Material de cátedra preparado por Mónica Vidal para el Nivel III. Les nationali
Material de cátedra preparado por Mónica Vidal para el Nivel III. Les nationalismes français Michel WINOCK Institut d'Études Politiques, Paris Barcelona Working Paper n.97 1994 Le mot "nationalisme" est d'emploi relativement récent. Il ne figurait pas dans le Littré, qui date des années 1860. On y trouvait, en revanche, le terme de "nationalité" figurant dans le Dictionnaire de l'Académie depuis 1835: "Le principe des nationalités, dit Littré, principe d'après lequel des portions d'une race d'hommes tendent à se constituer en un seul corps politique ». C'est à la fin du XIXè siècle que s'accrédite le mot "nationalisme", sous la plume d'écrivains politiques comme 5 Barrès, le premier à l'employer dans un article publié en 1892(1). Toutefois, le même mot désigne aussi, en France, rétrospectivement, une certaine exaltation de l'État-Nation pendant et après la Révolution, ainsi qu'une certaine volonté d'unification sociale sous la loi républicaine. Nous distinguerons donc un nationalisme républicain et un "nationalisme des nationalistes"(2), tous deux ayant des prolongements jusqu'à nos jours. 1. Le nationalisme républicain 10 Le nationalisme républicain pourrait se définir par la formule datant de la Grande Révolution: la République une et indivisible. Contrairement à l'hétérogénéité administrative, juridique, sociale de l'Ancien régime - société de privilèges, individuels et collectifs- les Constituants de 1789, suivis par les Républicains de 1792 et des années suivantes, ont pratiqué une politique d'unification. Celle-ci était déjà largement entamée par plusieurs siècles de centralisation étatique due à la monarchie française, de sorte que Tocqueville a voulu 15 présenter le phénomène révolutionnaire moins comme une rupture mais comme un aboutissement, un achèvement. Le régime napoléonien qui a mis un terme à la Révolution, tout en stabilisant une partie de son héritage, a renforcé encore cette politique d'unification par de nouvelles institutions (par exemple la création des préfets) resserrant encore la centralisation séculaire. La lIlè République, définitivement installée à la fin des années 1870, a repris les principes révolutionnaires pour 20 approfondir encore l'unité nationale. Les fondateurs du nouveau régime -et notamment Jules Ferry, convaincu par les leçons d'Auguste Comte qu'à la religion catholique il fallait substituer un nouveau ciment spirituel, propre à l'âge positif que les progrès de la science annonçaient- ont misé sur l'instrument scolaire pour y parvenir. L'école gratuite, obligatoire jusqu'à 13 ans, laïque, devait être le creuset des âmes républicaines. C'est l'école primaire qui permit la réalisation du vieux souhait révolutionnaire, d'unifier linguistiquement le 25 pays. On estime qu'à la veille de la Révolution, douze ou treize millions d'habitants sur vingt-huit millions ignoraient le français. Les députés à la Convention voulurent imposer le français, langue des Lumières, contre les dialectes régionaux, utilisés par "les prêtres fanatiques" (Prieur de la Marne). Ce que la Révolution ne put accomplir, faute de temps et faute de moyens, il revint à la troisième République de le réaliser: une seule langue était autorisée dans les classes de l'école primaire obligatoire, le français. Un sévère contrôle de la part 30 des instituteurs, eux-mêmes surveillés par les inspecteurs d'académie, assura en quelques décennies l'universalité de la langue française à l'intérieur des frontières métropolitaines. Les familles qui utilisaient encore des langues minoritaires et des patois n'y firent aucun obstacle: la langue française était celle du progrès, comme elle était celle de l'administration pourvoyeuse en postes. Pendant longtemps ces familles furent bilingues: le français était parlé à l'école et dans la vie publique; chez soi, on continua sur plusieurs 35 générations a entretenir les anciens langages(3). L'école, bien avant la radio et la télévision, avait enraciné le français dans tous les départements. Cette politique scolaire eut aussi pour finalité d'enseigner la morale, l'esprit civique, et spécialement le patriotisme. L'amour de la patrie, le respect de l'armée, mêlé à la fierté républicaine, ce fut largement l'enseignement de "l'histoire de France", auquel Emest Lavisse consacra une grande partie de ses travaux(4) 40 qui les inculqua aux jeunes esprits. La correspondance des soldats français pendant la guerre de 1914-1918 - que nous connaissons grâce au contrôle postal des armées- témoigne de la profondeur de ces leçons. L'école, puis le journal quand la presse fut devenue entièrement libre (1881) et, grâce aux innovations techniques, bon marché, le service militaire obligatoire lui aussi, firent avancer la culture savante au détriment des cultures régionales et populaires. Celles-ci furent peu à peu transformées en folklore, témoin d'un autre 45 temps. Cette culture nationale, centraliste, patriotique, était nationaliste, dans la mesure où elle était traversée par un sentiment, sinon de supériorité, du moins d'excellence française: la France était la patrie des Lumières, la terre de la Révolution, la sentinelle du Progrès. Michelet n'a pas hésité à confondre l'histoire de la France avec celle de l'humanité, "parce que sa grande légende nationale, et pourtant humaine, est la seule complète et la 50 mieux suivie de toutes, celle qui, par son enchaînement historique, répond le mieux aux exigences de la raison". La patrie de Jeanne d'Arc et des soldats de l'An Il était chargée d'une mission civilisatrice sur les autres continents, ce qui justifiait la politique coloniale de la République. Les Français -officiellement- ne faisaient pas la conquête de terres lointaines pour faire du commerce, comme les Anglais. Ils avaient des colonies pour hisser les peuples inférieurs, retardés, attardés dans "âge théologique" s'il faut parler comme Auguste Comte, 55 au niveau des peuples civilisés. Dans ces perspectives, du reste, les missionnaires républicains faisaient bon ménage avec les missionnaires catholiques: il s'agissait pour les uns et pour les autres d'apporter la bonne parole, celle des progrès médicaux, du développement économique, comme celle de la sainte Mère l'Eglise. Ce nationalisme républicain était, jusqu'à un certain point, un nationalisme ouvert(5), en raison même de la définition qu'il donnait de la Nation. Contrairement aux Allemands, pour lesquels la nationalité se définit 60 objectivement, la langue -véhiculant le Volksgeist, l'âme collective- en constituant le critère majeur, les Français avaient une définition héritée des principes révolutionnaires, et qu'avait illustrée la Fête de la Fédération, le 14 juillet. 1790. Ernest Renan, dans son discours prononcé à la Sorbonne en 1882, Qu'est-ce que la nation?, en a donné la version la plus claire, transmise de génération en génération: "La nation est une âme, un principe spirituel". 65 Deux choses la constituent: 1. "La possession en commun d'un riche legs de souvenirs". 2. "Le consentement actuel, le désir de vivre ensemble". Donc, des souffrances en commun, des regrets, des deuils, tout un héritage de gloire et de malheur. En même temps, un vouloir vivre ensemble, "le désir clairement exprimé de continuer la vie commune". Et Renan d'arriver à sa célèbre formule: "L'existence d'une nation est (...) un plébiscite de tous les jours"(6). Les Français opposaient ainsi leur "théorie élective" de la nation à la "théorie ethnique" des 70 Allemands. C'est dire le flou du concept, largement tributaire des contingences. Le caractère volontariste et universaliste de la définition française paraît, de prime abord, supérieur philosophiquement à la définition naturaliste, ethno-linguistique des Allemands. Cependant, Louis Dumont nous met en garde, dans ses Essais sur l'individualisme, contre tout manichéisme en la matière: "On observera que le vieil ethnocentrisme ou sociocentrisme qui porte à exalter les nous et à mépriser les 75 autres survit dans l'ère moderne, ici et là, mais de manière différente: les Allemands se posaient, et essayaient de s'imposer comme supérieurs en tant qu'Allemands, tandis que les Français ne postulaient consciemment que la supériorité de la culture universaliste mais s'identifiaient naïvement à elle au point de se prendre pour les instituteurs du genre humain"(7). Voilà pourquoi nous pouvons parler d'un nationalisme républicain, issu du nationalisme révolutionnaire. L'idée 80 implicite de peuple élu et l'idée explicite de peuple missionnaire ont été transmises de la France très chrétienne, fille aînée de l'Eglise, à la France républicaine. Nul mieux que Georges Clemenceau ne l'a exprimé, le 11 novembre 1918, devant la Chambre des députés: "En cette heure terrible, grande et magnifique, mon devoir est accompli (...) Au nom du peuple français, au nom de la République française, j'envoie le salut de la France unie et indivisible à l'Alsaceet à la Lorraine 85 retrouvées. "Et puis, honneur à nos grands morts qui nous ont fait cette victoire (...) Quant aux vivants, que nous accueillerons quand ils passeront sur nos boulevards, vers l'Arc de triomphe, qu'ils soient salués d'avance! Nous les attendons pour la grande oeuvre de reconstruction sociale. Grâce à eux, la France, hier soldat de Dieu, aujourd'hui soldat de l'humanité, sera toujours le soldat de l'idéal". 90 De cette conception missionnaire de la France des droits de l'Homme, on retrouve les traces dans le socialisme lui-même. Elle justifiait le ralliement du mouvement ouvrier français à l'Union sacrée en 1914. Elle imprègne aussi l'idéologie colonialiste, disons de Jules Ferry à Guy Mollet: la France des Lumières et de la Révolution devait répandre le progrès à travers le monde, fût-ce manu militari. Le nationalisme du général de Gaulle a été une actualisation récente du nationalisme républicain. 95 Nationalisme ouvert, étranger aux formes de discrimination raciale, pratiquant le culte universel de la Nation contre les empires (américain ou soviétique), et pénétré du grand mythe de uploads/Politique/ texto-de-los-nacionalismos.pdf
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