La scène suisse dans tous ses éclats cahier spécial En Suisse, tous les éclats

La scène suisse dans tous ses éclats cahier spécial En Suisse, tous les éclats ne sont pas de cacao. Le pays de Guillaume Tell et d'Albert Einstein a fourni à l'Europe et au monde nombre de brillants esprits, de Jean-Jacques Rousseau à Jean-Luc Godard (franco-suisse), sans parler des Suisses d'adoption que furent Nietzsche (un temps) ou James Joyce. Malgré cela, les clichés ont la vie dure. Et la Suisse, qui passe pour être le pays des coffres-forts et du secret bancaire, dissimule un autre secret qui commence heureusement à s'éventer. Au moins depuis le début du XXe siècle, avec les utopies de Monte Verità et les frasques dadaïstes du Cabaret Voltaire à Zurich, la Confédération helvétique est un terrain fertile pour les innovations artistiques. La présence soutenue sur les scènes internationales, de Gilles Jobin, Oskar Gómez Mata, Massimo Furlan, Yan Duyvendak, Dorian Rossel, Stefan Kaegi, Zimmermann & de Perrot, sans parler de Christoph Marthaler, ou de plus jeunes tels François Grémaud, Foofwa d'Imobilité ou Perrine Valli, pour n'en citer que quelques-uns, amène des Alpes et des lacs un vent de fraîcheur que l'on aurait tort de bouder, plus encore de sous-estimer. Bref, en matière de création scénique, la Suisse n'est plus un pays neutre. Elle l'est d'autant moins que les formes contemporaines qui s'y affirment ruent gaiement dans les brancards des disciplines instituées et mélangent leurs racines dans les champs croisés du théâtre, de la danse, de la performance, de la musique et des arts visuels. De quoi réjouir en abondance une revue comme Mouvement, qui se proclame indisciplinaire, voire indisciplinée. Nous avons choisi, ici, de mettre l’accent sur une scène « alternative », et les pratiques émergentes qui s’y affirment. Nous ne cherchons pas à embrasser la totalité d’un paysage culturel, laissant de côté certaines institutions bien établies. On y verra donc, à raison, un certain parti pris. Le désir de ce cahier spécial a naturellement rencontré, chemin faisant, l'exigence de la Fondation Pro Helvetia, indéfectible soutien de la création contemporaine en Suisse et de sa diffusion nationale autant qu'internationale. De la sédimentation des politiques culturelles, qui éprouvent aujourd'hui les limites du fédéralisme, au rôle de ferment que jouent les écoles de la création, nous avons voulu, dans ces pages, brosser le portrait sensible (sinon exhaustif) d'une effervescence artistique éminemment palpable. La création contemporaine telle qu'elle s'affirme aujourd'hui en Suisse témoigne d'un sens aigu des porosités, entre « marges et frontières », comme l'écrit la journaliste Dagmar Walser. Loin de s'enfermer dans des logiques identitaires dont certains brandissent l'étendard, là comme ailleurs en Europe, la scène helvétique a toujours su combiner un certain génie du lieu avec des imaginaires étrangers. Qu'il suffise de rappeler le souvenir de Brecht à Zurich pendant la Seconde Guerre mondiale, ou celui de Strehler à Genève… Les frontières sont aujourd'hui moins étanches qu'elles n'étaient hier. Et les artistes continuent d'être des passeurs, d'une esthétique à l'autre, du local au global, du réel à la fiction, de la ressemblance à l'invraisemblable. En éclats. La Suisse n'est plus un pays neutre / Jean-Marc Adolphe Cahier spécial / Mouvement n° 63 (avril-juin 2012) Réalisé en coédition avec la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia. Coordination : Jean-Marc Adolphe et Jérôme Provençal Conception graphique : Meghedi Simonian Edition : Marianne Dautrey et Pascaline Vallée Partenariats/publicité : Alix Gasso Ont participé : Jean-Marc Adolphe, Guillaume Belhomme, Sylvia Botella, Eric Demey, Anna Hohler, Philippe Macasdar, Anne-Pascale Mittaz, Marie Parvex, Jérôme Provençal, Anne-Catherine Sutermeister, Bruno Tackels, Pascaline Vallée, Dagmar Walser Traductions : Anne Maurer Remerciements : Michaël Monney, Martha Monstein, Stéphane Noël Mouvement, la revue indisciplinée 6, rue Desargues 75011 Paris Tél. : +33(0)143 14 73 70 Fax : +33 (0)143 14 69 39 www.mouvement.net Mouvement est édité par les éditions du Mouvement, SARL de presse au capital de 4 200 euros, ISSN 125 26 967 Directeur de la publication : Jean-Marc Adolphe © mouvement, 2012-03-13 Tous droits de reproduction réservés. Cahier spécial Mouvement n° 63. Ne peut être vendu. Pro Helvetia Fondation de droit public mandatée et financée par la Confédération helvétique, Pro Helvetia encourage la création artistique en Suisse, contribue aux échanges culturels à l’intérieur du pays et soutient la diffusion de la culture suisse à l’étranger. Elle s’engage pour la diversité de la création dans toutes les disciplines artistiques, concourant ainsi à l’existence d’une Suisse culturelle multiple et ouverte. Pour de plus amples informations : www.prohelvetia.ch En couverture : You Can Speak, You Are an Animal, de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, La Bâtie, 2009. Photo : D. R. Aux limites du fédéralisme par Anne-Catherine Sutermeister Le théâtre de Genève : cet obscur objet du désir par Philippe Macasdar Positiv Grütli par Sylvia Botella Les b bâtisseurs par Anne-Pascale Mittaz 2 7 8 10 14 18 20 24 Marges et frontières, appartenances, familles et clans par Dagmar Walser Le Valais joue son va-tout par Marie Parvex Une constellatio on de singularités par Jean-Marc Adolphe Un théâtre d'après le texte par Bruno Tackels 29 30 33 36 Comme un yoghourt nature par Eric Demey Ah les beaux jours ! par Jean-Marc Adolphe Quand jouer, c'est faire par Anna Hohler La musique, en avant ! par Jérôme Provençal 38 40 43 46 Une improvisation suisse par Guillaume Belhomme Plus de crédibilité ! Plus de pertinence ! par Dagmar Walser Faire école par Bruno Tackels Une ambassade des arts par Pascaline Vallée scène suisse / 2 S'il existe une notion à laquelle l'on ne peut échapper, si l'on souhaite comprendre ne serait-ce que superficiellement le fonctionnement des politiques culturelles suisses, c'est bien la subsidiarité. Magnifique outil de déresponsabilisation pour certains, la subsidiarité est, dans les états fédéraux, un outil d'organisation et de répartitions des tâches politiques : partant du principe que la responsabilité des actions politiques échoit à l'échelon le plus adapté, la subsidiarité s'organise de manière ascendante en Suisse. Ainsi la culture est d'abord du ressort des villes, puis des cantons, la Confédération n'intervenant qu'ensuite à titre subsidiaire. Les chiffres témoignent bien de ces champs de force : 48 % des subventions culturelles proviennent des villes (dont pratiquement la moitié des villes de Genève, Lausanne, Berne et Zurich), et 41 % sont attribués par les cantons, tandis que la Confédération ne participe qu'à hauteur de 11 % (265,2 millions de francs suisses, soit 219,3 millions d'euros). Quant aux montants provenant du secteur privé, ils représentent environ 320 millions de francs suisses par an (264,6 millions d'euros), en tenant compte d'un partenaire semi-privé déterminant en Suisse : les loteries. Les chiffres, s'ils reflètent les responsabilités financières assurées par les différentes collectivités, ne peuvent rendre compte des mécanismes souvent complexes en fonction desquels s'organisent les responsabilités entre les 26 cantons suisses et les communes situées sur leur territoire. En effet, un même projet peut-être soutenu par les trois échelons politiques au terme d'un savant jeu de concertation déterminé par un autre principe éminemment helvétique, la souveraineté que revendique La politique culturelle suisse repose sur une accumulation de strates – communales, cantonales et fédérale – auxquelles s'ajoutent des fonds semi-publics (comme les loteries) et privés. L'entrée en vigueur de la première loi fédérale sur la culture amène son lot d'interrogations. Aux limites du fédéralisme chaque échelon politique. La multiplication des guichets cantonaux et communaux complique de toute évidence les choses. Alors que certains cantons comme Fribourg se sont clairement approprié un champ de compétence – en l'occurrence le soutien à la création –, laissant la diffusion des activités culturelles aux collectivités communales, d'autres cantons souhaitent aujourd'hui énoncer de véritables politiques globales, comme en témoignent les nouveaux projets de lois dans les cantons de Vaud et de Genève. Au sacro-saint principe de subsidiarité succède donc progressivement l'idée d'une répartition des tâches entre cantons et villes. Ainsi la boutade longtemps de mise selon laquelle « il y a en Suisse autant de politiques culturelles que de communes et de cantons » est en train d'évoluer, au rythme paisible des pendules à coucou helvétiques. L'entrée en vigueur de la première loi fédérale sur l'encouragement à la culture le 1er janvier 2012 apporte une nouvelle pierre à l'édifice. Elle confère enfin une légitimité à l'action de la Confédération, fixe ses compétences par rapport aux cantons et aux communes et définit selon des plans quadriennaux les lignes directrices en matière de politique culturelle. Les prémices timides de la politique culturelle suisse Si des résolutions ont été prises dès le XIXe siècle par les villes, les cantons et la Confédération pour soutenir le patrimoine culturel (création d'archives, bibliothèques, musées), on peut situer les prémices d'une action politique dans le domaine de la culture en 1939, avec la fondation de la communauté de travail Pro Helvetia. Incarnant une éphémère unité nationale dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, Pro Helvetia n'est pas à ses débuts le fruit d'une politique délibérée mais bien l'expression d'une réaction visant à défendre les « valeurs spirituelles de la Suisse ». Le développement à partir de 1945 d'une culture professionnelle propre – et non plus importée de France ou d'Allemagne, comme c'était uploads/Politique/ tap-mouvement-scene-suisse.pdf

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