CÉCILE BOST Différence & souffrance de l’adulte surdoué Édition augmentée Vuibe

CÉCILE BOST Différence & souffrance de l’adulte surdoué Édition augmentée Vuibert pratiQue Différence et souffrance de l’adulte surdoué édition augmentée Par Cécile Bost © Vuibert – mars 2013 – 5, allée de la 2e DB – 75 015 Paris Site Internet : www.vuibert.fr ISBN : 978-2-311-01109-8 Maquette de couverture : Mademoiselle Responsable éditoriale : Caroline Roucayrol À mes enfants PRÉFACE J’ai longtemps cru, comme beaucoup, que les surdoués ne survivaient pas à l’adolescence, que ces enfants « particuliers » s’évanouissaient, une fois passés à l’âge adulte, dans le normal. Et pourtant… Il m’est parfois arrivé de rencontrer, dans mon exercice de psychiatre, des personnes à la dérive, pour lesquelles je ne saisissais pas le moteur de leurs tourments. Il m’a fallu prendre conscience que leurs différences portaient sur la manière avec laquelle leur(s) intelligence(s) fonctionnai(en)t. Leur façon d’appréhender le monde, leur profonde sensibilité m’ont permis de mieux cerner leur besoin de reconnaissance : reconnaissance par eux-mêmes et leur entourage de ces différences qu’ils ignoraient parfois, mais qu’ils vivaient pourtant sans retenue. Non, les surdoués ne s’évanouissent pas une fois les remous de l’enfance surmontés. Ces différences, qui les rendent vulnérables à leurs mouvements internes, à leurs intuitions et à leurs choix, demeurent. Elles sont même beaucoup plus difficiles à gérer, pour bon nombre de ces adultes surdoués, que pour les enfants affublés de ce qualificatif stigmatisant… Les conséquences sur la vie de ces adultes sont parfois terribles par leur inadaptation à leur entourage ou, plus généralement, à ce qu’on appelle la vie. La question du surdon chez l’adulte peut sembler sans importance ou marginale, surtout pour le milieu psychiatrique qui est bien plus souvent habitué à s’intéresser au handicap ou au déficit. Et pourtant, le surdon n’est pas seulement un « don », mais il est parfois aussi une source de difficultés (sociales, affectives, etc.) et de souffrance. Bien souvent, le surdoué adulte vit dans une méconnaissance de sa condition, méconnaissance qui peut être responsable de marginalisation, voire de suicide. La somme des données rassemblées ici est importante. Cet ouvrage lève une grande partie du mystère des surdoués adultes. Il permet de mieux cerner ce qui, dans l’intelligence (les intelligences) de ces personnes, est pourtant « fragile ». La mise en perspective, l’éclairage porté sur des échanges et des situations que peuvent vivre des sujets « surdoués », permettent de mieux appréhender ce phénomène. Et les nombreux témoignages montrent avec vérité ce que l’intelligence particulière du surdoué arrive à créer. Cette édition augmentée s’attarde plus particulièrement à identifier des solutions d’accompagnement pour aller mieux, au moment de l’identification, puis pour construire une vie renouvelée par l’intégration des spécificités du surdon. Il reste encore beaucoup à faire sur le sujet des adultes surdoués afin de rompre avec les idées reçues, mais également afin de susciter des témoignages et des travaux. Il convient en outre de mieux appréhender les caractéristiques liées au surdon pour pouvoir apporter des réponses et une aide adaptées. Il reste probablement à « inventer » de nouvelles approches psychothérapeutiques pour les adultes surdoués. Ce livre doit permettre à tous les surdoués et à leur entourage de reconnaître et, peut-être, de mieux comprendre ce à quoi ils sont confrontés, mais il devrait aussi favoriser la sensibilisation des thérapeutes au fonctionnement psychique des adultes surdoués. Christophe Lançon, psychiatre, professeur des Universités, Assistance publique des Hôpitaux de Marseille, 31 janvier 2008-15 novembre 2012 INTRODUCTION Je n’aime pas les mots « surdon », « douance », « surdouance », « doué », « surdoué » ou même « HPI » (haut potentiel intellectuel). Porteurs de beaucoup d’idées fausses, ils me renvoient aussi aux plus sombres moments de l’Histoire, quand la catégorisation des groupes humains a fondé la décision d’en exploiter, voire d’en éliminer certains. J’utilise ces qualificatifs par pure commodité, car je n’ai pas, jusqu’à présent, réussi à en trouver de plus satisfaisants pour décrire une population au mode de fonctionnement particulier et avéré. Le terme « surdoué » porte à confusion. La compréhension commune que l’on en a conduit à des malentendus et à de la souffrance. Le surdon est une réalité neurophysiologique. Un surdoué, qui pense en permanence de façon différente, vivra très souvent l’expérience de l’isolement. Pas seulement un isolement physique ou affectif, mais plus sûrement une vraie solitude, un enfermement, parfois intolérable à endurer. Il est très rare que les surdoués s’ouvrent à qui que ce soit de leurs pensées et de leurs ressentis, même à leurs proches, et cette impossibilité à communiquer peut prendre un tour dramatique. Rompre l’isolement est fondamental. J’ai consulté plus d’un millier de pages Internet et des dizaines de communications scientifiques. Outre mes échanges avec le professeur Lançon, j’ai confronté mes découvertes avec un groupe test : une « communauté », un groupe de chatteurs (une grande majorité de trentenaires et de quadragénaires dont le point commun était d’être surdoué). Je les ai questionnés, observés, rencontrés. À l’occasion de la rédaction de ce livre, beaucoup ont pu partager sur leur fonctionnement tellement particulier, dont ils n’avaient jamais osé parler – même avec les autres chatteurs – préjugeant qu’on risquait de les regarder d’un drôle d’air. Ce livre n’est pas pour autant un simple témoignage personnel. Je ne me serais jamais risquée à publier mes conclusions si je n’y avais été encouragée par tous ceux qui s’y sont également reconnus, alors même que j’avais achevé mes recherches et la rédaction de mes observations. Les nombreux témoignages recueillis ensuite sur mon blog (www.talentdifferent.com) sont venus à leur tour étayer ces conclusions. Un mot caractérise au plus près cette population particulière : « polymathe » – qui a des connaissances variées et approfondies. Mais, reconnaissez-le, ce mot ne fait pas vraiment rêver… Mon fils aîné m’a un jour proposé le terme d’« absurdoué ». C’est le terme que j’aimerais bien garder en fin de compte, tant, effectivement, il y a quelque chose d’absurde dans le surdon, au-delà de la capacité effective à pouvoir s’intéresser en profondeur à différents sujets. Un surdoué, ce n’est pas seulement une magnifique mécanique intellectuelle. C’est d’abord, et avant tout, un être d’une sensibilité physique et émotionnelle exacerbée, d’une hyperémotivité, au cœur d’un combat de tous les instants, qui absorbe une partie majeure de son énergie personnelle quotidienne. Ce livre est destiné à aider les thérapeutes à identifier les spécificités de fonctionnement de certains patients, dont la souffrance résiste aux traitements classiques contre la dépression. Cette édition augmentée s’attache d’ailleurs à approfondir les pistes d’accompagnement. S’il le peut, il est aussi conçu pour aider les adultes surdoués, seuls ou accompagnés, à reprendre espoir. Et même, pour certains, à faire la paix avec eux-mêmes. Chapitre 1 LE SURDON : DES MALENTENDUS À DISSIPER Depuis des décennies, tout le monde sait qu’il faut manger des épinards pour être fort, parce qu’ils sont très riches en fer. Depuis quelques années, on sait que c’est une faute de frappe qui a multiplié par dix la teneur en fer de cette plante. Je vois dans cette anecdote une certaine similitude avec la façon d’aborder le surdon : un raisonnement faussé au départ, un malentendu. Le concept de surdon est une conséquence directe de l’invention, dans un contexte maintenant dépassé, des tests d’intelligence (calcul d’un quotient intellectuel, QI). Des dizaines d’années de malentendus se sont accumulées depuis la création par Alfred Binet de son fameux test de QI. Je plaide pour un changement de la façon de reconnaître les surdoués, parce qu’à mon sens, cela pourra éviter bien des souffrances. Il faut d’abord arrêter de penser que le seul QI « fait » le surdon. Les tests de QI présentent de surcroît des limites de mesure que les psychologues eux-mêmes dénoncent. Il faut également dépasser les fantasmes : le surdon ne « disparaît » pas, passé un certain âge (qui resterait d’ailleurs à déterminer). Quand on naît surdoué, on reste surdoué toute sa vie. Par ailleurs, le surdon est d’abord intériorité et ressentis, et non pas seulement production visible. Dans le surdon, inné et acquis interagissent en permanence. De la balance entre les deux, peut naître le succès ou au contraire l’échec. QUELQUES COMMENTAIRES SUR LE TEST DE QUOTIENT INTELLECTUEL (QI) « Vous avez plus de 130 de QI ? Alors vous êtes surdoué. » Simple. Simplissime. Fastoche. Trompeur. D’où vient le test de QI et à quoi sert-il ? Ce test a été inventé par Alfred Binet il y a plus d’un siècle. Il était destiné à aider l’Éducation nationale à identifier les enfants avec des difficultés, afin qu’ils puissent être mieux soutenus dans leurs apprentissages scolaires. Dans le contexte économique du début du XXe siècle, où le recours aux machines est grandissant, les tests ont été conçus sur un référentiel logico-mathématique adapté aux attentes de productivité d’alors. Le mode de calcul du quotient intellectuel est établi à partir d’un échantillon d’enfants du même âge qui savent répondre aux mêmes questions, résoudre le même type de problème. Questions et problèmes évoluent avec chaque tranche d’âge. Un enfant de 8 ans sachant répondre aux questions ou résoudre les uploads/Religion/ bost-cecile-difference-et-souffrance-de-l-x27-adulte-surdoue-1.pdf

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  • Publié le Mai 26, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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