Les protagonistes égyptiens du débat apollinariste Le Dialogue d ’ Athanase et

Les protagonistes égyptiens du débat apollinariste Le Dialogue d ’ Athanase et Zachée et les dialogues pseudoathanasiens - intertextualité et polémique religieuse en Egypte vers la fin du IVe siècle1 Les liens entre Apollinaire et l’Égypte sont bien connus. Son père était originaire d’Alexandrie et s’établit à Laodicée comme professeur de grammaire2. A cause de leur attachement à la foi de Nicée et de leurs rapports avec Athanase, le père et le fils furent excommuniés par Georges, l’évêque antinicéen de Laodicée3, lorsqu’ils hébergèrent, en octobre 346, le docteur alexandrin. Cet épisode ne fit que renforcer l’amitié qui les liait. Devenu évêque de Laodicée entre 360 et 363, Apollinaire le Jeune reçut la communion d’Athanase, puis celle de Rome, suite au voyage de son disciple Timothée, chaudement recommandé par l’évêque d’Alexandrie4. Si la partici­ pation au concile d’Alexandrie, en 362, de moines dépêchés par Apollinaire est 1. Le présent article contient le résultat de recherches commencées dans le cadre de ma thèse sur le Dialogue d'Athanase et Zachée et achevées après la soutenance de celle-ci. Je remercie vivement toutes les personnes qui, par leurs remarques ou leurs conseils, ont contribué à cette publication. Ma reconnaissance va en particulier à M. F. Amsler, Mme I. Backus, M. A. Capone, M. J. Declerck, M. E. Lucchesi, M. B. Meunier, M. E. Norelli, M. J. Noret, aux éditeurs des Recherches augustiniennes, ainsi que, pour son soutien, à la société OSEA Services. 2. Pour l’histoire de l’apollinarisme en général, E. MÜHLENBERG, Apollinaris..., p. 26-63 (la référence complète des titres cités en abrégé se trouve dans la bibliographie située à la fin de ce travail) ; G. VOISIN, L'apollinarisme... ; H. LlETZMANN, Apollinaris..., p. 1-78 ; pour quelques études plus succinctes et plus récentes, à partir desquelles le lecteur pourra débrouiller l’écheveau bibliographique, E. MÜHLENBERG, art. « Apollinaris », p. 364-365 ; H. DROBNER, Lehrbuch..., p. 220-224 ; G . Fe ig e , art. «Apollinaris » et art. « Apollinaristen, Anonyme » ; C. Pïe t r i, Les dernières résistances..., p. 376-379 ; P. Ma r a v a l , Antioche..., p. 909-910. La plupart des dates sont controversées. 3. M. Sim o n e t t i, La crisi..., p. 368-369. 4. Pour la date de son élection, bref état de la question chez A. MARTIN, Athanase..., p. 554 n. 32. Voir aussi p. 618, n. 265. 64 PATRICK ANDRIST une question aujourd’hui disputée5, personne ne semble contester qu’ApoIlinaire était alors largement reconnu comme un zélé partisan d’Athanase. Même s’il ne faut pas exagérer 1 ’« alexandrinisme » d’Apollinaire6 7 , on peut dire que l’influence d’Athanase sur lui fut énorme. Après la mort de l’Alexandrin en 373, Apollinaire s’est obstinément réclamé de lui, utilisant pour sa défense ses écrits, entre autres le Tomus ad Antiochenos et VEpist. ad Epictetum1. D’aucuns suggèrent du reste qu’Apollinaire fut le premier à assurer la diffusion des textes du maître, dès 373, et à compléter pseudonymement ou à interpoler le corpus8. C’est donc sans surprise que nous le trouvons, vers 377, en train de chercher du soutien auprès des confesseurs égyptiens, apparemment sans obtenir un franc succès ; il nous reste plusieurs échos de cette démarche, dont une lettre du Laodicéen9. Sans entrer dans l’épineuse question de la façon dont Athanase percevait l’âme du Verbe incarné, il est possible d’affirmer qu’il y avait entre les deux hommes, puis entre leurs partisans et successeurs, une communauté fonda­ mentale de christologie, suivant le schème « Verbe-chair »10. Cela n’efface cependant pas les particularités théologiques qui séparent les différents courants de cette large famille. Pouvons-nous évaluer la diffusion de la pensée d’Apollinaire en Egypte et l’activité de ses partisans ? Le cas échéant, l’Égypte est-elle une région envisa­ geable pour y situer des textes reflétant un débat antiapollinariste et parfois localisés ailleurs par la critique ? Si nous ne disposons pas d’assez d’éléments pour répondre à la première question de façon entièrement satisfaisante, nous pensons avoir réuni suffisamment d’indices pour affirmer que les milieux apollinaristes étaient très présents dans l’Égypte de la seconde moitié du IV e siècle et donc que la réponse à la seconde question est tout à fait affirmative. 5. A. MARTIN, Athanase..., p. 543-545 ; pour un avis contraire, E. MÜHLENBERG, Apolli­ naris..., p. 60. 6. Comme le rappelle M. Simonetti (Didymiana, p. 151-155 « La formazione culturale di Apollinare »). 7. Entre autres, E. MÜHLENBERG, Apollinaris..., p. 61-63; H. DROBNER, Lehrbuch..., p. 220 ; M. SIMONETTI, Sulla recente..., p. 126 ; IDEM, La crisi..., p. 370. 8. C. Ka n n e n g ie s s e r , Athanase..., p. 405-416 «Apollinaire de Laodicée à l’école d’Athanase ? ». 9. Apol., Ad episcopos ; cf. G VOISIN, L ’ apollinarisme..., p. 170; H. LlETZMANN, Apollinaris..., p. 60, 147 ; E. MÜHLENBERG, Apollinaris..., p. 55 ; A. MARTIN, Athanase..., p. 803-804. 10. Entre autres, B. SESBOÜÉ, J. WOLINSKI, Le Dieu..., p. 359 ; A. GRILLMEIER, Von der Apostolischen Zeit..., p. 460-494. LES PROTA GONISTES ÉGYPTIENS DU DÉBAT AP OLLINARISTE 65 His t o ir e d e l a po l é miq u e a n t ia po l l in a r is t e - q u e l q u e s r a ppe l s Avant de parcourir les textes, il faut rappeler quelques éléments de l’histoire de la polémique antiapollinariste, préciser quelques positions sous-jacentes à la présente étude et nous entendre sur ce que nous considérons comme « apolli- nariste ». Apollinaire était un théologien doué, bénéficiant d’une solide formation rhétorique. Fort de ce double bagage, il a développé une pensée originale, complexe et profonde, qu’il est d’autant plus difficile à reconstituer que peu de ses écrits nous sont parvenus en entier. La critique moderne lui a, cependant, restitué plusieurs ouvrages, transmis sous des noms considérés comme plus fréquentables. Leur nombre, du reste, ne cesse de croître et nous aurons ci- dessous l’occasion de discuter de quelques-uns d’entre eux (cf. p. 86-89). Parce qu’il fut persécuté pour la foi de Nicée, Apollinaire jouissait, avant sa condamnation, d’un rayonnement très grand et d’une notoriété imposante dans les milieux nicéens. Il a entretenu une correspondance avec Basile1 1 et, peut-être au début de 3771 2 , Jérôme suivit ses enseignements à Antioche avec un certain enthousiasme. Dans ces conditions, on comprend que le personnage ait été passablement épargné et que les critiques aient porté souvent sur ses idées (sans nommer leur auteur) ou sur ses nombreux disciples13. Les premières condamnations offi­ cielles vinrent d’Occident, mais se répandirent assez rapidement. Bien que la chronologie des conciles qui les prononcèrent soit disputée, nous percevons, sur la base des études de S. Gerber et de C. Pietri, la progression suivante : - la lettre de Damase à Paulin Per filium meum, datée vers 375, condamne déjà le point central de la doctrine apollinariste14 ; 11. G. L. Pr e s t ig e , St Basil... ; H. RiEDMATTEN, La correspondance... 12. Cf. Hieron., Epist. 84 §3 (p. 127.14, CSEL 55). La date de ces leçons est difficile à préciser. F. Cavallera {Saint Jérôme..., t. 2, p. 19) et J. N. D. Kelly {Jerome..., p. 58-60) les situent lors du second séjour de Jérôme à Antioche, après 376. F. Cavallera donne de bons arguments contre une datation lors du premier séjour (374-375), mais, comme le montre la chronologie des condamnations d’Apollinaire (cf. ci-dessous), on ne peut pas le suivre lorsqu’il affirme que « Dès 374-375, Apollinaire était tout aussi déconsidéré comme hérétique que trois ans plus tard ». De plus, il est difficile d’imaginer Jérôme, membre puis prêtre de la communauté de Paulin (F. Ca v a l l e r a , Saint Jérôme..., t. 1, p. 55-57), en train de suivre les cours d’un Apollinaire, dont la doctrine fut stigmatisée au concile de Rome. L’année 377, avant que les décisions du concile ait été connues, serait donc une bonne solution. 13. C. PlETRI, Roma..., p. 838. Selon C. J. Hefele et H. Leclercq {Hist. 2.1, p. 52, n. 2), Ambroise de Milan fait encore preuve de retenue dans une lettre de 381. 14. C. PlETRI, Les dernières...p. 379 ; pour une date en 378, G. Ba r d y , Le concile..., p. 208-210. 66 PATRICK ANDRIST - le fragment de Damase Illud sane miramur anathématise énergiquement les thèses apollinaristes ; selon le document auquel ils le rattachent, les critiques datent ce fragment diversement entre 375 et 3 7715 ; - quelle que soit son origine, le fragment Illud sane miramur est repris dans un dossier constitué par le concile tenu à Rome en 377, ou au tout début de 378 (par commodité nous parlerons, ci-dessous, de 378), en présence de Damase et de Pierre II d’Alexandrie. Ce dossier, qui contient des extraits de quatre documents et qui est conservé dans le recueil du codex Veronensis LX (§3), a, selon toute probabilité, été constitué à cette occasion par Damase, pour être envoyé en Orient et signé par ceux uploads/Religion/ andrist-les-protagonistes-egyptiens-du-debat-apollinariste.pdf

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  • Publié le Mar 18, 2022
  • Catégorie Religion
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