SULLA ROTTA PER LA SICILIA: L’EPIRO, CORCIRA E L’OCCIDENTE a cura di Giovanna D

SULLA ROTTA PER LA SICILIA: L’EPIRO, CORCIRA E L’OCCIDENTE a cura di Giovanna De Sensi Sestito e Maria Intrieri Edizioni ETS www.edizioniets.com © Copyright 2011 EDIZIONI ETS Piazza Carrara, 16-19, I-56126 Pisa info@edizioniets.com www.edizioniets.com Distribuzione PDE, Via Tevere 54, I-50019 Sesto Fiorentino [Firenze] ISBN 978-884673091-6 Volume pubblicato con i fondi del PRIN 2007 (MIUR 20072KYY8C_004) 209 1 Lire à ce propos les travaux novateurs d’A. FENET 2002, 2005 et 2011. 2 MALKIN 1987, 115-129, et l’ensemble du second chapitre. 3 Ne sera pas abordé ici le problème du caractère international de certains groupes de colons. Quoi qu’il en soit, cette donnée ne modifie pas la situation théorique du thème de recherche, mais rend plus complexe encore l’enquête historique et archéologique. Cf. MALKIN 1984-1985. 4 Cf. QUANTIN 1997; 1999a; FOUACHE, QUANTIN 1999; QUANTIN 2004; 2005; 2008. 5 BRACCESI 19772, 91-108; CABANES 2001, 45-54, et 2002. CONTRIBUTION À L’HISTOIRE RELIGIEUSE DES COLONIES CORINTHIENNES OCCIDENTALES. LE PROBLÈME DU TRANSFERT DES CULTES MÉTROPOLITAINS VERS LES CITÉS COLONIALES Les divinités accompagnèrent les Grecs dans leurs expéditions coloniales et s’installèrent avec eux en terre lointaine. Il est évident que la vie religieuse de ces marins ne fut pas mise entre parenthèses pendant le voyage1, et que le départ et l’arrivée furent entourés de précautions cultuelles attachées au fondateur ou associées au thème du feu sacré et dont le souvenir est perpétué ou réactualisé par les honneurs rendus à l’oïkiste2; en outre, même si la colonisation fut une rupture historique pour les communautés métropolitaines comme pour les sociétés qui “reçurent” les colons, elle ne peut pas être conçue comme une amnésie ou une révolution conduisant à l’oubli nécessaire ou délibéré du patrimoine religieux collectif, qui est un aspect important de l’“identité” communautaire. Comment évaluer les liens entre le panthéon métropolitain et le panthéon colonial, et entre les divinités issues d’une même cité-mère et partageant de facto un horizon culturel et cultuel à l’origine identique3? D’un point de vue méthodique, la question est de savoir si la documentation et le bon sens nous autorisent à considérer que nous avons affaire à un seul panthéon, à une unique architecture mythico-religieuse, dont les articulations sont grosso modo les mêmes en aval comme en amont. Si tel est le cas, la colonisation, sous le rapport de la vie religieuse, est une reproduction de la métropole; divinités et cultes seraient alors interchangeables dans l’étude, et rien n’interdirait de restituer dans les colonies les cultes métropolitains, et inversement. Les idées qui suivent constituent le début d’une recherche dont l’origine est une enquête sur les cultes et les sanctuaires d’Épire et d’Illyrie méridionale4, régions profondément marquées par la colonisation corinthienne puis corintho- corcyréenne (Fig. 1)5. Dans le domaine corinthien, on n’observe pas de tradition François Quantin 210 6 BRUNEL 1953; MALKIN 1991. 7 Strabo 4, 1, 4-5. Cf. SALVIAT 2000. 8 Cf. QUANTIN 2004a. aussi claire que celle des aphidrumata étudiés par J. Brunel et I. Malkin6, d’un transfert du feu sacré du prytanée métropolitain vers la colonie, ni du voyage d’Aristarchè vers Massalia pour y devenir prêtresse d’Artémis Éphésienne7. Ces régions de Grèce nord-occidentale et du sud de l’Illyrie sont certes faiblement documentées par les sources littéraires mais l’on assiste aujourd’hui à une intensification des recherches archéologiques, grâce à une après-guerre marquée par les figures héroïques de Sôtiris I. Dakaris en Grèce, et d’Hasan Ceka ou en- core Skënder Anamali en Albanie. La rareté des sources conduit parfois à considérer que la lacune documentaire est à ce point insupportable qu’il faut la combler au plus vite par un fait dont la vraisemblance n’est pas démontrée: c’est ainsi, par exemple, que l’on postule à peu de frais ni plus de précaution l’origine corinthienne du culte de Poséidon en Épire comme en Illyrie méridionale, alors que sa présence est discrète ou n’est pas démontrée dans les colonies littorales, que ce dieu est très présent dans l’ensemble du monde grec et que des indices montrent qu’il est chez lui en montagne, à l’ouest du Pinde comme en Macédoine8. Ailleurs dans ces régions, la personnalité proprement corinthienne des divinités est at- tribuée à leurs homologues honorées dans les colonies ou au cœur des terres épirotes. Dans le domaine colonial, le principal défaut de ces démarches est de Fig. 1. Carte de la Méditerranée centrale avec indication des lieux cités dans le texte (V. Picard, IRAA-USR 3155 du CNRS). Contribution à l’histoire religieuse des colonies corinthiennes occidentales 211 9 CABANES 2003; I.Bouthrotos, 275-288. 10 En 1963, Georges Vallet formula parfaitement cette idée qui devint une vulgate (VALLET 1963, en particulier 215-218): il insista sur le texte de Strabon 4, 1, 4 à propos du rite de fondation de Marseille et estima que “le caractère religieux de l’acte de fondation […] permet de penser que c’est dans le domaine des cultes que les colonies offrent le reflet le plus fidèle de leur métropole”, cherchant à établir un “parallélisme rigoureux” ou des “ressemblances” entre les cultes de la colonie et ceux de la métropole. La communication présentée par M. Lombardo et E. Lippolis en octobre 2010 à Tarente, intitulée Aspetti cultuali e culturali nei rapporti tra metropoli e apoikiai (colloque Alle origini della Magna Grecia. Mobilità, migrazioni, fondazioni), a probablement abordé ce sujet. Dans le domaine mégarien, le lien religieux entre la métropole, Mégara Hyblaea et Sélinonte est bien établi (cf. tout récemment, l’article de MERTENS-HORN 2010, à propos du culte de Nuit et de l’identification de la statue archaïque de Mégara), mais Claudia Antonetti a parfaitement montré la nécessité, pour saisir la filiation cultuelle, d’une enquête précise ancrée dans les deux contextes locaux, et d’une attention aux registres mythiques respectifs (ANTONETTI 1997). La parenté entre les vies religieuses métropolitaine et coloniale est indiscutable mais il ne faut pas négliger qu’elle sert un processus de différenciation, de création d’une nouvelle communauté autonome, certes plus facile à reconnaître quand on traite des rapports conflictuels entre Corinthe et Corcyre, mais qui en réalité anime de facto l’ensemble des dynamiques coloniales. Dans le contexte de la colonisation, la duplication d’un culte doit, tout autant que l’observation d’une rupture ou d’une discontinuité, faire l’objet d’une démonstration. 11 Cf. TZOUVARA-SOULI 1992b, 97-99. 12 Après quelques hésitations parfaitement fondées (résumées dans BOOKIDIS 2003, 249- 250), N. Bookidis et R.S. Stroud ont désormais attribué le temple archaïque à Apollon grâce à un nouvel argument épigraphique: un fragment de pinax en terre cuite, découvert en 1902 mais resté inédit depuis, est peint d’un texte où l’on a raisonnablement restitué le nom d’Apollon (BOOKIDIS, STROUD 2004). 13 Pour les dernières découvertes, cf. Kernos 20, 2007, 337-338. 14 Un décret des Apolloniates découvert à Magnésie du Méandre prévoit que l’inscription doit disqualifier a priori la recherche d’une identité culturelle et religieuse propre, qu’elle soit radicalement opposée à l’identité métropolitaine, ou au contraire faite de nuances et de variations sur un thème originel venu de Corinthe, selon des chronologies qu’il n’est certes pas toujours facile de cerner. Il ne s’agit pas, bien entendu, de nier l’existence dans certains domaines comme les relations économiques, l’alphabet ou le calendrier9, d’une communauté corinthienne, ou de la réalité d’un lien fort avec la métropole, mais de mettre à l’épreuve l’idée d’une rigoureuse continuité religieuse entre la cité-mère et ses colonies10, qui paraît souvent aller de soi, et dont le défaut est qu’elle acquiert souvent une valeur absolue et heuristique qui ôte tout chance d’apercevoir les nuances et les discontinuités discrètes, si précieuses pour l’historien. Au premier abord, on observe un air de famille dans les colonies corinthiennes et corintho-corcyréennes, dû en partie à la prépondérance inattendue d’Artémis11. Son frère Apollon n’est pas absent bien entendu, mieux installé dorénavant dans son temple archaïque de Corinthe12, parfaitement logé à Syracuse où un grand naos dorique lui est consacré à Ortygie, à Ambracie où le temple de l’archaïsme tardif de la rue Pyrrhos lui appartient très vraisemblablement en qualité de Soter13, et bien loti à Apollonia d’Illyrie, où le culte du dieu éponyme est attesté par l’épigraphie et les monnaies14. L’aguieus est d’autre part bien connu à Corcyre dès l’époque François Quantin 212 être exposée dans le ἱερὸν τοῦἈπόλλωνος (cf. I.Apollonia nr. 315, l. 51). À propos des monnaies, où Apollon et ses attributs ou symboles sont fréquents, et où le nom même du dieu apparaît sur des émissions de bronze du début du IIIème siècle av. J.-C. (Ἀπόλλωνος), lire GJONGECAJ, PICARD 2007. 15 Cf. FEHRENTZ 1993. L’aguieus ou le kion d’Apollon à Apollonia (pour un exemplaire bien conservé, cf. QUANTIN 2011), Ambracie, et Corcyre dès l’époque archaïque, paraît inconnu à Syracuse. À Corinthe, son existence est malaisée à démontrer (cf. QUANTIN 2011, n. 12). Il est en revanche bien attesté dans l’aire épirote de colonisation corintho-corcyréenne, où pour certains il fut pris en compte par l’idéologie augustéenne pour devenir le monument aniconique des plaques Campana et de la maison d’Auguste et de Livie; sur ce sujet, voir dernièrement MARCHETTI 2001 et GROS 2003, en particulier 60-63, qui estime que l’Apollon du Palatin procède plutôt de l’Apollon Gryneios honoré sur le territoire de Myrina en Éolide. 16 Cf. uploads/Religion/ 09quantin-estr.pdf

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  • Publié le Fev 27, 2022
  • Catégorie Religion
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