, il devient l’objet de la géopolitique. L’approche dynamique des territoires politiques (Etats, régions et entités administratives, OIG à vocation régionale ou universelle) est le premier élément de toute analyse géopolitique. Cependant, celle-ci doit aussi inclure, comme le sous-entend la notion d’enjeu (que l’on peut assimiler à un objectif), l’existence d’acteurs identifiables, développant chacun des « représentations territoriales » et une stratégie. Dynamique des territoires Si la géographie politique décrit le cadre politique à un moment donné, la géopolitique s’attache d’abord à décrire l’évolution spatiale de ce cadre. P. Lorot et F. Thual ont proposé d’étudier les « régions focales » (régions à partir desquelles se sont développés les Etats) et d’établir la morphogenèse des Etats (évolution spatiale des territoires)5. Les territoires des OIG ou des régions sont des sujets importants, encore une fois, l’Etat ne peut être considéré comme le seul élément structurant. Par ailleurs, la notion de « territoire socioculturel » peut être proposée pour décrire le maillage non étatique pertinent en termes politiques. La connaissance précise des territoires linguistiques (en Belgique par exemple), religieux (en Irlande ou en Irak par exemple), ou socio-économiques (en Italie par exemple), est fondamentale pour mener à bien une analyse géopolitique. L’approche géopolitique, ce « savoir penser l’espace » suivant la formule d’Yves Lacoste, fait une large part à la chronologie (géographie historique) et doit se développer à différentes échelles. Les tenants d’une géopolitique synonyme de Relations Internationales ont tendance à ne penser la géopolitique qu’à petite échelle, or la grande échelle (le local) est souvent fondamentale pour expliquer certains phénomènes, pour montrer où se situent les oppositions, les points névralgiques. Les intersections d’ensemble sont très importantes puisque le maillage frontalier (OIG, Etat, région, territoires socioculturels) forme des ensembles sécants qui génèrent des rivalités de pouvoir. Tous les types de territoires doivent être comparés pour déterminer les intersections uploads/Politique/ rosiere-information-geographique2001 1 .pdf
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- Publié le Apv 23, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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