1 La participation des citoyens à la gestion publique au Maroc. Omar SEDDIKI Ch

1 La participation des citoyens à la gestion publique au Maroc. Omar SEDDIKI Chercheur en science politique Introduction : Aujourd’hui, le nouvel esprit de la démocratie1 recourt à un nouveau vocabulaire (la territorialisation, la cogestion, le gouvernement ouvert2, la régulation sociale, ou encore la démocratie délibérative3…etc.). L’émergence de ces nouveaux concepts a suscité indubitablement une redéfinition des rôles, des positionnements et des pouvoirs reconnus aux différents acteurs des politiques publiques. La pertinence du sujet émane de l’importance de la démarche participative suite à l’échec de la démocratie représentative4 et l’apparition de l’impératif participatif consacrant la participation citoyenne aux politiques publiques, à travers toute une gamme d’instruments participatifs visant l’implication des acteurs sociaux dans la vie publique, notamment à l’échelle des collectivités décentralisées. Ce papier tente d’expliquer les effets des mécanismes participatifs sur la gouvernance territoriale, notamment après la forte mobilisation sociale qu’a connue le monde arabe durant la vague des révolutions du printemps arabe, et suite à la constitutionnalisation de la participation citoyenne en 2011. La problématique axiale de cette étude consiste dans la définition du rôle des citoyens dans la conduite de l’action publique. En outre, plusieurs questions secondaires devraient être posées, en parallèle : -La démocratie participative constitue-elle une alternative à la démocratie représentative ? - la démarche participative est –elle capable de résoudre les équations sociales héritées du système représentatif, ou encore faut-il la réunion de certaines conditions relatives à l’Etat de droit, les droits de l’homme, la volonté politique ? …etc Pour répondre à ces questions, on va traiter le sujet selon les deux axes suivants : I- La participation à la direction des affaires publiques: II- La société civile et la conduite publique au Maroc : 1 - Voir Loïc Blondiaux intitulé le nouvel esprit de la démocratie, actualité de la démocratie participative, Editions du Seuil et La république des idées, mars 2008. 2- Cf. Rapport de la revue OCDE sur le gouvernement ouvert au Maroc : la gouvernance publique, 2015. 3 - Pour en savoir plus, lire la philosophie de la démocratie par la délibération. https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2013-3-page-8.htm Habermas 4 -Voir, Pierre ROSANVALLON, la crise de l’Etat providence, éditions Seuil, Paris, 1981 2 I- La participation à la direction des affaires publiques: La stratégie de la gouvernance synergique5 territoriale et la nouvelle démocratie participative visent conjointement le phénomène de la participation citoyenne à la cogestion efficace et appropriée des territoires et leurs ressources6. La question centrale consiste dans la démocratisation du processus décisionnel au moment où la légitimité de l'État est souvent remise en cause. D’où ce passage de l’état de gouvernement centralisé à celui de la gouvernance participative (A) dans le but d’une gestion efficace et appropriée aux attentes populaires, selon une approche participative dont la conception est innovante et les formes sont diversifiées (B). A- Du gouvernement à la gouvernance locale: Dans cette étude, on va essayer d’examiner la corrélation existant entre la participation et la gouvernance, tout en passant en revue la littérature foisonnante relative à ce sujet. Ainsi, on s’accorde partout que la gouvernance et participation sont étroitement liées, à tel point que ces deux notions sont indissociables. Effectivement, au moins en théorie, la participation peut transformer les rapports entre les acteurs sociaux et influencer le processus de décision. Autrement dit, les démarches participatives ont la capacité de renouveler la gouvernance des territoires et de reconfigurer le champ politique local. Bien plus, la démocratie participative englobe une multitude de dispositifs et de procédures de participation institutionnalisées permettant aux citoyens de participer à l’élaboration des politiques publique de fabriquer des lois et de commencer à produire directement à leur niveau cette représentation de l’intérêt général7. Aussi la bonne gouvernance suppose-t-elle la participation effective ou l’implication des citoyens au processus de prise de décision et une dynamique d’équilibre des pouvoirs et le respect de l’Etat de droit.8 On constate que ces définitions évoquent en particulier l’idée des acteurs ou parties participantes (1) et certains indicateurs de la gouvernance participative (2). 5 - La synergie est un type de phénomène par lequel plusieurs facteurs agissant en commun et ensemble créent un effet global ; un effet synergique distinct de tout ce qui aurait pu se produire s'ils avaient opéré isolément, que ce soit chacun de son côté ou tous réunis mais œuvrant indépendamment. Il y a donc l'idée d'une coopération créative. 6 - FISETTE, Jacques et RAFFINOT, Marc, Gouvernance et appropriation locale de développement, au-delà des modèles importés, les presses de l’université d’Ohawa.2009 7 -Michelle Falaise, la démocratie participative. Promesses et ambiguïtés. Cité par Patrick SAVIDAN in démocratie participative et conflit. Revue de métaphysique et de Morale N° 58 p : 181. 8 - Rapport national sur l’évaluation du système de gouvernance au Maroc, in étude publiée au bulletin scientifique annuel de l’observatoire marocain de l’administration publique.2006.p : 122. 3 1-Les acteurs de la gouvernance : Le terme de la « gouvernance participative » renvoie en premier lieu à l’intégration d’acteurs dans les processus décisionnels et à la gestion participative des ressources relevant du domaine public. En effet, avec la procédure participative, on va assister à l'inclusion de nouveaux acteurs qui permettrait de prendre des décisions plus éclairées, comme ils agissent en concertation et collaboration dans le cadre d’une gouvernance synergique. Cette dernière doit réunir l’Etat, la société civile et le secteur privé. -Etat : En dépit du retrait de l’Etat et sa régression sur le domaine gestionnaire, le pouvoir public garde une place entre les autres acteurs de la gouvernance, étant donné que les politiques étatiques encadrent l'exploitation des ressources naturelles de manières ascendante et globale. Autrement dit, l’Etat reste maître des grandes stratégies que les décideurs régionaux doivent prendre en considération. Généralement, quand on parle de l’Etat comme acteur de la gouvernance, on évoque souvent les pouvoirs officiels : le gouvernement, le parlement et le pouvoir judiciaire.9 De ce fait, l’État demeure le garant de certaines valeurs collectives (équité, justice), mais il n’est plus le seul porteur de l’intérêt général, d'autres acteurs participent à la construction et à la négociation des règles et de leurs applications. -La société civile : ce vocable recouvre la population, le mouvement associatif et tous les organismes à caractère moral et social : syndicats, chambres de commerce, associations culturelles, ONG locales etc. Cet acteur commence à occuper une place importante dans la gouvernance locale et dans le processus du développement territorial, notamment avec la démocratisation des systèmes politiques, l’évolution des droits de l’homme et l’effet de la mondialisation.10 En effet, La consultation de la société civile à travers toutes ses composantes est devenue systématique, permettant ainsi de régler les différends sociaux, de consolider la démocratie sociale, d’impliquer et d’associer les organisations représentant les intérêts collectifs de la société civile dans le processus de prise de décision, d’asseoir une culture démocratique fondée sur la concertation, le partenariat, le consensus et de répondre de manière civilisée aux problèmes posés en prenant en considération les attentes des populations concernées et les contraintes réelles et objectives.11 9 - Julie GUILLEMOT, op. -.cit. p31 10 - Kamal El-Batal, la gouvernance synergique : une stratégie de développement local, 2012, p: 10 11 -- Rapport national sur l’évaluation du système de gouvernance au Maroc, in étude publiée au bulletin scientifique annuel de l’observatoire marocain de l’administration publique.2006.pp : 195.196 4 -Le secteur privé : Le secteur privé ou le secteur économique est appelé à jouer un rôle dominant dans la création de la richesse locale, de l'emploi et de la prospérité sociale. En effet, la croissance économique et la réanimation sociale constituent des conditions préalables à la consolidation démocratique et la gouvernance participative, surtout dans les pays en voie de développement, où les indicateurs de la bonne gouvernance sont faibles. 2- les bases de la bonne gouvernance : On a donné à la gouvernance plusieurs définitions, mais à ce niveau on va retenir celle avancée par Hamel et Jouve : « La gouvernance est l'ensemble des pratiques collectives par lesquelles l'ordre politique est produit à partir de la négociation autour de l'élaboration et de la mise en œuvre de normes permettant de définir collectivement le bien commun, les modalités concrètes pour y parvenir et ce, sans avoir uniquement recours à la domination et à la coercition exercées par un acteur particulier. »12 Ainsi, on qualifie souvent la gouvernance de bonne lorsque l’organisme en question est géré selon les règles de l’art et du savoir. En effet, plusieurs indicateurs sont listés pour évaluer un modèle de gouvernance : - La transparence ou le partage de l'information, impliquant un comportement ouvert des procédures de décisions prises ; -La responsabilisation des autorités locales dans la réalisation des objectifs de développement en faveur des populations; -La participation des populations, organisées ou non dans le processus décisionnel (cela inclut le partenariat avec tous les acteurs locaux, la dimension « genre »….) 13. Pour L'OCDE (2001), on propose un modèle comportant trois modes d'interaction distincts entre les administrations publiques et les citoyens pour la prise de décision: D’abord, l'information qui se définit comme une « relation unidirectionnelle dans laquelle l'administration produit uploads/Politique/1-pb 44 .pdf

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