Gilad ATZMON La Parabole d’Esther Anatomie du Peuple Élu Réflexions sur la poli

Gilad ATZMON La Parabole d’Esther Anatomie du Peuple Élu Réflexions sur la politique identitaire juive Préface de Jean BRICMONT Traduit de l’anglais par Marcel CHARBONNIER Éditions Demi-Lune Collection Résistances La Parabole d'Esther Anatomie du Peuple Élu www.editionsdemilune.com Tiré du livre de Gilad ATZMON paru aux éditions Demi-Lune 51 1. Le droit à la disputation À Londres, dans ce que j’appelle souvent « mon exil auto- imposé », je compris qu’Israël et le sionisme n’étaient que des sous-parties constituantes d’un problème beaucoup plus vaste, le problème juif. Israël, c’est l’État juif (c’est tout du moins ce qu’Israël revendique être). Israël est largement soutenu institution- nellement, financièrement et spirituellement par la juiverie * mondiale. Le sionisme et Israël sont désormais les identi- fiants symboliques du juif contemporain. Et pourtant, bien qu’Israël soit l’État juif et qu’il soit très largement soutenu par les lobbies pro-israéliens du monde entier, pratiquement aucun commentateur n’est assez courageux pour se demander ce que signifie le mot « juif ». Cette question, semble-t-il, reste taboue, en Occident. Dans ce livre, je m’efforcerai de détricoter cet embrouilla- mini. Je présenterai une critique impitoyable de la politique et de l’identité juives. Néanmoins, il est crucial de mentionner, avant d’aller plus avant, qu’il ne s’y trouvera nulle référence aux juifs en tant qu’ethnie ou en tant que « race ». Dans mes * NdE : Le mot anglais « jewry » ne porte pas le caractère vieilli, et surtout péjoratif, que lui ont donné ses utilisations récurrentes et odieuses, car fortement antisémites, pendant le régime de Vichy par exemple. Il prend le sens de judaïcité, ou mieux, de « communauté juive » organisée, expression que nous utiliserons désormais dans le livre pour lever toute ambigüité. La Parabole d'Esther Anatomie du Peuple Élu www.editionsdemilune.com La Parabole d’Esther 52 écrits, je fais la différence entre les juifs (les gens), le judaïsme (la religion) et la judéité (l’idéologie). Ce livre ne traite pas des juifs en tant que peuple ou en tant qu’ethnie. S’il y a une chose que mes études sur ce sujet tendent à démontrer, c’est bien que les juifs ne forment aucune espèce de continuum ra- cial. En résumé, ceux qui sont en quête d’une interprétation du sionisme fondée sur le sang ou sur la race devront aller la chercher dans les écrits d’un autre, pas dans les miens. Dans mon travail, je m’interdis, par ailleurs, de critiquer le judaïsme, la religion juive. Je me contente de confronter entre elles différentes interprétations du code judaïque. Je m’occupe de l’idéologie juive, de la politique identitaire juive et du discours politique juif. Je pose la question de savoir ce qu’implique le fait d’être juif. J’en recherche les connotations métaphysiques, spirituelles et sociopolitiques. J’entreprendrai cette exploration en posant une question relativement simple : qui sont les juifs ? Autrement dit : que veulent dire les gens qui se définissent eux-mêmes en tant que juifs ? En ce qui concerne cette perception de soi, ceux qui s’appellent eux-mêmes juifs peuvent être répartis entre trois grandes catégories : 1. ceux qui suivent les préceptes du judaïsme ; 2. ceux qui se considèrent comme des êtres humains dont il se trouve qu’ils sont d’origine juive ; 3. ceux qui placent leur judéité au-dessus de tous les autres traits de leur personnalité. Les deux premières catégories correspondent à un groupe de personnes inoffensives et innocentes. Nous avons tendance à penser que les personnes religieuses sont généralement inspirées par leurs croyances et que l’on peut s’attendre à les voir obéir à une forme ou à une autre de système de valeurs spirituelles ou éthiques particulièrement Tiré du livre de Gilad ATZMON paru aux éditions Demi-Lune 53 Le droit à la disputation élevées. En conséquence, le judaïsme peut être vu comme un système éthique de croyances.3 Le judaïsme a été l’identifiant symbolique des juifs depuis au moins deux millénaires, il est donc particulièrement pragmatique et cohérent. En dépit du fait que, de nos jours, de plus en plus de crimes sont commis au nom de la Torah, le judaïsme, en tant que religion universelle, peut être défendu en suggérant l’idée que le messianisme nationaliste juif n’en est qu’une des interprétations possibles. La deuxième catégorie est constituée de personnes parfaitement innocentes : en effet, personne n’est en mesure de choisir son origine. Des esprits versés dans les questions de l’éthique admettront que les gens doivent être traités et respectés sur un pied d’égalité, quelle que soit leur origine ou leur appartenance raciale et ethnique. La troisième catégorie, en revanche, est problématique. Sa définition pourra sembler polémique à certains. Et pourtant, très bizarrement, c’est celle qu’a donnée, à la veille du xxe siècle, Chaim Weizmann, une personnalité éminente du sionisme commençant, qui devint par la suite le premier Président d’Israël : « Il n’existe pas de juifs anglais, français, allemands ou américains ; il n’existe que des juifs vivant en Angleterre, en France, en Allemagne ou en Amérique ». Par ces quelques mots, Weizmann a réussi à définir de manière catégorique l’essence de la judéité. C’est fondamentalement une « qualité première ». Vous pouvez être un juif résidant en Angleterre, un juif qui joue du violon, voire un juif antisioniste, mais, avant toute chose, vous êtes un juif. Et c’est exactement cette idée que véhicule la troisième de nos catégories. Celle-ci consiste à voir dans la judéité l’élément clé et la caractéristique fondamentale d’un juif. Toute autre catégorie ne peut être que secondaire. C’est exactement le message que les premiers sionistes voulaient faire passer. Pour Weizmann, la judéité était une qualité unique en son genre qui empêchait les juifs de s’assimiler, ou de se fondre dans la masse. Un juif serait à jamais resté un aliène, un étranger. La Parabole d'Esther Anatomie du Peuple Élu www.editionsdemilune.com La Parabole d’Esther 54 Cette ligne de pensée apparaissait dans la plupart des textes sionistes. Jabotinsky alla même plus loin. Il était catégorique : l’assimilation était impossible, en raison d’un conditionnement biologique. Voici ce qu’il disait, au sujet des Allemands juifs : « Un juif élevé au milieu d’Allemands peut certes adopter les coutumes allemandes, la langue allemande. Il peut devenir totalement imprégné de ce fluide germanique, mais il restera toujours un juif, parce que son sang, son organisme et son type racial, sur le plan corporel, sont juifs ». (Vladimir Jabotinsky, « Lettre sur l’autonomie », 1904). Ces idées racistes sont antérieures au nazisme. Jabotinsky n’était pas seul à penser cela : même le juif marxiste Ber Borochov, qui attribue la condition juive aux circonstances historiques et matérielles, suggérait un remède particulier à l’usage du peuple juif : le nationalisme juif. Il s’agissait d’une idéologie selon laquelle les juifs pratiqueraient certes une activité prolétarienne, à savoir la production, mais cela, tout en conservant leurs caractéristiques nationales et culturelles. Borochov met les juifs à part de la révolution prolétarienne internationale. Pourquoi fait-il cela ? Parce que les juifs sont des gens à part, ou, tout au moins, c’est ce que les sionistes ont tendance à penser. Le sioniste est avant tout, et principalement, un juif. Il ne peut être simplement un citoyen britannique ordinaire, par exemple, qui se trouve être d’origine juive : il est nécessairement 1) un juif, 2) vivant en Grande-Bretagne. Il est un juif parlant l’anglais, qui bénéficie des services médicaux du NHS (National Health Service), et qui conduit du côté gauche de la route. Mais bien que britannique de par sa naissance, il est aussi « intrinsèquement autre », de par l’Élection. Tiré du livre de Gilad ATZMON paru aux éditions Demi-Lune 55 Le droit à la disputation Agent sioniste Cette troisième catégorie de juifs n’a nul besoin d’aller s’installer en Palestine. Vivre à Sion n’est rien de plus qu’une possibilité qui lui est offerte par la philosophie sioniste. Pour devenir un bon sioniste, vous n’avez nul besoin d’errer. Il vaut même mieux, parfois, rester là où vous vous trouvez. Lisons ce que Victor Ostrovsky, un ancien agent du Mossad qui fit défection, nous dit au sujet de la fraternité juive. « Le lendemain, Ran S. donna une conférence devant les Sayanim, ces éléments uniques en leur genre, très importants pour les opérations du Mossad. Les Sayanim (les assistants) doivent être juifs à 100 %. Ils vivent à l’étranger et, bien qu’ils ne soient pas citoyens israéliens, beaucoup sont contactés via certains de leurs parents vivant en Israël. Ainsi, par exemple, un Israélien ayant un parent en Angleterre peut se voir demander d’écrire une lettre expliquant que la personne qui la détient représente une organisation ayant pour principal objectif de sauver les juifs de la Diaspora. Ce parent britannique pourrait- il apporter son concours de quelque façon que ce soit ? (…) Il y a des milliers de Sayanim partout dans le monde. Rien qu’à Londres, 2 000 sont actifs, auxquels s’ajoute une liste de 5 000 Sayanim potentiels. Ils jouent des rôles très variés. Ainsi, un Sayan de l’automobile, par exemple, qui dirige une agence de location de véhicules, peut aider le Mossad à louer une voiture sans avoir à remplir uploads/Politique/la-parabole-d-x27-esther-anatomie-du-peuple-e-lu-chapitre-1-gilad-atzmonpdf.pdf

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