Introduction au droit public Droit constitutionnel 2 Dr. Abdou Khadre DIOP 1 In
Introduction au droit public Droit constitutionnel 2 Dr. Abdou Khadre DIOP 1 Introduction au droit public Dr. Abdou Khadre DIOP Droit constitutionnel 2 Séquence 1: La séparation des pouvoirs Section 1 : La théorie de la séparation des pouvoirs Depuis trois siècles, la séparation des pouvoirs joue un rôle important dans notre imaginaire politique et juridique. Il est aujourd’hui inconcevable de parler d’Etat, voire d’Etat de droit sans se référer au principe de la séparation des pouvoirs. C’est en tout cas, ce qui ressort de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 selon lequel : « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminées, n’a point de Constitution ». De même, la Constitution du Sénégal proclame son attachement à « la séparation et l’équilibre des pouvoirs conçus et exercés à travers des procédures démocratiques ». Avant d’étudier la réalité contemporaine de séparation des pouvoirs, il convient d’analyser les origines théoriques du principe. A. Origine de la théorie de la séparation des pouvoirs La séparation des pouvoirs trouve ses expressions empiriques dans l’histoire constitutionnelle britannique, la révolution américaine et la révolution française. Ces évènements ont montré toute la dangerosité de la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme, d’une seule institution. C’est la raison pour laquelle, la séparation des pouvoirs a toujours été un point consensuel des périodes post-révolution et est analysé comme une nécessité systémique et structurelle dans la vie d’un Etat. Toutefois, au-delà de la dimension purement empirique, le principe a fait l’objet d’une expression théorique dont les versions les plus abouties sont celles de John Locke et Montesquieu. a. La conception de Locke Dans son Essai sur le gouvernement civil publié en 1916, John Locke développe l’idée de séparation des pouvoirs en justification de la seconde révolution anglaise. Selon lui, il convient de distinguer trois pouvoirs dans l’Etat : - Le pouvoir législatif qui est le pouvoir suprême. Il est soumis à des limites dérivant des lois naturelles. - Le pouvoir exécutif qui est subordonné car il exécute la volonté exprimée par le législateur. Mais cela va plus loin que la simple exécution. Il évoque l’idée de « prérogative ». - Enfin le pouvoir confédératif qui est relatif au droit de paix et de guerre, au droit de négociation. C’est ce qui a trait aux relations internationales. Ainsi, Locke suggère une idée de séparation des pouvoirs. Le législatif doit être séparé de l’exécutif pour éviter les abus. Le législatif ne doit pas siéger en permanence pour n’être pas tenté de s’immiscer dans la marche de l’exécutif. Ce qu’il faut quand même remarquer dans la pensée de Locke, c’est essentiellement la suprématie du Introduction au droit public Droit constitutionnel 2 Dr. Abdou Khadre DIOP 2 pouvoir législatif et l’absence du pouvoir judiciaire, ce que tentera de corriger Montesquieu. b. La conception de Montesquieu Dans une des parties les plus célèbres de l’Esprit des lois publié en 1748, Montesquieu est amené à développer l’idée de séparation des pouvoirs car il poursuit un but : exposer la situation légale garantissant un ordre constitutionnel libre. Il constate que les régimes habituels se corrompent très vite. La monarchie se corrompt par le despotisme, l’aristocratie par l’oligarchie et la démocratie par la démagogie. Aucun de ces régimes en effet n’est libre par lui-même. Il faut donc trouver un équilibre. A cet effet, il écrit : « Lorsque dans la même personne, ou dans le même corps, la puissance législative est réunie à la puissance exécutive, il n’y a point de liberté… Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles ou du peuple exerçaient les trois pouvoirs. Il faut que par la force des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Il cherche ainsi à conjuguer les trois formes de gouvernement et à instaurer des contre-pouvoirs et sa théorie repose fondamentalement sur une division des fonctions qui dans un Etat sont selon lui au nombre de trois : -Faire la loi -Appliquer la loi -Trancher les conflits. À partir de cette distinction des fonctions, Montesquieu attribue chaque fonction à un organe différent, à un « pouvoir ». Il passe ainsi d’une distinction des fonctions à une distinction des pouvoirs. La puissance législative doit émaner du peuple, mais ne doit pas être exercée directement par le peuple. Montesquieu est favorable à un système bicaméral que la chambre des nobles et celle élue par le peuple puissent se freiner l’une l’autre. La puissance exécutrice doit être dans les mains d’un monarque. Il distingue la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens (droit international) ce qui rappellera le pouvoir confédératif de Locke, et celle des choses qui dépendent du droit civil. Enfin la puissance de juger ne doit pas être donnée à un sénat permanent mais exercée par des personnalités tirées du corps du peuple. La conséquence sera la nécessité d’une indépendance de la justice. En outre cela entraînera la séparation des fonctions d’instruction, de poursuite, de jugement. Montesquieu considère que puisque tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser. Il faut donc éviter cette pente naturelle. Pour éviter qu’un homme n’ait trop de pouvoir, il faut diviser le pouvoir. Il faut faire en sorte que chacun reste dans le cadre de sa fonction, que « le pouvoir arrête le pouvoir ». Cette division des fonctions doit assurer un ordre constitutionnel libre. Ainsi pour la fonction législative, l’autorité compétente pour faire la loi n’étant pas autorisée à l’appliquer, elle la fera nécessairement générale et impersonnelle. Pour la fonction exécutive, l’autorité qui l’applique n’ayant pas qualité pour la faire, elle ne sera pas tentée de fixer la règle au moment de son exécution ce qui serait le propre de l'arbitraire. Enfin pour l'autorité juridictionnelle, l’autorité chargée de juger sera impartiale puisqu’elle statuera en vertu d’une loi qu’elle n’aura pas faite et qu’elle ne pourra modifier. Cependant, il convient de souligner que la théorie doit être minimisée sur un point, à savoir la place du pouvoir judiciaire. Sans doute Montesquieu distingue-t-il trois pouvoirs, mais deux seulement sont essentiels selon lui. « Des trois puissances dont nous avons parlé, celle de juger est en quelque façon nulle. Il n’en reste que deux » B. La réalité de la séparation des pouvoirs Dans la pratique, la mise en œuvre de la séparation des pouvoirs répond à une logique qui la rend distante des conceptions théoriques de base. Il y a ainsi deux paramètres à prendre en compte pour relativiser la théorie : d’une part la distinction des fonctions est aujourd’hui dénaturée par une distinction majorité-opposition (a) et la place embryonnaire (Montesquieu) voire même inexistante (Locke) du pouvoir judiciaire ne correspond pas à la réalité (b). Introduction au droit public Droit constitutionnel 2 Dr. Abdou Khadre DIOP 3 1. De la distinction des fonctions exécutives et législatives à la distinction majorité-opposition. Force est de constater aujourd’hui, que dans les démocraties modernes, la confrontation traditionnelle entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif s’efface de plus en plus devant celle de majorité et opposition. Ce que l’on appelle communément le phénomène majoritaire, c’est-à-dire le fait que le Chef de l’exécutif ait systématiquement la majorité au Parlement déjoue la réalité et la sincérité du contrôle que le pouvoir législatif doit exercer sur le pouvoir exécutif. Pour être plus simple, au Sénégal par exemple, l’Assemblée nationale n’a pratiquement jamais pu jouer le rôle de contre-pouvoir que semble lui donner la théorie de Montesquieu. En effet, de 2000 à 2012, le Président Wade a eu une majorité confortable avec le PDS (Parti Démocratique Sénégalais) à l’Assemblée nationale. Depuis 2012, le Président Macky Sall a une majorité confortable avec la Coalition Benno Bokk Yakar. Cet état de fait a poussé certains commentateurs à qualifier le pouvoir législatif d’une chambre d’enregistrement des vœux du chef de l’Etat et non pas un contre-pouvoir au sens où l’entendait Montesquieu et Locke. De plus, dans nos Etats comme le Sénégal, le Président de la République, étant à la fois chef de l’Etat et chef de parti, il en résulte une concentration des pouvoirs exécutifs et législatifs entre les mains du Président car il est chef du parti ou de la coalition majoritaire à l’Assemblée nationale. L’exécutif et le législatif ne sont ainsi plus séparés, mais solidaires sous l’autorité du chef de l’Etat, titulaire de la majorité. Ainsi, le jeu de contre-pouvoir se déplace et trouve un terrain fertile dans les rapports majorité opposition. D’ailleurs, le doyen Georges Vedel nous enseigne à juste titre que « la démocratie, dans le contexte des systèmes politiques majoritaires renvoie à l’exercice du pouvoir d’Etat par la majorité sous le contrôle de l’opposition et l’arbitrage du peuple ». Ainsi, comme le note le Professeur El Hadji Mbodji, « à la séparation classique des pouvoirs, fondée sur une différenciation organique et fonctionnelle des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, se substitue, de nos jours, une séparation politique entre la majorité et l’opposition sous l’arbitrage du pouvoir judiciaire qui veille au uploads/Politique/ sequence-1.pdf
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- Publié le Jan 04, 2023
- Catégorie Politics / Politiq...
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