Divers 3 : Redeker : Qu’est-ce qu’un collé au bac ? – Finkielkraut / Régis Debr

Divers 3 : Redeker : Qu’est-ce qu’un collé au bac ? – Finkielkraut / Régis Debray : le pouvoir spirituel en France – Marc Richelle : B.F. Skinner ou le péril behavioriste. – Bazin : Divining the real. / La passion de Jeanne d’Arc (english) – Sur Bazin. – Jaloux : Sur Henry James. – Réflexion sur le sens de la peine. Sur “Difficile liberté” d’Emmanuel Levinas – Sur Claire Goll (auf deutsch) – Historische Subjekte : Rassen, Nationen, Klassen – die Grenzen liberaler Regierungsrationalität von Graham Burchell (Sur “Il faut défendre la société” de Michel Foucault ) – Die Theorie der Dekadenz ist das Herzstück des historischen Materialismus (Teil I) – Über Sozialismus und Diktatur des Proletariats. Qu'est-ce qu'un collé au bac ? par Robert Redeker Le baccalauréat, qui fut notre mythe républicain, a changé en faisant irruption dans l’ère des masses: entre la notation administrative (dictée par la bureaucratie ministéro-rectorale) et la notation doxale (dictée par I'opinion), toutes deux ordonnées à des fins politiques, la notation pédagogique, qui ne sanctionnait qu’un niveau scolaire, a fini par disparaître. Le pédagogique (le niveau scientifique et littéraire atteint par les candidats) figure le continent englouti de cet examen. La note attribuée par l’examinateur doit désormais s’insérer dans des grilles statistiques décidées avant la lecture des copies. La raréfaction des redoublements dans l’enseignement secondaire (et leur suppression en classse de première), l’effondrement des exigences intellectuelles, entraînent que beaucoup de candidats passent le bac avec un niveau très inférieur à celui qu’on pourrait attendre. Cependant, par nécessité politique, impératif social, raison démagogique, il importe qu’une bonne partie d’entre eux soient déclarés admis. Le mot « baccalauréat » continue de renvoyer dans notre culture nationale à un mythe; pourtant la réalité que recouvre ce mot se situe à mille lieues de celle qui inspira le mythe. Fatigué, en bout de course, sorte de fantôme sans âme, le mythe exténué du bac fausse la perception de la réalité contemporaine de cette épreuve. A cause de lui, de l’ombre portée par son prestige passé, ce n’est jamais la même chose que professeurs, élèves, technocrates, journalistes, politiques, sociologues, hommes de la rue, visent quand ils parlent du baccalauréat. Il y a dans les têtes autant de baccalauréats, tous imaginaires, que de discours sur cet examen. Le bac est devenu bien autre chose que cet idéal d’étiage intellectuel qui en justifiait le mythe: il s’est transformé en une image médiatique produite par l’institution scolaire en direction de l’opinion, en un baromètre tout aussi médiatique de la valeur d'un système. Les statistiques concernant son taux de réussite jouent pour les lycées et le ministère un rôle analogue à celui que joue la publication indéfiniment répétée des cours de la Bourse pour la politique économique du gouvernement. Le système choisit pour l’instant de sauver les apparences du bac. La valeur du système scolaire se démontre à la fois par son efficacité dans l’augmentation du nombre des bacheliers et par l’existence, qui doit être à la fois comprimée et significative, de recalés. Sauver l’apparence du bac – alors que plus personne ne croit en son contenu– implique que, tout en satisfaisant l’opinion par des taux de réussite élevés, on fabrique dans le même temps des recalés. Le bac n'a plus d’autre objectif que de permettre au système de se mettre en scène et de se confirmer publiquement. Il est aussi bien l’image publique du système que sa campagne parapublicitaire. Les examinateurs du baccalauréat accomplissent leur tâche dans la souffrance d’une déchirante contradiction: d’une part, il leur faut remplir le plan ministériel et admettre vaille que vaille le plus grand nombre possible de prétendants; d’autre part, il leur faut maintenir la fiction de l’examen, ce qui ne se peut qu'en collant un certain nombre de candidats. La première nécessité doit faire paraître l’efficacité du système scolaire quand la seconde doit entretenir au détriment des collés la croyance sociale dans le sérieux de cet examen. Ce raz de marée de la réussite se paie au prix de la mise en condition de l’opinion, de l’affaissement du niveau intellectuel exigé, des pressions de toutes sortes sur les examinateurs, de l’injustice dans la sélection des recalés, bref, de la substitution à la note pédagogique jugeant le niveau atteint par le candidat d’une note administrative, et, au fond politique, destinée à présenter devant l’opinion un ersatz d’évaluation d’un système scolaire. L’évaluation des candidats n’est plus l’objectif principal du baccalauréat. L’essentiel est ailleurs: le système scolaire organise le baccalauréat afin d’y procéder à son autoévaluation publicitaire. Comment sélectionner moins de 25 % d’échec ? Jadis, les choses étaient simples: il s’agissait de sélectionner les meilleurs. Aujourd’hui, la problématique de la sélection se trouve renversée: il s’agit de trouver un quota implicite d’élèves à refuser. Avant, on examinait pour dégager de la masse ceux qui étaient dignes d’obtenir le premier grade de l’enseignement supérieur. De nos jours, l’examinateur consacre beaucoup d’énergie à repérer ceux qui méritent d’être collés. Non plus sélectionner les meilleurs, puisque les trois quarts des candidats sont admis, mais sélectionner ceux qui ont un profil de loser. La méritocratie bachelière a été submergée par une médiocratie qui peine à trouver sa frontière inférieure. Le grand problème de cet examen n’est plus de définir la réussite, il est de rendre possible l’échec. Qu’est-ce qui distingue la foule des admis de cette petite minorité « lumpen- lycéenne » qui se retrouve collée ? Il n’y a aucun principe de justice objective qui tracerait la frontière entre l’admission et l’échec: la grande majorité des collés n’est pas scolairement plus faible qu’une bonne partie des admis, dont l’insuffisance scolaire est effrayante. L’intuition, les supputations, un coup d’œil sur le livret scolaire dont il importe de décrypter la langue de bois, tiennent lieu de règle de jugement. C’est dans l’empirisme le plus approximatif, la bonne volonté des jurys, leur état d’énervement ou leur euphorie, qui fait la différence. Ainsi ai-je fait obtenir le bac littéraire à une candidate au livret scolaire calamiteux, aux résultats désastreux, à l'absentéisme chronique – mais dont j'appris qu’elle attendait un enfant d’un ami envoyé en prison pour quelques mois; qu’elle avait été expulsée de son appartement début avril, que sa sous-alimentation mettait en danger le développement du fœtus qu’elle portait. Au lieu de parler d’Aristote et de Spinoza, notre oral roula sur les techniques du métier de « tatoueuse » qu’elle souhaite exercer, sur l’univers carcéral, la police, la marginalité. Elle n’obtint pas un bac pédagogique, elle obtint, chose fréquente, un bac social. En revanche, je suis persuadé que j’ai contribué à l'échec de candidats d’un niveau scolaire supérieur à celui de cette jeune fllle, mais dont ni la personnalité ni l’histoire ne me firent pareille impression. Il faut des sacrifiés du succès pour que ce succès soit socialement vécu comme tel! Certains candidats doivent être sacrifiés à cette campagne publicitaire qu’est le baccalauréat, substitut annuel d’une authentique évaluation du système scolaire. Un collé est dans la plupart des cas (c’est-à-dire en étant aussi mauvais candidat qu’une forte proportion d’admis) un sacrifié. Sacrifié à l’image que l’on veut répandre du baccalauréat: un examen difficile réussi par le plus grand nombre. Sacrifié au mythe caduc du baccalauréat, cette chose morte depuis que les gouvernements se sont lancés dans la démagogie scolaire – autrement dit: sacrifié au fantôme du baccalauréat. Le baccalauréat se présente comme un gigantesque et coûteux décor en trompe-l’œil pour une sordide comédie dans laquelle le pédagogique n’est plus que le texte d’une mise en scène assurée par les nécessités du politique et du technocratique. La frontière entre collés et reçus y est tout simplement celle – injuste – du sacrifice à l’institution scolaire, laquelle est cependant aujourd’hui vidée de contenu, vouée qu’elle est à des objectifs pédagogiquement inavouables. Réplique du Samedi 20 Mai 2000. Régis Debray: le pouvoir spirituel en France. AF. Comte, 1826 in Considérations sur le pouvoir spirituel: acte de décès d’un certain type de société caractérisée par son aspect théologique et militaire. La société qui émerge est scientifique et industrielle. Les savants vont hériter des prêtres le pouvoir spirituel (geistig: intellectuel et spirituel). Debray décrit une nouvelle mutation: “le pouvoir spirituel change de main, il est maintenant détenu par la presse. Après les grands récits prométhéens succédant à la transcendance divine, la valeur suprême se nomme information.” L’information instruit l’opinion nouveau sujet de l’action informative. Comment Debray peut-il parler non pas seulement de pouvoir médiatique (refusant avec raison la fiction d’un contre-pouvoir, terme sous lequel le pouvoir médiatique se dissimule en tant que pouvoir et distribue les rôles à son avantage en plaçant le seul pouvoir politique dans le camp du mal qu’il faut généreusement combattre), mais de pouvoir spirituel médiatique ? De quelle foi les serviteurs du fait sont-ils les apôtres ? RD. Comte. Le pouvoir spirituel a pour destination propre le gouvernement des opinions. Il y a une soudure des agrégats humains par la croyance et cette croyance s’administre, elle a un organe. Le temporel n’a pas tout pouvoir, il lui faut une idéologie qui fasse lien. L’empire uploads/Religion/ divers-3.pdf

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  • Publié le Jan 04, 2022
  • Catégorie Religion
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