SCIENCE POLITIQUE Concepts fondamentaux Professeur : Amine THABET Mastère de Re
SCIENCE POLITIQUE Concepts fondamentaux Professeur : Amine THABET Mastère de Recherche en Science Politique 1 INTRODUCTION La science politique est une discipline récente. Elle a connu son véritable essor au 20ème siècle. La science politique ou la démarche politiste se constitue autour de 3 repères : - Séparation rigoureuse du regard clinique et du jugement de valeur moral ou partisan ; - Utilisation de méthodes et de techniques d’investigation, communes d’ailleurs à l’ensemble des sciences sociales, permettant l’établissement de faits et leur mise en perspective ; - Ambition de systématisation, c’est-à-dire proposition de cadres généraux d’analyse, et construction de modèles ; Aux origines de la science politique moderne, il est possible d’évoquer Thucydide, Aristote, Machiavel, mais aussi Montesquieu, Tocqueville, Marx, Gramsci, … La science politique moderne est apparue en Europe au début du 20ème siècle. On peut en citer les premiers véritables auteurs : - Vilfredo Pareto (Traité de sociologie générale)1 1 Economiste et sociologue italien (1848-1923) : il a développé la théorie de la circulation des élites : les classes sociales se distinguent entre masse et élite, l’élite est elle-même séparée entre élite gouvernementale et non Vocabulaire : Pour nommer la discipline de la science politique, il existe différentes terminologies. Une expression un peu solennelle « politologie » forgée à partir de deux mots grecs (Polites =citoyen, et logos = discours). Employée pour désigner l’ensemble des grandes méditations sur le fait politique. Cette expérience mélange le sens de philosophie politique avec celui de science politique moderne. Les spécialistes de science politique peuvent être nommés : - Politologues : lié à la politologie - Politiste : lié à la science politique moderne 2 - Max Weber dont l’œuvre aborde les modes de légitimation du pouvoir, la bureaucratie, les relations entre variables culturelles et évolutions sociétales (L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme), enfin les problèmes épistémologiques (Le savant et le Politique). - Roberto Michels (Les partis politiques) - André Siegfried (Tableau politique de la France de l’Ouest) Ces auteurs européens ont fourni chacun dans un secteur précis un véritable ouvrage de référence. La rigueur conceptuelle, associée systématiquement à la recherche empirique exigeante ainsi qu’à la préoccupation de déboucher sur des modèles explicatifs. Aux Etats-Unis, la science politique se développe dans le cadre du Béhaviourisme : - Arthur Bentley - Charles Merriam - Harold Lasswell En marge de la science politique mais en lien étroit avec celle-ci, on peut citer l’œuvre de Durkheim qui est un sociologue. L’œuvre de Durkheim interpelle la science politique et pose la question de ses limites et confins en tant que discipline propre. A la fin du 19ème siècle avait dominé l’idée selon laquelle la science politique est au carrefour de plusieurs disciplines connexes : l’économie, l’anthropologie, la psychologie, la sociologie, le droit public, etc. Cette idée reflète une méfiance (chez certains hommes politiques), une condescendance (chez certains universitaires), voire un certain corporatisme (chez certains sociologues et spécialistes du droit public). Il est admis aujourd’hui que l’objet de la science politique regroupe 4 grandes rubriques : - Théorie politique : à la différence de la philosophie politique, celle-ci n’est pas normative. Elle récuse le jugement de valeurs mais s’attache à formuler des hypothèses sur les faits et leurs systèmes d’explication gouvernementale. La masse monte, confronte l’élite en place, celle-ci la combat ou l’intègre. La défaite de l’élite en place conduit à son remplacement par une nouvelle élite. 3 se démarquant ainsi de l’empirisme pur et simple. S’y adjoint l’histoire des idées politiques. - Institutions politiques : étude monographique du gouvernement central et des gouvernements locaux ; celle aussi de l’administration publique ; enfin, l’observation et l’analyse des diverses fonctions que ces institutions assument. L’approche du politiste se distingue de celle du juriste en ce qu’elle s’intéresse moins à la lettre des textes (quand ils existent) qu’aux pratiques concrètes et aux jeux de forces sociales qui les reproduisent ; - Partis, groupes et opinion publique : groupes de pression, élections, information et propagande ; - Relations internationales : organisations internationales, politique étrangère des Etats, coopération, conflits ; problèmes de défense et sécurité, géopolitique. Généralement, on y inclut aussi l’étude des zones politiques. Aujourd’hui, ces catégories ont été davantage affinées, on parle de : - Théorie politique ; - Sociologie politique ; - Science administrative ; - Relations internationales ; Le politique C’est le champ social de contradictions d’intérêts (réels ou imaginaires, matériels ou symboliques), mais aussi de convergences et d’agrégations partielles, régulé par un Pouvoir. Ce Pouvoir dispose su monopole de la contrainte légitime. - Quand un pouvoir devient-il politique ? Dès lors qu’il dispose effectivement de ce monopole de coercition, qui garantit la capacité de dire, de faire appliquer le Droit dans l’ensemble de la société ; - Quand un problème, une décision, un choix deviennent-ils politiques ? (au sens défini supra). Dès lors que le conflit est régulé par le Pouvoir politique au lieu d’être traité à un autre niveau. Rien n’est intrinsèquement politique, tout peut le devenir. Ainsi la question de l’avortement devient-elle politique à partir du moment où les conflits (matériels ou symboliques) qu’elle renferme sont portés devant l’Etat 4 déclenchant en même temps qu’un débat le mécanisme d’un processus décisionnel. Même chose pour une grève, pour l’emploi, l’orientation scolaire, etc. La politique C’est la scène où s’affrontent les individus et les groupes en compétition pour conquérir le pouvoir de l’Etat (et ses démembrements) ou pour l’influencer directement : partis politiques, lobbies, mouvements sociaux, syndicats etc. La Politique représente une scène de débat permanent, plus ou moins réactivé par les échéances électorales, qui se nourrit de problèmes issus de la société globale mais codés en fonction de ses exigences propres. Ex : le problème de l’emploi. A la base, c’est un problème économique et il pourrait le rester. C’est-à-dire n’être l’objet que d’études et d’expertise économique technique. Mais il peut être imposé au cœur de la vie politique. Il est porté en avant de la scène politique par les partis politiques par exemple. A ce moment-là, un codage s’opère. Les aspects techniques de l’emploi sont alors gommés à la faveur d’autres aspects puissamment valorisés : incapacité, irresponsabilité des décideurs, des gouvernants, incapacité de l’opposition à produire, à proposer une alternative, etc. On pourrait proposer la définition suivante de l’objet de la science politique : les modes de production des injonctions socialement légitimes, ou fondées sur la coercition légitime. Il s’agit des choix politiques permettant la solution des conflits intra-sociétaux ou inter-sociétaux. La structure organisationnelle type de cet objet de la science politique est aujourd’hui l’Etat moderne. - L’objet de la science politique est donc distinct de l’objet de la science économique : mode de production des biens matériels et des services - L’objet de la science politique est aussi distinct de l’objet de la sociologie : mode de production des objets culturels et des élaborations symboliques Il faut observer que bien que distincts, les modes de production politique, économiques et sociologique interagissent ensemble de manière réciproque et généralisée. 5 Ex : échange de monnaie : les modes production économiques fournissent à l’Etat les ressources dont il a besoin (impôts, biens matériels, …) mais en échange ce dernier leur accorde des allocations (subventions, commandes …) + échange de pouvoir : l’Etat s’impose aux agents économiques tandis que ceux-ci disposent de divers moyens pour l’influencer. Ex : échange de pouvoir et de rôle : les modes production politiques échangent le pouvoir avec les modes de productions sociaux : l’Etat s’impose aux institutions sociales, il exerce son emprise, plus ou moins variable sur elles (écoles, presse, société civile…). En retour, ces institutions disposent de moyens divers pour influencer l’Etat. Echange de rôle : les institutions sociales façonnent le comportement du citoyen et l’Etat renvoie par le haut des modèles d’achèvement social (figures de dirigeants, …). 6 CHAPITRE I. LE POUVOIR, APPROCHES ET CONCEPTIONS Dans une première perspective, le pouvoir est en gros synonyme de gouvernants. Dans une seconde acception, toute différente de la première, le pouvoir est une sorte d’essence, de substance ou mieux, de capital au sens économique du terme. Ainsi, l’expression « avoir du pouvoir » sous-entend l’existence d’un détenteur ou d’un possesseur. Dans ce sillage, Bertrand de Jouvenel définit le pouvoir comme le « commandement existant par soi et pour soi »2. Dans une troisième perspective, le mot pouvoir renvoie à une relation entre deux ou plusieurs personnes. C’est un pouvoir sur quelqu’un. Il n’exerce réellement que si il est exercé, ou du moins lorsque s’établit une relation effective. Pour Max Weber : « Le pouvoir est toute chance de faire triompher, au sein d’une relation sociale, sa propre volonté, même contre des résistances ; peu importe sur quoi repose cette chance »3. Ainsi entendu, le pouvoir sur quelqu’un se distingue du pouvoir de faire quelque chose. En effet, le pouvoir de faire quelque chose ne s’insère pas nécessairement dans une relation lorsqu’il est simple aptitude physique ou intellectuelle à réaliser quelque chose. Les trois acceptions exposées correspondent à trois approches de la science politique en rapport avec le pouvoir : - L’approche institutionnaliste uploads/Politique/ sc-po-m1-cours-concepts-fond.pdf
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- Publié le Oct 15, 2022
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