Kernos 6 (1993) Varia .........................................................
Kernos 6 (1993) Varia ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Pierre Bonnechere Orthia et la flagellation des éphèbes spartiates Un souvenir chimérique de sacrifice humain ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Pierre Bonnechere, « Orthia et la flagellation des éphèbes spartiates », Kernos [En ligne], 6 | 1993, mis en ligne le 07 avril 2011, consulté le 11 octobre 2012. URL : http://kernos.revues.org/533 ; DOI : 10.4000/kernos.533 Éditeur : Centre International d’Etude de la religion grecque antique http://kernos.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://kernos.revues.org/533 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. T ous droits réservés Kernos, 6 (1993), p. 11-22. ORTIllAET LA FLAGELLATION DES ÉPHÈBES SPARTIATES. UN SOUVENIR CHIMÉRIQUE DE SACRIFICE HUMAIN Sur les aspects insolites que le culte spartiate d'Orthia1 drainait dans son sillage2 plane une énigmatique rumeur de sacrifices humains à propos de la flagellation des jeunes Spartiates sur le ~wlJ.6s de la cruelle divinité. Le texte de Pausanias (III, 16, 9-10), indéniablement ciselé avec une précision démoniaque, affiche, semble-t-il, une grande cohérence interne, qui a le mérite de s'adapter à une des principales théories sur la nature des cérémonies religieuses qui prenaient place dans le sanctuaire de la déesse, à savoir le passage des adolescents dans la société des adultes3. 2 3 Le nom de la divinité est Orthia, et son assimilation avec Artémis n'advient que sous les Flaviens: voir AM. WOODWARD, Inscriptions, in The Sanctuary of Artemis Orthia at Sparta, Excavated and Described by Members of the British School at Athens, 1906-1910, éd. R.M. DAWKINS, Londres, 1929 (JHS, suppl. 5), p. 293 [ci-après cité AO]; H.J. ROSE, The Cult ofArtemis Orthia, in AO (cité n. 1), p. 401, n. 11. Orthia semble s'identifier pleinement à la II6TvLa lhjpwv, au même titre qu'Artémis: Ibidem, p. 401-403; K T.M. CRRIMES, Ancient Sparta. A Re-Examination of the Evidence, Manchester, 1952 2, p. 248-259; A BRELleR, Paides e Parthenoi, Rome, 1969 (Incunabula Graeca, 36), p. 130-131. Voir essentiellement A BRELICR (cité n. 1), p. 126-140; C. CALAME, Les chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque, t. 1, Rome, 1977, p. 276-297. F. FRONTISI- DUCROUX, La bomolochia : autour de l'embuscade à l'autel, in RCGO, 2, Naples, 1984 (Cahiers du Centre Jean Bérard, 9), p. 29-49; J.-P. VERNANT, Une divinité des marges: Artémis Orthia, in RCGO, 2, Naples, 1984, p. 13-27. Sur ces notions désormais acquises de «passage» au sein de la civilisation grecque, voir essentiellement H. JEANMAIRE, Couroi et Courètes. Essai sur l'éducation spartiate et les rites d'adolescence dans l'antiquité hellénique, Lille, 1939; A BRELleR, Paides et parthenoi (cité n. 1); C. CALAME, Les chœurs de jeunes filles (cité n. 2); B. SERGENT, L'homosexualité dans la mythologie grecque, Paris, 1984 (Bibliothèque Historique); Les rites d'initiation. Actes du colloque de Liège et de Louvain-La-Neuve, 20-21 novembre 1984, éds J. RIES et H. LIMET, Louvain-la-Neuve, 1986 (Homo Religiosus, 13); B. SERGENT, L'homosexualité initiatique dans l'Europe ancienne, Paris, 1986 (Bibliothèque Historique); P. BRULÉ, La fille d'Athènes. La religion des filles à Athènes à l'époque classique. Mythes, cultes, sociétés, Paris, 1987 (Annales littéraires de 12 P.BONNECHERE TOÛTO BÈ ol AlfJ.VaTaL ~rrapTLaTWV Kat KuvoO'oupds Kal <ol> ÈK M€O'6as TE Kat IIlTaVTjs BVOVT€S Tfj 'ApTÉl-uBl Ès Blaq,op<lv, arro BÈ at'nils Kat Ès q,6vous rrpOTJxlhjO'av, arroBav6vTlùV BÈ ht TW ~lùj.1C\i rroÀÀwv v60'os lq,B€lp€ TOÙS ÀOl1TOVs. Ka( O'q,lO'lV Èrrt TOVT41 y(vnàl À6yLOV aYj.1aTL avBpwrrlùV TOV ~lùj.10V alj.1aO'O'€lV' Buoj.1Évou BÈ IIVTlva 0 KÀlÎPOS Èrr€Mj.1~av€, AUKOÛPYOS j.1€TÉ~aÀ€v Ès Tàs Èrrt To1s Èq,fj~OlS j.1aO'TLyas, Èj.1rr(rrÀaTa( T€ olhlùs avBpwrrlùV aYj.1aTL 6 ~lùj.16s. En second lieu, les Spartiates de Limnatis et de Cynosouries, et ceux de Mésoa et de Pitané, alors qu'ils sacrifiaient à Artémis, connurent un désaccord à la suite duquel ils en vinrent à faire couler le sang; après que beaucoup eurent succombé à l'autel, un fléau s'abattit sur les autres. Et à ce propos un oracle leur fut rendu qui leur enjoignait d'arroser l'autel de sang humain : aussi dorénavant celui que le sort avait désigné était sacrifié, mais Lycurgue transforma la coutume en la flagellation des éphèbes, de sorte que l'autel soit de même couvert de sang humain. C'est là, selon le Périégète, l'origine de cette obligation incombant à tout Spartiate, dans sa jeunesse, de se soumettre avec une sérénité endurante aux coups des fouets dans le cadre de ce festival religieux hors du commun. Les plus nobles et les plus beaux se faisaient un honneur de briller particulièrement lors de l'épreuve annuelle, et tous forçaient l'admiration tant des familles que des curieux attirés par le spectaclé. Le vainqueur de ce rituel-concours gagnait le titre de ~ûlI-lOV(E)(KT]S5, jouissait d'une estime grandie et parfois bénéficiait d'une statue6 : son exploit, il est vrai, comportait d'importants risques, car la perte de sang pouvait atteindre des proportions critiques et le décès d'un des concurrents, battus nus sans répit, advenait de temps à autre encore que jamais il n'ait été souhaité 7. 4 5 6 7 l'Université de Besançon, 363); K. DOWDEN, Death and the Maiden. Girl's Initiation Rites in Greek Mythology, Londres-New York, 1989. CICÉRON, Tusculanes, XIV, 34; LUcIEN,Anacharsis, 38; PAUSANIAS, 111,16, 7-11; PHILOSTRATE, Vie d'Apollonius de Tyane, VI, 20; PLUTARQUE, Anciennes coutumes des Spartiates, 40 (Mor., 239d); SEXTUS EMPIRICUS, Grandes lignes du Pyrrhonisme, III, 208. IG, V, 1, 554; 652; 653 A-B (= AM. WOODWARD [cité n.1 ]), nO 142-143); 654; AM. WOODWARD (cité n. 1), nO 144. Le rituel en lui-même s'intitulait KapT€p(as aywv (lG, V, 1,290 et 653 A [= AM. WOODWARD, (cité n. 1), nO 37 et 142]); voir encore PLATON, Lois, l, 633b' KapT€pfjO'€lS, et PLUTARQUE, Anciennes coutumes des Spartiates, 40 (Mor., 239d) : KapT€pTJO'€lC Les hésitations de K.T.M. CHRIMES (citée n. 1), p. 135-136, sont peu convaincantes. Les nO 142-144 de AM. WOODWARD (cité n. 1) sont des bases de statues. Selon LUCIEN (Anacharsis, 38), ces statues auraient été élevées aux frais de l'État. Voir CICÉRON, Tusculanes, XIV, 34; PLUTARQUE, Anciennes coutumes des Spartiates, 40 (Mor., 239d); ID., Lycurgue, XVIII, 1-2. LUCIEN (Anacharsis, 38) ORTHIA ET LA FLAGELLATION DES ÉPHÈBES SPARTIATES 13 «Ethnologiquement,» - conclut Claude Calame8, - «le rite de la flagellation au sanctuaire d'Artémis Orthia se définit donc comme un rite d'initiation, et plus précisément un rite d'initiation tribale. En tant que tel, il comporte la structure à trois phases caractéristique de tous les rites de passage. Entre la séparation de l'ordre ancien (enfance) et la réintégration à l'ordre nouveau (âge adulte), il représente, à côté d'autres connotations, le stade de la mort, de la ségrégation, de l"'immersion dans le chaos", pour reprendre les termes d'Eliade». Et les raisons ne manquent pas pour accréditer cette séduisante hypothèse : la mort initiatique et donc symbolique par fustigation et effusion conséquente de sang est explicitement exprimée dans l'aition de Pausanias, puisque la flagellation y équivaut au sacrifice humain des origines, auquel échappent désormais les éphèbes des temps historiques. Les participants sont nus, et l'on sait à quel point la nudité est importante en ces circonstances, tandis que l'échappatoire qui permet l'abolition des immolations pourrait être comparé à l'dmiTT) dont doivent faire preuve les novices avant d'accéder au monde des adultes où la ruse doit s'effacer devant la force et l'esprit hoplitiques. On citerait même volontiers un parallèle attique, celui de la retraite artémisiaque des petites athéniennes qui, au noviciat de la vie civique, font les ourses pour la déesse : le mythe étiologique de la cérémonie expliquait qu'une fille de citoyen devait expier de sa vie le meurtre sacré de l'ourse de la divinité; son père cependant, nommé d'ailleurs Embaros, avait alors eu recours à une ruse par laquelle il immolait à la place de sa fille une chèvre pareillement vêtue9. Le passage du Périégète a été récemment invoqué par Jane B. Carter dans une perspective tout autre, celle de démontrer la fondation du culte d'Orthia à Sparte par des Phéniciens, adorateurs d'Asherah-Tanit, déesse qui offrirait de sérieuses ressemblances avec la divinité 8 9 parle de très nombreux morts, mais le sarcasme dont tout le dialogue est empreint laisse transparaître une nette exagération. PHILOSTRATE (Vie d'Apollonius de Tyane, VI, 20) précise que le but de la cérémonie était justement d'épargner aux éphèbes la mort sacrificielle qui jadis leur était promise. C. CALAME (cité n. 2), p. 279; voir aussi p. 291. Sur les cultes artémisiaques de l'Attique, et leurs relations avec les cérémonies initiatiques présidant à l'intégration des filles et garçons d'Athènes dans la société adulte, voir en uploads/Religion/ artemis-orthia-et-la-flagellation-des-ephebes-spartiates.pdf
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- Publié le Aoû 09, 2021
- Catégorie Religion
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